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Il était une fois, les Jésuites ...

Charbel Hechema, Lundi, 01 avril 2019

C'est en 1879 qu’a eu lieu la première rentrée du séminaire-collège CSF au palais Boghos pacha Ghali à Mouski. Retour sur l’histoire des Jésuites en Egypte.

Il était une fois, les Jésuites  ...

L’histoire nous dit, tel qu’in­diqué dans le Livre du Centenaire, que le Collège de la Sainte Famille (CSF) était d’abord conçu pour l’éduca­tion des séminaristes. Le pape Léon XIII avait, en fait, souhai­té, après son élection en 1878, qu’il y ait un collège en Egypte pour la formation des futurs prêtres de l’Eglise copte catho­lique, ainsi que pour l’éduca­tion de la jeunesse. Les Jésuites ont été sollicités afin de réali­ser ce plan, et ces religieux intellectuels n’ont pas tardé à répondre présent à cet appel. Commençons d’abord par dire que la Compagnie de Jésus est une congrégation religieuse fondée en 1540 en Espagne par le chevalier basque Ignace de Loyola et 9 compagnons, et que les Jésuites prononcent un voeu d’obéissance au pape. Selon les chiffres, ces religieux repré­sentent le deuxième groupe le plus nombreux au sein de l’Eglise catho­lique (plus de 16000).

Le père Rémi Normand, supérieur de la mission de Syrie à l’époque, était venu au Caire, début janvier 1879, pour étudier le projet sur place et avait loué la maison Ascaros, au jardin Rossetti dans l’ancien quartier de Mouski. Une fois la maison inaugurée, les Pères Jésuites ont été actifs et ont eu beaucoup de contacts avec les autorités civiles et religieuses. Le 12 février de la même année, ils avaient été reçus en audience par le khédive Ismaïl, présentés par le consul général de France. Ils lui ont fait part de leur projet de créer un établissement scolaire et Son Altesse les avait encouragés. Plus tard, ils ont rencon­tré son successeur, le khédive Tawfiq, qui était également favorable au pro­jet.

Des familles égyptiennes ont voulu que leurs fils bénéficient de cette éducation de qualité. Rome avait accepté, et la première rentrée du séminaire-collège CSF a été effectuée en octobre 1879, au palais Boghos pacha Ghali à Mouski. 8 séminaristes pensionnaires, 8 demi-pensionnaires et plusieurs externes ont alors suivi 2 classes: la 7e élémentaire et la 6e latine. Le nombre avait atteint la tren­taine au courant de l’année scolaire qui s’est clôturée le 23 juillet 1880. Le père Salzani en était le recteur, ayant succédé au père Heury.

Au début, les pères étaient indécis quant à l’orientation à prendre: choi­sir le programme d’études classiques comme à Beyrouth? Enseigner le latin, le français et le grec ainsi que l’arabe, sans oublier l’anglais, puisque l’Angleterre était en train de s’im­planter en Egypte? La suivante ren­trée s’est faite en octobre 1880 et avait été clôturée par une distribu­tion de prix solennelle. En juin 1882, la Révolution du général Orabi avait éclaté et il y a eu une panique dans la ville. En juillet, pères et séminaristes avaient trouvé refuge au Liban, mais en septembre suivant, et malgré la situation incertaine, le recteur, P. Michel Jullien, ancien provincial des Collèges des Jésuites de Lyon, avait décidé de ramener sa communauté au Caire et la rentrée scolaire avait eu lieu normalement.

1889, inauguration du nouveau collège

Ayant une intuition juste, le père Jullien a commencé à cher­cher un terrain plus vaste per­mettant un avenir plus florissant. Il avait choisi le quartier de Faggala. La gare du Caire était encore en cours d’agrandisse­ment et les terrains des environs du Canal d’Ismaïliya (l’actuelle rue Ramsès) étaient cultivés de radis (fegl en arabe, d’où le nom Faggala). Il avait fait plusieurs achats de lots de terrains qui ont totalisé une superficie de 11500 m2.

Remplaçant le père Jullien en septembre 1884, le père Antoine Foujols avait été envoyé au Caire dans une situation économique critique, faute de ressources per­mettant de bâtir un nouveau collège, car l’actuel n’aurait pas d’avenir s’il restait au jardin Rossetti. En défini­tive, la Compagnie de Jésus avait préféré garder à la fois le collège François-Xavier d’Alexandrie et celui du Caire pour lequel des fonds avaient pu être obtenus pour édifier le nouveau collège, sous l’autorité du père Normand. L’autorisation du commencement des travaux avait été reçue début janvier 1882. Le ministre des Travaux publics avait offert un vaste dépôt du limon du Nil pour le jardin et pour remblayer la cour, et le ministre des Finances y avait contri­bué en exonérant le Collège des droits de l’octroi. Mais les infiltrations du Canal d’Ismaïliya, tout proche, et le niveau assez bas du terrain mena­çaient la solidité des fondations. Le frère-coadjuteur François Mourier, architecte, avait alors décidé de repo­ser toute la bâtisse sur une plate­forme de ciment pour éviter ce pro­blème. Notons que le premier ministre de l’époque, Noubar pacha, ainsi que des notables du Caire et du corps diplomatique, avaient assisté à la pose de la première pierre. Après un temps record de construction, un an et un mois, les élèves firent le tour du nouveau collège le 30 mai 1889.

Un quart de siècle plus tard, le sultan Hussein Ier a visité le collège, le 13 mai 1916. « Ce que j’aime en vous, c’est le respect de la croyance des autres», avait-il indiqué. Il avait souhaité que « cette oeuvre dure des siècles et des siècles», ajoutant qu’il admirait la méthode d’enseignement opérée par le Collège, joignant la culture morale à l’instruction intel­lectuelle, ce que lui-même recon­naissait par les hommes qu’il a pro­duits, tels Mahmoud Fakhri bey, son premier chambellan, et le prince Ismaïl Daoud, son aide de camp.

Le CSF est toujours au service de l’Egypte, formant une élite au service du pays et non une caste. Il n’oublie pas ses traditions, tout en demeurant ouvert à la modernité, avec la créa­tion de laboratoires des sciences, de langues et d’informatique qui en témoignent, ainsi qu’avec la rénova­tion des terrains de sport. Quant à la devise des Jésuites, elle demeure, à travers les siècles, les régimes et les cultures inchangeable: « Ad Majorem Dei Gloriam (Pour la plus grande gloire de Dieu) » .

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