Dans la salle ewart, au Centre culturel de Tahrir, Nayer Nagui a donné un concert de Noël, dirigeant le fameux Cairo Celebration Choir. Dans les jours qui viennent, il s’apprête à un nouveau concert, consacré à l’oeuvre du compositeur Ragueh Daoud, dans la grande salle de l’Opéra du Caire. Et dans quelques mois, il a rendez-vous avec le public alexandrin et l’Orchestre de la Bibliothèque d’Alexandrie.
Le maestro cumule les titres et les postes, il est à la fois compositeur, directeur artistique de l’Orchestre de l’Opéra du Caire, chef principal de l’Orchestre de la Bibliothèque d’Alexandrie et fondateur du Cairo Celebration Choir. Mais il parvient à gérer son temps de manière à ce que les tâches administratives ne prennent pas le dessus sur sa mission d’artiste.
Sur scène, sa baguette magique l’emporte assez loin, pour nous livrer des moments d’extase. « La chorale vient de clôturer la saison de Noël. En juin prochain, nous allons donner une oeuvre du compositeur britannique Edward Elgar: The Light of Life (la lumière de la vie) à la Basilique d’Héliopolis », dit-il. Ajoutant: « Je tiens à enregistrer nos concerts de manière professionnelle. J’ai commencé à le faire aussi avec les soirées de l’Orchestre de l’Opéra du Caire. Il suffit de poster un extrait du concert sur les réseaux sociaux pour donner une idée de ce qu’on fait un peu partout dans le monde ».
Dans un premier temps, la chorale se réunissait uniquement à partir du mois de septembre. Ses membres, tous des amateurs, répétaient régulièrement, afin de se préparer aux concerts de Noël, d’où la première appellation donnée à la formation musicale : la Chorale de Noël. Plus tard, les interprètes ont décidé de se produire toute l’année et de présenter aussi d’autres oeuvres que les chansons de Noël. Cela étant, la chorale a changé de nom, pour devenir le Cairo Celebration Choir.
Le répertoire de la chorale regroupe des oeuvres de Gabriel Fauré et de Mozart, mais aussi des chansons arabes classiques, réarrangées de manière contemporaine. Nayer Nagui puise dans les chansons et opérettes du compositeur alexandrin mythique Sayed Darwich et dans le folklore égyptien, les revisite en leur attribuant un accent plus moderne.
Les membres de la chorale sont tous des amateurs à la base, mais ils ont suivi une formation musicale, afin d’approfondir leur connaissance. « J’ai commencé par les initier moi-même, puis maintenant, cela se fait avec l’aide de mes assistants. Les membres de la chorale ne touchent pas de l’argent, bien au contraire, ils versent des cotisations qui nous aident à autofinancer nos activités, avec les revenus des concerts. C’est ainsi que l’on parvient à payer les musiciens et les solistes professionnels qui nous accompagnent », souligne Nayer Nagui, fier du mode de fonctionnement de sa chorale, regroupant 120 membres.
Le maestro essaye d’adopter des méthodes similaires, en gérant l’Orchestre de la Bibliothèque d’Alexandrie, dont il est le chef principal depuis 2019. « La musique est une part des activités de la Bibliothèque qui est une énorme institution culturelle. Elle n’est pas comme l’Opéra du Caire spécialisé en musique et qui produit durant l’année plus de 700 concerts sur 6 théâtres. Mais moi, j’ai envie d’avoir un rôle quant à la promotion de la musique dans la ville portuaire, je cherche à attirer un public plus large. L’an dernier, j’ai réussi à présenter l’opéra Carmen de Bizet. Il n’était pas question simplement d’une performance, mais il y avait une part éducative que j’ai organisée en coopération avec l’Institut Goethe. Les personnages principaux étaient tenus par des chanteurs d’opéra professionnels, mais les personnages secondaires, je les ai choisis parmi les choristes, les étudiants de chant lyrique, etc. Le concert a fait salle comble pendant deux jours d’affilée ».
