Al-Ahram : Le gouvernement a récemment adopté plusieurs décisions économiques. Qu’en pensez-vous et quel sera le rôle du ministère au cours de la prochaine période pour soutenir ces décisions ?
Sahar Nasr: Ces décisions mettent l’Egypte sur la bonne voie. Et notre premier intérêt au cours de la période à venir se focalise sur le citoyen égyptien. C’est ainsi que pendant la phase à venir, nous accorderons un intérêt particulier à la dimension sociale dans notre programme à travers des visites effectuées dans les régions les plus démunies de tous les gouvernorats. Nous devons être au courant des besoins des citoyens afin d’accorder un soutien aux projets qui contribuent à améliorer leur niveau de vie, comme les projets sanitaires, la construction de nouvelles écoles et l’habitat social, ainsi que les PME.
— Le ministère de la Coopération internationale oeuvre actuellement à finaliser sa nouvelle stratégie. Quels sont les principaux traits de cette stratégie ?
— Réaliser un développement complet et durable vient en tête des priorités du ministère. Partant, la nouvelle stratégie du ministère se focalise sur trois axes principaux. Le premier est le développement du potentiel humain en termes d’enseignement, de formation et de santé avec un financement ayant dépassé 2 milliards de dollars. Nos partenaires, entre autres l’Union européenne et la Chine, nous aident à mettre en place des programmes de formation des jeunes ainsi que d’autres contribuant à l’amélioration de la performance de l’enseignement. Le deuxième axe consiste à fournir les services de base aux plus démunis. Le ministère essaye de maintenir l’équilibre entre le développement économique et social. Fournir le financement nécessaire au développement de l’infrastructure est le troisième axe de notre stratégie. A titre d’exemple, le financement de 500 millions de dollars consacré au développement des zones industrielles à Qéna et au Sohag.
Bref, nous allons essentiellement nous concentrer sur les projets de développement, notamment les projets d’infrastructures et les projets industriels qui créent des emplois pour les jeunes et qui augmentent les exportations égyptiennes, lesquelles deviendront la locomotive d’un développement global. Le ministère contribue également au financement du projet d’un et demi millions de feddans considéré comme l’un des principaux piliers de la réalisation de la sécurité alimentaire de l’Egypte, sans oublier le développement de la Haute-Egypte et du Sinaï qui représentent une priorité pour le gouvernement.
— Qu’en est-il du financement de tels projets ?
— Nous sommes en voie de finaliser la nouvelle stratégie de coopération entre le gouvernement égyptien et la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) pour répondre aux besoins des citoyens et aux priorités du gouvernement égyptien. En vertu de cette stratégie, il a été conclu d’augmenter le volume de coopération entre l’Egypte et la banque, notamment dans le domaine de l’énergie renouvelable à laquelle la banque a consacré 500 millions d’euros. Il est connu que la banque a investi environ 2 milliards d’euros dans 36 projets dans les principaux secteurs qui sont l’énergie, l’énergie renouvelable, l’industrie, le transport, les industries agricoles et les services, en plus d’autres axes de coopération concernant la performance de l’énergie et la promotion de la femme en ce qui concerne le travail. Ce sont les domaines dans lesquels la banque a l’intention d’augmenter sa coopération.
Pour ce qui est du projet de l’alimentation scolaire, une réunion a eu lieu dernièrement pour discuter le contenu de l’alimentation scolaire dans le cadre du programme de la promotion de l’accès des enfants à l’enseignement et la lutte contre le travail des enfants. Ce programme est financé par l’UE avec une somme de 60 millions d’euros. Il a alors été conclu d’élargir le programme de l’alimentation scolaire qui contribue largement à l’amélioration de l’état de santé des élèves, qui diminue les charges que les familles des élèves assument, tout en contribuant à la réalisation de certains objectifs du développement continu, dont le plus important est la lutte contre la faim, la réalisation de la sécurité alimentaire, l’amélioration de l’alimentation et la promotion de l’agriculture continue. Le projet de l’alimentation dans les écoles consiste à présenter aux élèves des repas légers qui constituent 25% de leurs besoins alimentaires journaliers.Le cadre du programme va être élargi de façon à englober tous les gouvernorats d’Egypte au lieu d’être limité à 16 gouvernorats seulement, comme servir les écoles communautaires en parallèle avec les écoles gouvernementales. L’objectif est qu’un plus grand nombre d’élèves de différentes couches sociales profitent des résultats positifs du programme.
Sahar Nasr s'est entretenue avec les dirigeants de l'AFD il y a deux semaines, pour promettre ses projets de développement en Egypte.
— Le ministère de la Coopération internationale supervise de nombreux projets dans le domaine économique. Quel est le nombre total de ces projets et le volume d’investissements nécessaires pour les financer ?
