On ne présente plus Elie Kuame. Ni en France, pays où il a étudié, ni en Belgique, pays où il est né, ni même en Côte d’Ivoire, pays où il a passé sa tendre enfance et encore moins au Liban, son pays d’origine. Ce qui est encore plus certain, c’est qu’il est en phase de graver son nom dans la mode maghrébine depuis que des stylistes et créateurs marocains ont entendu parler de lui.Et dire que le jeune homme a commencé en tant que simple amateur de la mode internationale, il y a seulement dix ans. « J’ai toujours aimé le monde esthétique des femmes. Celui des soirées, des mariages sophistiqués, des défilés de haute couture. J’ai toujours apprécié le côté Lolita de mes proches de sexe féminin. J’ai compris, très jeune, que rien ni personne ne pourra égaler la beauté de la garde-robe d’une femme coquette. Honnêtement, le rêve d’embrasser une carrière dans l’univers de la mode ne m’a attiré que lorsque j’ai commencé mes études supérieures à Paris, la capitale universelle de la mode », se plaît-il à dire, quand vous lui demandez de vous parler de sa passion : le stylisme.
Fils d’une assistante médicale libanaise, il a toujours admiré l’amour que cette dernière a voué et voue encore aux magazines de mode, aux émissions de télévision entièrement consacrées aux dernières créations de Christian Dior, de la maison Chanel, bref aux grandes maisons de haute couture frenchy. Ses tantes et cousines ne faisaient pas exception de ce beau monde luisant. Par conséquent, Elie Kuame a appris à aimer tout ce qui brille. Les tissus de soie, les colliers dorés, les robes de velours … Bref, tout ce qui plaît aux femmes et envoûte les hommes.
En 2000, le jeune homme débarque en France et s’inscrit en faculté des sciences économiques. « L’économie est un domaine majeur qui nous permet de comprendre beaucoup de sous-domaines de la vie professionnelle, sociale ou politique. J’ai opté pour cette spécialité pour viser une carrière spécifique dans un secteur plus extraverti et communicatif », se souvient-il, faisant allusion au secteur de la haute couture. Et de continuer : « Quelques années plus tard, j’ai intégré une maison de renom de robes de soirée et de robes de mariée, en tant que premier assistant. Ce fut l’une de mes plus belles expériences professionnelles, puisque c’était littéralement mon entrée dans cet univers qui m’a toujours fait rêver. Celui de la haute couture et du bling-bling ».
Non sans fierté, il nous avoue qu’il fut un temps où il faisait les poubelles du Sentier, un quartier parisien spécialisé dans le commerce du textile en gros. « Les tissus étaient en très bon état », rassure-t-il, lorsqu’il entrevoit un brin d’étonnement sur les visages, avant de poursuivre : « Là-bas, je partais chaque mois, voire chaque semaine, à la collecte des morceaux de tissus de qualité pour confectionner mes toutes premières robes, jupes, vestes ou pantalons. J’étais un apprenti et je me donnais tous les moyens pour arriver à ma quête initiale, à savoir l’apprentissage de la couture de luxe. Petit à petit, j’ai commencé à me familiariser avec ce domaine riche en découvertes et en bonnes surprises. Je donnais libre cours à mes inspirations multi-ethniques. Ce qui fait que j’ai réussi à répondre aux attentes de divers publics lors de mes premières années de professionnalisation ».
En effet, parler d’Elie Kuame, c’est surtout parler de sa touche magique qui constitue un véritable trait d’union entre l’Afrique et l’Europe, l’Orient et l’Occident. Entre la France, la Belgique, le Sénégal, la Côte d’ivoire et le Liban. Ses thèmes, eux, lui sont dictés par ses envies du moment et les besoins du marché de la haute couture et du prêt-à-porter. Et si son nom fuse de partout dès que le brassage culturel est évoqué, c’est grâce à son esprit ouvert ainsi qu’à son amour pour la communication par le biais de l’art, sans oublier ses nombreux voyages de découverte.
Aussi, doit-il sa célébrité à son travail acharné. Selon ses mots : « J’ai eu une éducation assez stricte. Mon père m’a toujours répété que je dois travailler d’arrache-pied pour mériter la réussite et la récompense. Parce qu’à l’instar de toutes les belles choses de la vie, lorsque nous désirons une chose, nous devons la mériter, sinon elle n’a pas à nous appartenir et elle n’a pas lieu d’être ». Il va jusqu’à nous avouer que son père n’a jamais été très accueillant quant à son envie de devenir celui qu’il est aujourd’hui. « Il voulait que je devienne un professeur universitaire ou au pire, un banquier ». Le nom Elie Kuame était donc prédestiné à s’inscrire sur le chevalier d’un guichetier dans une banque ivoirienne !
Et après l’effort vient le réconfort. En effet, les dix années de labeur et d’acharnement d’Elie Kuame ont fini par porter leurs premiers fruits le jour où il a été convié à la célébrissime New York Fashion Week, organisée par la Mercedes Benz en février 2012. Lors de ce grand événement, les mannequins de Kuame ont pu défiler aux côtés de ceux de Marc Jacobs en personne, ce qui n’a pas été sans satisfaire le jeune Libano-ivoirien, qui a longuement rêvé de succès.
