Siham benchekroun est une féministe pas comme les autres. La preuve en est que ses écrits traitent également de la relation homme/femme dans la société marocaine. La femme au sourire dentifrice va jusqu’à défendre l’homme contre les admonestations et les généralités de certaines féministes qu’elle qualifie d’extrémistes. Il s’agit également d’une féministe qui possède plus d’un tour dans son sac. Mais aussi, plus d’une passion et plus d’une raison de vivre. Pour ainsi dire, Siham est une grande amoureuse de la scène scientifique universelle qui s’intéresse également au journalisme, à la littérature, à la poésie et pas uniquement à cela, mais à « tout ce qui est utile dans cette vie », comme elle se plaît à préciser.
Mais au commencement était le verbe. Après un passage de deux années dans une multinationale pharmaceutique en tant que responsable de communication et de marketing, Siham Benchekroun intègre une société de communication médicale franco-marocaine, où elle s’initie au journalisme médical. Car elle ne pouvait que rester fidèle à sa première vocation, à savoir la médecine. Ainsi, en 1992, elle fonde et dirige jusqu’en 2008, le premier groupe de presse marocain spécialisé dans la santé, Espace Santé. Elle garantit, en particulier, les fonctions de directrice de la publication et se débrouille également en tant qu’éditorialiste et éditrice en herbe. « Pourquoi se limiter à une seule occupation lorsque nous sommes capables d’en embrasser plus d’une ? », se demande-t-elle.
Une année après la naissance d’Espace Santé, elle dirige les programmes de la chaîne Canal médical, et ce, jusqu’en 1995. « Je suis flattée d’être derrière le lancement de la première chaîne télévisée des professionnels de la santé au Maroc, mais malheureusement cette expérience n’a pas duré plus que 2 ans. Mon équipe et moi avions galéré en termes de publicité. Notre chiffre d’affaires en a pris un sacré coup et nous avons dû baisser le rideau. C’est pour cela que notre aventure ne nous a pas menés aussi loin que nous voulions. Mais nous en sommes sortis grandis », témoigne-t-elle. Et d’ajouter : « Par la suite, j’ai continué d’écrire, de me faire publier, d’éditer mon magazine Espace Santé en plus d’être membre de diverses organisations nationales et internationales. De même, je suis aussi et surtout une militante associative qui n’aime pas garder son point de vue pour sa petite personne. Quand je m’insurge contre un fléau ou un autre je ne le cache pas, je me fais entendre et je ne recule devant rien. Voici donc pourquoi je fais partie de plusieurs associations caritatives marocaines».
Force est donc de constater que l’écrivain, journaliste et médecin a plusieurs cordes à son arc. D’ailleurs, elle est aussi une consultante qui exerce en cabinet libéral. Mais elle continue de travailler d’arrache-pied dans le secteur médical et pharmaceutique. « Je réalise des enquêtes sur la prise en charge traditionnelle des troubles de la sexualité, responsables de beaucoup de déchirures au sein de la société marocaine. De même, je réalise des travaux de recherche sur les soins traditionnels au Maroc ainsi que sur les habitudes alimentaires et les croyances attachées aux aliments et aux divers produits naturels. Pas besoin de le dire, je suis consciente que je n’arrive pas à me cantonner dans un seul et unique créneau de la vie. J’aime la médecine et la pharmacie tout comme le militantisme, le journalisme et la littérature et je ne suis pas obligée de ne choisir qu’une seule spécialité », ajoute-t-elle.
En effet, son CV témoigne de l’opiniâtreté et de la détermination d’une femme active, polyvalente et courageuse. De surcroît, Siham Benchekroun est auteur de plusieurs essais parus dans la presse scientifique spécialisée. Aussi, elle anime des tables rondes et des ateliers sur la communication scientifique non violente. Un thème qui fait l’objet de plusieurs études et analyses internationales. Siham est également une chargée de mission temporaire auprès d’organismes nationaux et internationaux tels que la Commission santé dans l’Association marocaine de lutte contre la corruption et Transparency International.