— Le ministère supervise actuellement 250 projets dans les différents secteurs économiques, à savoir les secteurs de l’infrastructure comme l’électricité, l’énergie, le drainage sanitaire et les stations d’eau. Ces projets ont pour objectif de renouveler les autoroutes, les voies ferrières ainsi que la santé et l’éducation. Le financement nécessaire pour la mise en place de ces projets s’élève à 30 milliards de L.E. Le ministère coopère avec tous les ministères concernés et les partenaires de développement pour exécuter ces projets, afin de réaliser les objectifs du développement économique.
— En tant que membre de l’Union européenne et en tant que partenaire stratégique de l’Egypte, comment la France peut-elle participer à la relance économique du pays au cours de la prochaine période ?
— La France et l’Egypte coopèrent dans de nombreux domaines dont les plus importants sont les transports, l’électricité, l’énergie, l’aviation, l’habitat, le drainage sanitaire, l’agriculture, l’irrigation et les Petites et Moyennes Entreprises (PME). Sans oublier les projets de l’Agence Française de Développement (AFD). La France est un partenaire stratégique pour l’Egypte. Nous examinons actuellement la possibilité d’une éventuelle contribution française au financement des études de faisabilité des différents secteurs du développement. Le côté français étudie la possibilité d’y consacrer 10 millions d’euros. Une autre somme de 300000 euros devrait être consacrée à la formation technique et professionnelle de la main-d’oeuvre, en coopération avec le Fonds social, afin d’améliorer les compétences de maintenance en Egypte.
En ce qui concerne le secteur de la santé, le côté français étudie la fourniture d’un financement pour la réforme du secteur sanitaire en Egypte en coopération avec le ministère de la Santé et la Banque mondiale. Le fonds en question s’élèvera à 250000 euros. Outre ces sommes, le côté français a accepté de consacrer 150000 euros au secteur de l’énergie et 300000 euros pour les autres secteurs. De même, le Fonds social de l’Egypte s’est adressé à l’AFD pour l’obtention d’un prêt pour soutenir les PME. L’AFD a approuvé un prêt d’une valeur entre 60 et 70 millions d’euros pour financer les petites et moyennes industries. Nous discutons actuellement des conditions de remboursement.
— Qui exactement fournit cet argent ?
— Dans l’objectif de diversifier les sources de financement, le gouvernement français a décidé d’autoriser le financement des projets via l’Agence Française de Développement (AFD) en plus des autres sources de financement, à l’instar des protocoles financiers gouvernementaux et des bourses d’étude. L’AFD est une institution financière publique dont le gouvernement français possède entièrement le capital. Elle est chargée de financer le processus de développement dans les pays partenaires et d’octroyer des prêts, ainsi que des bourses pour les études de faisabilité. L’AFD est prête à contribuer dans le domaine de l’infrastructure (l’eau, les transports collectifs; l’énergie, le développement urbain), dans le financement des PME et dans le soutien du secteur privé, de la justice sociale et de la santé.
— Quelles ont été les plus importantes conventions signées avec les Français au cours de la dernière visite du président français en Egypte ?
— La visite du président français en avril dernier a été des plus fructueuses. De nombreuses conventions de financement ont été signées. Les plus importants sont le projet de création d’un centre de contrôle régional dans le Delta avec un prêt d’un montant de 50 millions d’euros, le projet du raccordement domestique au gaz naturel avec un don de 68 millions d’euros, le projet de la station d’énergie éolienne dans le Golfe de Suez avec un prêt d’un montant de 50 millions d’euros, le projet de traitement de la vase résultant de l’épuration des eaux usées dans la station Est du gouvernorat d’Alexandrie avec un prêt d’un montant de 50 millions d’euros.
Par ailleurs, le 3 août et le 27 septembre derniers, une convention a été signée et un don a été modifié pour le financement des études de faisabilité et des services de consultation. Ce don d’un montant d’un million d’euros est présenté par l’AFD en faveur de la République arabe d’Egypte afin de contribuer à la résolution du problème du chômage, à l’exécution du projet de l’assurance médicale, afin de soutenir les secteurs de l’énergie et de l’énergie renouvelable, ainsi que l’amélioration des transports. Des procédures constitutionnelles sont actuellement adoptées afin de ratifier ce don.L’AFD s’est également montrée disposée à contribuer au financement du programme de l’amélioration de la qualité des soins médicaux avec un prêt d’un montant de 30 millions d’euros et un don d’un million d’euros. Elle présente par ailleurs une ligne de crédit d’un montant de 80 à 90 millions d’euros pour le financement des microprojets et petits projets.
— Quels sont les aspects de la coopération avec la Banque mondiale ?