Pianiste et compositeur classique, Nayer Nagui a toujours eu un amour inné pour la musique. « Ma famille faisait partie de la chorale de l’église évangélique d’Al-Attarine à Alexandrie. Chanter en choeur était donc une ancienne pratique familiale. Je crois que j’ai entendu la chorale chanter alors que j’étais encore dans le ventre de ma mère. Dans mon église, la chorale interprète des chefs-d’oeuvre classiques aussi bien que d’autres oeuvres plus simples et proches du pop ou même jazzy. C’est pourquoi j’ai toujours passé d’un genre à l’autre facilement », précise Nagui. Et d’ajouter: « Malheureusement, je n’ai pas les mêmes connaissances en musique arabe. Je ne l’ai pas vraiment eue à l’oreille! Récemment, j’ai commencé à redécouvrir quelques airs de musique arabe, grâce à un projet qui s’intitule Les voix du cinéma, qui consiste à donner des concerts en reprenant les bandes sonores des films égyptiens, à l’aide de chanteurs professionnels tels Medhat Saleh et Riham Abdel-Hakim ».
Avant même d’effectuer des études en musique, Nayer Nagui jouait au piano chez sa grand-mère. « J’ai passé mes premières années d’enfance chez ma grand-mère parce que ma mère était encore étudiante à l’université. Elle avait un piano et j’ai appris à jouer ». Plus tard, il a rejoint le Conservatoire d’Alexandrie, afin d’étudier la musique classique et le piano, mais en même temps, il jouait du pop avec la troupe Good News Team, entre 1986 et 1992. C’est ainsi qu’il a fait connaissance avec sa future épouse, Dina Iskander, étant elle-même chanteuse d’opéra (soprano) et de musique pop. Ensemble, ils ont eu deux enfants. « Au départ, Dina s’occupait essentiellement des petits. Je n’avais pas beaucoup de temps pour partager les responsabilités au foyer. C’était épuisant pour elle! Aujourd’hui, mon fils aîné poursuit ses études en Allemagne et le plus jeune parachève ses études scolaires ».
Après avoir obtenu un diplôme du Conservatoire d’Alexandrie, Nayer Nagui a décidé de s’installer au Caire, afin de se perfectionner en jeu classique du piano, au Centre de développement des talents, fondé en 1992 par Sayed Awad. « Ma professeure italienne Herta Happo au Conservatoire d’Alexandrie m’a incité à aller voir ailleurs, après 14 ans d’études avec elle. Je lui dois beaucoup de choses. A l’époque, le Centre de développement des talents était un bon moyen d’accéder aux meilleurs professeurs de musique: des experts de la Russie, des Egyptiens de renom. Son directeur, Sayed Awad, m’a dit un jour: Tu dois maîtriser l’accompagnement musical. Tu es soliste, tu dois te produire deux fois par an au maximum, un concert en tant que soliste et un avec l’orchestre. L’accompagnement musical te donnera la chance de mieux gagner ta vie ».
Nayer Nagui a alors accompagné plusieurs chanteurs d’opéra. Il a assisté à des cours de chant avec Violette Maqqar et Sobhi Bédeir et a suivi des répétitions de ballets supervisées par Erminia Kamel… Tout ceci lui a permis de mieux plonger dans les arts de la scène. Puis, il a compris que le piano n’était plus suffisant pour lui et qu’il a envie de diriger un orchestre et de composer sa propre musique. « J’étais encore jeune et j’avais écrit un morceau pour orchestre. Le maestro a complètement ruiné ma musique sur scène. Depuis, j’ai décidé que plus personne ne dirigerait mes compositions et que je dois apprendre à le faire moi-même ».
Cette décision l’a poussé à poursuivre des études à Paris, pour devenir chef d’orchestre. « A un moment donné, j’ai pensé à m’installer en France, mais finalement, j’étais content de pouvoir rentrer au Caire après avoir obtenu mon diplôme. Le bon Dieu a fait que les choses se passent ainsi. Je pense vraiment que j’ai une mission à accomplir ici ».
En effet, sous sa baguette magique se déroulent pas mal d’événements qui lui permettent d’assouvir sa passion.
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