Elie Kuame a également monté les marches de la soixante-sixième édition du Festival de Cannes et ce, grâce à la créatrice des salons de beauté Ethnica Hapsatou Sy.En août 2013, il participe au Festival de mode et de design à Montréal, au Canada. « Mon expérience avec les designers et stylistes québécois est unique en son genre. J’ai constaté que même au fin fond du continent américain, le brassage culturel est le maître-mot de toutes les belles créations. Comme quoi, à force de vouloir nous démarquer les uns des autres, on finit souvent par se recouper, se ressembler et surtout s’inspirer des mêmes pays, des mêmes personnages historiques, des mêmes besoins saisonniers et du même village planétaire. Les arts finissent toujours par défendre les mêmes causes. La mode et la haute couture aussi », témoigne-t-il.
« La ville de Montréal n’a rien à envier aux autres capitales universelles de la mode, à l’instar de Paris, Rome, Londres et pourquoi pas Beyrouth. Idem pour la ville marocaine de Marrakech, qui abrite depuis 18 ans le Festival Caftan. Un festival qui rend hommage aux robes de luxe du monde entier et ce, à des fins humanitaires. En mai 2014, j’ai eu la très bonne surprise d’être l’invité d’honneur de ce festival », continue-t-il.
Aujourd’hui, il est loin le souvenir d’un Elie Kuame qui postulait à gauche et à droite dans les maisons de couture parisiennes qui lui faisaient la fine bouche, parce que ses styles étaient inhabituels. Il doit toutes les belles choses qui lui sont arrivées et qui lui arrivent encore à cette même touche hétéroclite qui rend mille et un hommages à toutes les créations de l’histoire de la mode. Toutefois, malgré ses différentes inspirations, il reste sobre et ne va jamais vers l’excès. Mais ses coupes restent téméraires de par leur singularité. Où qu’il aille, ses créations plaisent à l’oeil et marquent l’esprit.
Mais quoi que l’on dise de ses débuts, l’histoire de la mode se souviendra toujours de sa collection « Femme de pouvoir » qui a décroché, en 2006, le premier prix du concours des « Jeunes créateurs ». Un concours qui a pour but d’aider les jeunes talents à sortir de l’ombre, financièrement parlant. « Ce concours m’a permis d’être parrainé, à mes débuts, par la prestigieuse maison Hermès, grâce à un contrat de professionnalisation cosigné avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris », a-t-il précisé. Le voilà organiser son premier grand défilé. « C’est ainsi que j’ai eu mes premières grandes interviews dans la presse française et fait mon entrée dans la cour des grands de la mode. J’ai, par la suite, enchaîné avec divers défilés, entretiens avec la presse féminine. J’ai habillé des centaines de célébrités de par le monde. Bref, j’ai réalisé mon rêve d’il y a très longtemps. Aujourd’hui, j’en suis ravi et je ferai tout pour que je continue à donner le meilleur de moi-même », affirme-t-il.
Aujourd’hui, le créateur libano-ivoirien possède sa propre maison de haute couture qui porte son nom et qui fait parler d’elle dans les plus grands salons et festivals de couture de luxe. Puisqu’il doit beaucoup de belles choses à Paris, la capitale des Lumières, de la mode et de la gloire, il a choisi d’y exercer et d’y continuer sa vie professionnelle. Au-delà de la célébrité il vise surtout passer le relais à une nouvelle génération de créateurs inspirés par le brassage culturel par le biais de la couture.
« Je dois mon nom, aujourd’hui présent dans le marché de la couture, à mes différentes origines. A mon humble avis, lorsque nous rendons hommage à plusieurs pays du monde en une seule carrière, ces pays finissent tôt ou tard par nous le rendre positivement, même si cela n’a jamais été notre but », fait-il remarquer, avant d’enchaîner : « La vie m’a offert beaucoup de belles choses artistiquement parlant. C’est pour cela que j’ai envie de transmettre mon savoir-faire à mes disciples ivoiriens et libanais en guise de remerciement au destin. Parce qu’il fut un temps où je peinais à organiser un seul défilé. Maintenant, le souci d’en préparer et d’en organiser ne me demande que quelques semaines de travail. Donc autant aider les jeunes débutants qui ont besoin de mon assistance », ajoute-t-il.
Au fil des années, la maison Elie Kuame a élargi ses domaines de compétence. S’il fut un temps où elle ne proposait que des robes de soirée, aujourd’hui, elle s’est spécialisée dans la fabrication des sacs à main, des parfums, des bijoux de luxe et des vêtements de haute couture. Que c’est beau le luxe .
Jalons :
2000 : Etudie les sciences économiques à Paris.
2004 : Rejoint un grand atelier de haute couture en tant qu’assistant.
2006 : Décroche son premier contrat de professionnalisation par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
2012 : Participe à la New York Fashion Week.2013 : Participe au Festival de mode et de design de Montréal.
2014 : Invité d’honneur de la 18e édition du Festival Caftan du Maroc à Marrakech.
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