Un moine ne doit pas adopter un mode de vie solitaire et s’enfermer dans son lieu de culte, un monastère consacré à la prière et à la contemplation. Un moine doit s’ouvrir au monde, s’immiscer dans la vie en communauté monastique et interagir avec la société. Pour autant, il ne doit perdre ni son spirituel, ni l’obéissance à la volonté divine. Ainsi pense Anba Maximos Al-Antouni, prêtre-moine au monastère de Saint-Antoine le Grand, à 155 km du Caire, dans la région montagneuse de la mer Rouge. Coptologue autodidacte, Anba Maximos est responsable du département d’archéologie au monastère de Saint-Antoine, le plus ancien des monastères au monde, fondé au IVe siècle.
La mission d’Anba Maximos ne se limite pas au travail de restauration de son monastère, avec toute la technologie moderne à sa disposition, mais s’étend aussi à la sauvegarde de l’ensemble du patrimoine culturel copte. D’ailleurs, Anba Maximos était l’un des 17 candidats sélectionnés aux élections pontificales coptes orthodoxes.
58 ans et barbe blanche, Anba Maximos Al-Antouni — qui ne fait pas son âge avec sa taille haute et son énergie — n’a pourtant jamais convoité le « poste » depape. « Dans le temps, le poste de pape était exclusivement réservé aux moines. Et comme la plupart des moines aiment la solitude, ils préféreraient ne pas avoir cette tâche. Actuellement, le moine n’est pas obligé de l’accepter. Si le pape est un parrain spirituel pour les coptes, il est aussi un père pour tous les Egyptiens. Le rôle d’un pape n’est pas seulement d’assumer les droits civils des fidèles de son église. C’est à l’Etat de le faire. Le vrai sens de la citoyenneté, c’est celui qui permet une vie en communauté harmonieuse et durable, dans une société démocratique moderne », déclare Anba Maximos.
Et si la volonté divine l’avait choisi pape, qu’aurait-il inscrit en tête de son agenda ?« Je serai préoccupé par la question du statut personnel de l’Eglise copte de même que par le fait de lui rédiger une Constitution capable de régir étroitement son système structurel et de maintenir son entité. C’est de cela que l’Eglise copte a souffert après la mort du pape Chénouda III. Cependant, il faut dire que les élections se sont déroulées avec intégrité et transparence. La volonté divine s’est faite selon les besoins de l’époque et pour le bien commun de la société. Je suis optimiste à l’égard du nouveau pape Tawadros II, un pieux cultivé et généreux », poursuit Anba Maximos, l’air actif.
Telle personnalité, tel prénom. « Maximos » est le nom du plus grand défenseur de l’orthodoxie, un homme qui a lutté contre ce qu’on appelle « l’hérésie monothéiste » (qui refuse que le Christ ait deux natures : le divin et l’humain).
« Selon l’Evangile de saint Jean (1:1 et 1:14) : Au commencement était la Parole …Et la Parole a été faite en chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire. Le Christ est descendu Lui-même pour prendre par la main ceux qui étaient tombés dans le péché. Il faut faciliter la vie aux fidèles de l’Eglise, leur donner l’absolution et non pas des condamnations, à l’exception toutefois des hérétiques », déclare Anba Maximos qui, prochainement, partagera Noël ou « le mystère de l’incarnation », le 7 janvier, avec ses collègues-moines du monastère de Saint-Antoine.
« La veille de Noël, les moines célèbrent ensemble la messe. Le lendemain matin, chacun de nous lit une partie de l’Evangile. Et comme tous les chrétiens du monde, on s’offre un chocolat et un cadeau de Noël. Le 7 janvier, le monastère est ouvert aux visiteurs pour leur faire partager la joie de la Nativité, contrairement à ces temps anciens, où l’accès était restreint aux adorateurs. Comme les coptes croient aux miracles, aux bénédictions et aux intercessions des saints, c’est dans les lieux de culte qu’ils trouvent leur repos. Vu les nécessités de l’époque, le monachisme, comme la société, ont subi une évolution. Les moines sont une partie inséparable de la société », continue Anba Maximos, premier moine du monastère de Saint-Antoine à obtenir l’acte de prêtrise par le pape Chénouda III en 1979. Cet acte sera le fruit d’un long parcours ecclésiastique de 34 ans, après l’obtention d’un diplôme en agriculture de l’Université d’Alexandrie, suivi par deux ans de service militaire.
« J’ai décidé de m’intégrer dans la vie monastique lorsqu’un jour, en 1976, en visitant le monastère de Saint-Antoine, j’ai rencontré Anba Yostos, un anachorète vivant dans la pauvreté et la chasteté de saint Antoine. Je me suis dit que si un jour je devenais moine, je servirais son monastère et je porterais son nom spirituel : Al-Antouni. Saint Antoine est l’abstinence exemplaire. Né dans une famille assez riche d’agriculteurs égyptiens et fervents chrétiens, saint Antoine décide de prendre l’Evangile à la lettre, de distribuer tous ses biens aux pauvres et de vivre dans la chasteté en plein désert »,raconte le moine qui, au début, ne sentait pas en lui une vocation d’ecclésiastique. C’est son parrain spirituel de son église de Mar Guirguis à Alexandrie qui l’y a convié, voyant en lui dévouement et engagement. Anba Maximos, au caractère de leader, avec son intégrité, son enthousiasme, son objectivité et sa confiance en lui, répondit à l’appel.
