M. Hollande et Mme Jean ont appelé à une dé-radicalisation dans les pays francophones ainsi qu’à un respect des droits des migrants.
(Photo:AFP)
« Croissance partagée, développement responsable et conditions de stabilité du monde et de l’espace francophone ». Tel était le thème du 16e Sommet de la Francophonie qui a eu lieu samedi et dimanche dernier à Antananarivo, la capitale malgache. Pourtant, actualité oblige, les travaux ont été dominés par deux autres dossiers, la lutte contre le terrorisme et la crise migratoire. En effet, la lutte antiterroriste s’est imposée au menu d’autant plus que plusieurs pays francophones ont été la cible d’attaques terroristes commises par Daech cette dernière année. Même Madagascar, le pays hôte, a été frappé par un attentat quelques jours avant le sommet. Ce qui n’a pas manqué de jeter son ombre sur le sommet. « Je pense que ce manque de sécurité est à l’origine de l’absence d’un grand nombre de dirigeants africains cette année. Au total, une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents à Antananarivo, une affluence modeste par rapport au nombre de pays membres ou observateurs de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui compte 84 Etats », estime ainsi Dr Hicham Ahmed, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Cette ambiance d’insécurité due à la montée de l’extrémisme islamiste dans le monde a poussé le président français, François Hollande, à appeler, lors du sommet, à renforcer la coopération contre la radicalisation au sein de l’espace francophone. « Nous n’avons pas le droit d’abandonner des jeunes sans repères, de les laisser ainsi vulnérables, atteints par les mensonges des mouvements fondamentalistes », a déclaré le président français. Le sommet a tenu à encourager, dans sa déclaration finale, le partage des programmes de « dé-radicalisation » dans les pays de la francophonie. « Les pays francophones paient un lourd tribut du terrorisme. Nous devons faire front uni face à cette menace », a déclaré Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’OIF depuis janvier 2015, à la clôture du sommet.
Selon Dr Hicham Ahmed, la lutte contre l’extrémisme s’est imposée au sommet à cause du renforcement des mouvements radicaux ces dernières années de par le monde, surtout Daech et Al-Qaëda. « Outre la France, la Belgique et Madagascar, il ne faut pas oublier que le Mali était frappé par une grave vague d’extrémisme, il y a environ deux ans. De plus, un mouvement radical comme Boko Haram, bien qu’il soit nigérian à son origine, s’est étendu à des pays francophones et y a commis de graves attentats comme au Tchad, Niger, Cameroun et Bénin. Ces pays ont uni leurs forces armées au sein d’une Force Multinationale Mixte (FMM) pour lutter contre les djihadistes nigérians », rappelle l’expert, affirmant que les pays francophones riches comme la France, la Belgique, le Canada et la Suisse doivent aider économiquement et culturellement les pays africains pauvres, afin de déraciner les mouvements extrémistes.
Outre la lutte antiterroriste, un autre dossier urgent s’est invité au sommet, à savoir la crise migratoire. Lors du sommet, le président malgache, Hery Rajaonarimampianina, a appelé la francophonie à multiplier les initiatives pour un monde plus juste. « Les vagues migratoires en provenance d’Afrique, auxquelles nous assistons actuellement, exigent des réponses politiques inclusives », a-t-il affirmé, alors que Michaëlle Jean a mis l’accent sur une crise qui s’est transformée en « tragédie ». « La crise migratoire nous interpelle, nous sommes dans la francophonie à la fois des pays de départ, de transit, de destination et d’accueil. Les pays d’accueil des réfugiés doivent agir avec humanisme. Nous insistons sur le respect des droits des réfugiés et de leur dignité », a plaidé la secrétaire générale.
Selon Dr Hicham Ahmed, l’OIF peut jouer un rôle — quoique limité — pour résoudre cette crise. Et ce, à deux niveaux. « Le premier au sein de l’organisation même en encourageant les pays francophones riches, comme la Suisse, la France ou le Canada, à accueillir les réfugiés politiques ou économiques des pays africains. Le second niveau est de négocier — en tant qu’organisation interlocuteur des pays francophones — avec les autres organisations internationales comme l’Onu ou l’Union européenne des moyens de résoudre la crise migratoire de par le monde entier », affirme l’expert.
Cette année donc, ce sont les débats politiques qui ont monopolisé le sommet, loin des questions linguistiques et culturelles propres à l’OIF. « Inévitablement, les questions d’ordre politique doivent être abordées. Sans sécurité, il ne peut y avoir ni stabilité politique, ni développement économique, alors tout ce que cherche à faire l’OIF ne peut pas être possible », justifie la patronne de l’OIF, pour qui la francophonie doit être bien plus qu’un simple « espace linguistique ». Plusieurs fois cette année, Mme Jean s’est exprimée devant le Conseil de sécurité de l’Onu, une première pour un chef de l’OIF. Son objectif consiste à faire de son institution un partenaire incontournable des organisations internationales dans la solution des crises mondiales. « Ce n’est pas la première fois que la francophonie affirme sa dimension politique et économique. Depuis sa fondation, l’Organisation francophone a tenté de s’impliquer dans des dossiers chauds. Telle a été la vision de la France, qui ne s’intéresse non seulement à propager sa langue, mais aussi à se prouver en tant que superpuissance apte à résoudre les crises mondiales. Pourtant, la contribution de l’OIF à la solution des dossiers chauds reste plus ou moins limitée. C’est normal, puisque même l’Onu — cette première organisation internationale — n’arrive pas à régler les crises majeures de la planète », conclut Dr Hicham Ahmed .
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