« Il faut dire que mon amour pour les sciences n’a d’égal que mon penchant pour la vie associative. D’ailleurs, j’ai réussi à lier ces deux occupations, en devenant en 1987, directrice de l’Association marocaine de lutte contre le cancer. J’organisais des collectes pour les malades de l’hôpital. J’ai même participé au lancement de la première campagne nationale de sensibilisation à cette maladie, et ce, à travers une série de plusieurs pages publiées sur le journal Le Matin du Sahara et du Maghreb », fait-elle remarquer. Et de poursuivre : « Entre 1995 et 2001, j’ai été la secrétaire générale de la Société marocaine d’étude de la douleur, en réalisant des études sur le terrain. J’ai ensuite enchaîné avec plusieurs publications spécialisées à travers l’organisation de divers congrès et ateliers de formation pour les médecins».
Mais en 2008, elle se laisse séduire par l’Association de promotion de l’édition et de la lecture. Son amour pour la littérature a, alors, refait surface et lui a donné envie d’affûter sa plume dans l’écriture littéraire.
L’année suivante, elle accorde son soutien psychologique à une association de lutte contre la violence faite aux femmes, au nord du Maroc. Lors de la même année, elle prête main forte à deux associations qui oeuvrent à l’amélioration des conditions de vie psycho-affectives d’enfants privés de famille, à savoir Le Berceau de l’innocence et Al-Amal de Tétouan.
En 2013, elle publie Les Contes de Tétouan qui se veut être un recueil de contes populaires transmis de génération en génération par les Tétouanais et que les conditions de la vie moderne font peu à peu sombrer dans l’oubli. Siham Benchekroun a, donc, collecté de la bouche de conteuses amatrices des extraits de contes, de comptines et de rondes populaires, les a reconstitués, repris dans le dialecte tétouanais et traduits en français.
« Les deux versions, en dialecte et en français, figurent dans cet ouvrage agrémenté d’illustrations. Au sommaire, des contes féministes dont certains sont bien connus dans d’autres villes du Maroc, comme les contes de grands-mères, les contes d’animaux, toujours riches en morales et en leçons de vie et enfin de petites chansonnettes aux histoires expressives et illustratives », précise-t-elle.
D’ailleurs, l’écrivain n’a pas pu s’empêcher de dédier, par le biais de ce recueil, ce passage à sa ville natale : « Tétouan, ô douce et farouche Tittaoune, charmante cité aux fins traits andalous, aux manières raffinées et pudiques, fille de Grenade et petite soeur de Fès, ville savante et rebelle, toi qui a inspiré tant d’écrivains et d’artistes, je te dédie cet humble recueil en mémoire des jours vécus en ton enceinte… ».
Non sans rigueur, la femme plurivalente s’est efforcée de restituer dans la langue française la saveur et la finesse de chaque conte recueilli, ou réécrit dans le vieux parler tétouanais.
Selon ses mots, quand bien même elle ne serait pas originaire de Tétouan, elle aurait chéri cette ville plus que tout. Car son amour pour cette dernière est essentiellement né de son penchant pour les récits traditionnels des Tétouanaises, des comptines des écoliers, des chansons patriarcales fredonnées par les grands-parents en passant par les devinettes transmises de père en fils.
Ainsi, au fur et à mesure de ses récits, l’écrivain met en scène de bellicistes jeunes filles, aussi belles que vives, qui réussissent à déjouer les pièges de ces hommes volages, des innocentes orphelines dont la bonté et la vertu sont les meilleurs remèdes contre l’animosité des hommes. Grâce à ce roman, le lecteur marocain est, dorénavant, capable de renouer avec des chansonnettes à la poésie inaltérable.
Le conte, belle épreuve des identités et des mémoires, est un précieux témoin des traditions d’une communauté dont il communique, sous forme de distraction, des croyances et des valeurs. Or, ce patrimoine oral, essentiel échafaudage de la sagesse populaire, se perd inéluctablement avec les profonds éparpillements de nos sociétés. Un recueil de contes populaires qui participe à la sauvegarde d’un bel héritage.
Jalons
1987 : Directrice de l’Association marocaine de lutte contre le cancer.
1992 : Fondatrice du magazine médical Espace Santé.
1993 : Responsable des programmes de la chaîne Canal médical.
2013 : Publication de son recueil Les Contes de Tétouan.
2014 : Rédaction d’un nouvel ouvrage
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