Né à Alexandrie en 1954, dans le quartier de Sidi Béchr, Anba Maximos a grandi dans une famille très pieuse. Son père, un employé gouvernemental, donne à son fils une éducation religieuse et équilibrée. « J’ai appris de mon père l’engagement et la sage obéissance, en conservant l’éthique qui m’a servi à bien agir en communauté », se souvient-il, lui qui, dans sa jeunesse, avait de nombreux amis musulmans. « Dans le temps, il n’y avait pas ce qu’on appelle actuellement l’Autre. Ce qui se passe actuellement est le résultat d’un faux enseignement religieux dans nos écoles. Il y a une différence entre l’éducation religieuse et la religiosité. La religiosité pour un chrétien, comme pour un musulman, est de savoir que le Créateur est le point le plus important pour la reconstruction d’une Egypte équilibrée et tolérante. Alors que l’éducation religieuse dépend de la personnalité de celui qui donne cette éducation et de celui qui la reçoit. L’éducation religieuse fait naître une personne irréligieuse », prêche le moine.
Il ajoute, en dénonçant l’excès de polémique sur la Constitution, qu’« une bonne Constitution est capable de juger tous les humains d’un même pays avec neutralité. Il me suffit de dire que je suis Egyptien ». Anba Maximos est fier du fait d’être un Egyptien, avec ses habits ecclésiastiques : une soutane noire, une grande croix étalée sur la poitrine et une tête couverte d’une petite calotte tissée avec 6 croix à gauche, 6 autres à droite, et une grande à l’arrière symbolisant Jésus-Christ. « Les 13 croix nous aident à communiquer avec l’esprit de Jésus-Christ et des 12 apôtres. Cet habit traditionnel remonte au temps de saint Antoine, le fondateur du monachisme dans le monde »,poursuit-il.
Anba Maximos, passionné de lectures spirituelles, religieuses et historiques, s’est aussi mis à collectionner, lors de ses multiples voyages, des livres en arabe et en anglais sur l’art, le patrimoine et l’histoire, pour former ainsi sa petite collection privée. Livres, mais aussi reliques et objets d’art retrouvés lors de ses fouilles au monastère de Saint-Antoine font partie de sa collection.
C’est un passionné et un autodidacte en archéologie. « L’archéologie est l’histoire de l’humanité. En 2003, j’ai décidé de restaurer l’église des Apôtres, datant du XVe siècle, au monastère de Saint-Antoine. J’ai découvert deux laqannes(pot en marbre rempli d’eau), alors que l’église des Apôtres ne devait en avoir qu’un seul ! L’ecclésiastique se sert du laqannetrois fois par an, selon les traditions ecclésiales, pour célébrer le Jeudi Saint, l’Epiphanie et la fête des Apôtres. Mes fouilles et mes analyses m’ont amené à la possibilité de trouver une autre église au même endroit. Actuellement, cette église est ouverte au public », déclare Anba Maximos, qui sait précisément ce qu’il cherche et dresse des plans clairs, détaillés et réalisables pour y parvenir.
Anba Maximos est d’ailleurs le moine responsable de guider les étrangers, visiteurs du monastère. « Mon expérience est au service de la sauvegarde du patrimoine égyptien copte, et j’insiste sur le mot égyptien. Ce patrimoine copte est pour tous les Egyptiens. Malheureusement, l’Egypte, le pays de la civilisation et du patrimoine copte, est dépourvue dans ses universités de départements de coptologie ! Après chaque restauration, en contribution avec des experts étrangers, je tiens à faire éditer un livre sur l’élément restauré. Ces livres sont disponibles à la bibliothèque de l’Université américaine du Caire et du monastère de Saint-Antoine pour parvenir à créer un large réseau numérique. Par ailleurs, je viens de lancer en collaboration avec la Bibliothèque d’Alexandrie un immense projet de sauvegarde des manuscrits coptes, en digital print », relate Anba Maximos.
Ce coptologue autodidacte a étudié l’art de la restauration à la faculté Leiden, aux Pays-Bas, puis en Russie en 1989. En 1997, il entame des études en muséologie à l’Académie Rinwabdt, aux Pays-Bas. Enfin, il étudia à l’Université Belgai, à Istanbul, en collaboration avec l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
Dans ses va-et-vient continus, Anba Maximos est resté fidèle à son refuge spirituel, le monastère de Saint-Antoine. Il l'a doté d’une architecture moderne pour son musée archéologique. Il a de même lancé un immense projet pour produire de l’énergie solaire, toujours animé par la lumière divine .
Jalons
1954 : Naissance à Alexandrie.
6 août 1978 : Est nommé moine au monastère de Saint-Antoine.
1988 : Restaure les icônes du monastère de Saint-Antoine.
1993 :Devient membre au Comité des musées internationaux (ICOM).
2000 : Contribution au livre Monastic Vision, sur l’art copte, édition américaine.
2000/2003 : Première restauration des églises du Vieux-Caire.
2005 :Devient vice-président du conseil des Amis du Musée copte au Caire.
2012 :Lance un projet de sauvegarde des manuscrits coptes à la Bibliothèque d’Alexandrie.
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