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L’OIF, plus qu’un espace linguistique

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 28 novembre 2016

Le 16e Sommet de la Francophonie, qui a eu lieu les 26 et 27 novembre à la capitale malgache, s’est penché sur les deux dossiers d’actualité les plus chauds : la lutte antiterroriste et la crise migratoire.

L’OIF, plus qu’un espace linguistique
M. Hollande et Mme Jean ont appelé à une dé-radicalisation dans les pays francophones ainsi qu’à un respect des droits des migrants. (Photo:AFP)

« Croissance partagée, développement respon­sable et conditions de sta­bilité du monde et de l’es­pace francophone ». Tel était le thème du 16e Sommet de la Francophonie qui a eu lieu samedi et dimanche dernier à Antananarivo, la capitale malgache. Pourtant, actua­lité oblige, les travaux ont été domi­nés par deux autres dossiers, la lutte contre le terrorisme et la crise migra­toire. En effet, la lutte antiterroriste s’est imposée au menu d’autant plus que plusieurs pays francophones ont été la cible d’attaques terroristes commises par Daech cette dernière année. Même Madagascar, le pays hôte, a été frappé par un attentat quelques jours avant le sommet. Ce qui n’a pas manqué de jeter son ombre sur le sommet. « Je pense que ce manque de sécurité est à l’origine de l’absence d’un grand nombre de dirigeants africains cette année. Au total, une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents à Antananarivo, une affluence modeste par rapport au nombre de pays membres ou observateurs de l’Orga­nisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui compte 84 Etats », estime ainsi Dr Hicham Ahmed, professeur de sciences poli­tiques à l’Université du Caire.

Cette ambiance d’insécurité due à la montée de l’extrémisme islamiste dans le monde a poussé le président français, François Hollande, à appe­ler, lors du sommet, à renforcer la coopération contre la radicalisation au sein de l’espace francophone. « Nous n’avons pas le droit d’aban­donner des jeunes sans repères, de les laisser ainsi vulnérables, atteints par les mensonges des mouvements fondamentalistes », a déclaré le pré­sident français. Le sommet a tenu à encourager, dans sa déclaration finale, le partage des programmes de « dé-radicalisation » dans les pays de la francophonie. « Les pays fran­cophones paient un lourd tribut du terrorisme. Nous devons faire front uni face à cette menace », a déclaré Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’OIF depuis janvier 2015, à la clôture du sommet.

Selon Dr Hicham Ahmed, la lutte contre l’extrémisme s’est imposée au sommet à cause du renforcement des mouvements radicaux ces der­nières années de par le monde, sur­tout Daech et Al-Qaëda. « Outre la France, la Belgique et Madagascar, il ne faut pas oublier que le Mali était frappé par une grave vague d’extrémisme, il y a environ deux ans. De plus, un mouvement radical comme Boko Haram, bien qu’il soit nigérian à son origine, s’est étendu à des pays francophones et y a com­mis de graves attentats comme au Tchad, Niger, Cameroun et Bénin. Ces pays ont uni leurs forces armées au sein d’une Force Multinationale Mixte (FMM) pour lutter contre les djihadistes nigérians », rappelle l’expert, affirmant que les pays fran­cophones riches comme la France, la Belgique, le Canada et la Suisse doivent aider économiquement et culturellement les pays africains pauvres, afin de déraciner les mou­vements extrémistes.

Outre la lutte antiterroriste, un autre dossier urgent s’est invité au sommet, à savoir la crise migratoire. Lors du sommet, le président mal­gache, Hery Rajaonarimampianina, a appelé la francophonie à multiplier les initiatives pour un monde plus juste. « Les vagues migratoires en provenance d’Afrique, auxquelles nous assistons actuellement, exigent des réponses politiques inclusives », a-t-il affirmé, alors que Michaëlle Jean a mis l’accent sur une crise qui s’est transformée en « tragédie ». « La crise migratoire nous inter­pelle, nous sommes dans la franco­phonie à la fois des pays de départ, de transit, de destination et d’ac­cueil. Les pays d’accueil des réfu­giés doivent agir avec humanisme. Nous insistons sur le respect des droits des réfugiés et de leur digni­té », a plaidé la secrétaire générale.

Selon Dr Hicham Ahmed, l’OIF peut jouer un rôle — quoique limi­té — pour résoudre cette crise. Et ce, à deux niveaux. « Le premier au sein de l’organisation même en encourageant les pays francophones riches, comme la Suisse, la France ou le Canada, à accueillir les réfu­giés politiques ou économiques des pays africains. Le second niveau est de négocier — en tant qu’organisa­tion interlocuteur des pays franco­phones — avec les autres organisa­tions internationales comme l’Onu ou l’Union européenne des moyens de résoudre la crise migratoire de par le monde entier », affirme l’ex­pert.

Cette année donc, ce sont les débats politiques qui ont monopoli­sé le sommet, loin des questions linguistiques et culturelles propres à l’OIF. « Inévitablement, les ques­tions d’ordre politique doivent être abordées. Sans sécurité, il ne peut y avoir ni stabilité politique, ni déve­loppement économique, alors tout ce que cherche à faire l’OIF ne peut pas être possible », justifie la patronne de l’OIF, pour qui la fran­cophonie doit être bien plus qu’un simple « espace linguistique ». Plusieurs fois cette année, Mme Jean s’est exprimée devant le Conseil de sécurité de l’Onu, une première pour un chef de l’OIF. Son objectif consiste à faire de son institution un partenaire incontournable des orga­nisations internationales dans la solution des crises mondiales. « Ce n’est pas la première fois que la francophonie affirme sa dimension politique et économique. Depuis sa fondation, l’Organisation franco­phone a tenté de s’impliquer dans des dossiers chauds. Telle a été la vision de la France, qui ne s’inté­resse non seulement à propager sa langue, mais aussi à se prouver en tant que superpuissance apte à résoudre les crises mondiales. Pourtant, la contribution de l’OIF à la solution des dossiers chauds reste plus ou moins limitée. C’est normal, puisque même l’Onu — cette pre­mière organisation internatio­nale — n’arrive pas à régler les crises majeures de la planète », conclut Dr Hicham Ahmed .

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