— La coordination avec la Banque mondiale est satisfaisante. Elle fonctionne selon le programme de développement du gouvernement, afin d’obtenir le second acompte du prêt du programme de subvention du budget de l’Etat.
— Les fonds arabes ont également leur part importante dans le financement des projets égyptiens et la relance économique. Quel est l’avenir des relations bilatérales entre l’Egypte et l’Arabie saoudite à la lumière des rumeurs sur un différend diplomatique ?
— Les relations entre les deux pays sont des relations historiques qui remontent à de longues décennies et qui ont pour fondement un héritage culturel conjoint ainsi que des valeurs arabes et islamiques. La coopération égypto-saoudienne dans le dossier économique a été formulée dans de nombreux cadres qui garantissent sa durabilité et son développement pour s’étendre à différents domaines. Les projets de développement avancent à des pas réguliers. C’est dans ce cadre que le fonds a signé avec l’Egypte des conventions de prêts relatifs au programme du roi Salman Bin Abdel-Aziz pour le développement du Sinaï d’un montant de 1,5 milliard de dollars en avril 2016. Ce programme englobe 10 projets dans les domaines de l’enseignement, de l’agriculture, de l’infrastructure, de l’habitat, de l’eau et autres. Le premier acompte d’un montant de 300 millions de dollars a déjà été versé.De plus, le Fonds saoudien de développement a signé deux conventions de subventions pour le financement du projet de la station d’électricité de l’Ouest du Caire et le projet de développement des hôpitaux de Qasr Al-Aïni d’une valeur de 220 millions de dollars. Ainsi, le Fonds saoudien de développement a contribué de 1975 à 2015 à financer, à travers ses prêts, 18 projets d’un montant total de 2,787 milliards de rials saoudiens, soit près de 743 millions de dollars. En ajoutant le programme de développement du Sinaï et les deux nouveaux prêts signés en 2016, le portefeuille des prêts accordés par le fonds à l’Egypte atteint près de 2,463 milliards de dollars.
— Quel est le volume de coopération avec le Fonds koweïtien de développement et le Fonds de développement arabe ?
— Le portefeuille de coopération avec le Fonds koweïtien de développement a atteint près de 2,835 milliards de dollars depuis sa création. Il a financé 42 projets de développement dans différents domaines en plus de 12 aides techniques d’une valeur de 52 millions de dollars.Quant au Fonds arabe de développement, il a contribué via ces prêts au financement de 56 projets à partir de 1974 et jusqu’à 2015 d’une valeur de 1,327 milliard de dinars koweïtiens, soit près de 4,78 milliards de dollars. En avril dernier, le Fonds arabe de développement a signé avec l’Egypte deux conventions de subventions pour le financement du projet de développement du processus de l’agriculture et de l’eau (d’une valeur de 50 millions de dinars koweïtiens, soit près de 180 millions de dollars) et du projet de génération de l’électricité de Damanhour (d’une valeur de 60 milliards de dinars koweïtiens, soit près de 216 millions de dollars). C’est ainsi que le portefeuille des prêts du Fonds arabe a atteint en Egypte près de 5,17 milliards de dollars.
— Lorsque vous avez été nommée ministre en mars dernier, vous avez exprimé votre inquiétude vis-à-vis des projets qui, jusqu’à présent, n’ont pas été exécutés, et ce, en dépit des crédits qui y sont consacrés. Est-ce le cas encore aujourd’hui ?
— Ce n’est plus le cas. Le ministère surveille de près tous les projets. Ce qui est important est que nous déterminons aujourd’hui les projets prioritaires pour leur consacrer le financement nécessaire. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Aujourd’hui, tous les projets que nous avons choisis et pour lesquels nous avons obtenu des prêts ou des dons sont en cours d’exécution. Nous profitons à un taux de 53% du total des dons que nous avons reçus.
La hausse du nombre de crédits suscite l’inquiétude d’une partie de la société égyptienne. La facture des aides étrangères ne s’est-elle pas trop alourdie au cours de l’année 2015 ?
— Je peux vous assurer que notre priorité est de mettre en place le plus grand nombre de projets qui seraient en mesure de fournir des emplois aux jeunes et d’améliorer le niveau de vie de ces derniers. Le problème est qu’il y a un manque en ressources financières. Il est donc nécessaire de trouver des modes alternatifs de financement pour réaliser les projets en question, dont profiteront la génération actuelle et les générations futures. Mais je tiens à préciser que ces crédits ne représenteront pas de fardeau dans le futur, car les rendements d’investissement de ces projets rembourseront les versements de ces prêts, surtout que les périodes de grâce de ces crédits sont longues, allant parfois jusqu’à 30 ans avec des taux d’intérêt très bas. Nous tenons à obtenir les meilleures conditions de remboursement. La Banque Centrale d’Egypte et le ministère des Finances supervisent toutes les négociations.
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