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Almas : La perle rare du rap

May Sélim, Mercredi, 19 octobre 2022

La jeune chanteuse émiratie Almas est devenue l’une des stars reconnues du rap. Ses chansons reflètent ses propres histoires et expriment sa génération. Elle vient de participer au Festival She Arts, au Caire.

Almas

Elle a choisi de ne pas chanter comme les autres et de ne pas se limiter à un seul genre. L’interprète émiratie Almas sait comment s’adresser aux jeunes de son âge, avec beaucoup d’humour et un esprit critique. La rappeuse s’est récemment produite au Caire, lors de la deuxième édition du Festival She Arts qui s’est déroulé à l’ancien campus de l’Université américaine au Caire. «  L’idée d’avoir une manifestation animée par des femmes m’a plu. J’ai choisi de présenter au public égyptien les récentes chansons de mon album Giza », dit Almas. Le mois dernier, elle a été nommée ambassadrice du programme Equal Arabia de Spotify, visant à promouvoir les oeuvres de chanteuses arabes et les diffuser de par le monde, mettant chaque mois une artiste différente sous les feux de la rampe. Par conséquent, la photo d’Almas était affichée sur un grand panneau au coeur du célèbre Times Square, à New York, avec au-dessous les titres de ses tubes et le nombre de ses fans.

S’inspirant de son prénom, qui signifie diamant en arabe, elle partage sur les réseaux sociaux son avis sur le potentiel des femmes : « Je crois que les femmes sont comme des diamants, fortes, résilientes et toujours brillantes ».

Sur scène, Almas capte l’attention; sa voix résonne quand elle chante le tarab classique arabe, le pop ou le rap. La chanson phare de son album Giza est en référence à une histoire vraie qui lui est arrivée pendant son séjour cairote, il y a quelques années. « J’étais dans le quartier de Guiza sans argent. Il y avait une querelle dans la rue, où étaient impliqués des dealers de drogues. Une expérience assez dure, puisque j’ai dû les affronter. Ma mère a ensuite insisté sur le fait que je retourne chez moi. La chanson évoque cette expérience. Souvent les chansons rap, dont j’écris les paroles, racontent des choses de ma vie », souligne-t-elle. Dans Giza, sur un rythme répétitif, Almas parle des embouteillages, des trafiquants de drogues, des moyens de transport, de l’attitude des gens dans la rue … Et ce, en alternant le dialectal égyptien et l’anglais. « Le rap me permet d’aborder n’importe quel sujet dans la vie. Je peux même parler du sandwich que j’ai pris au petit déjeuner », rit-elle.

Almas est apte ainsi à révéler ses soucis et les détails de la vie quotidienne. Coffee, Alone, Dirty et autres tubes en témoignent. « Je pense que le public suit mes sujets parce qu’ils ressemblent aux siens ». Son histoire avec le rap a commencé par pur hasard, il y a deux ans. Avant, elle interprétait des chansons arabes classiques ou d’autres pop plus modernes. Puis, le rap a chamboulé son existence. « J’ai débuté ma carrière de chanteuse professionnelle il y a 7 ans. J’avais presque 15 ans. Je n’écoutais ni les chansons rap ni celles électro-populaires. Mais avec le Covid, l’isolement et l’absence des concerts, je me suis retrouvée à la maison à ne rien faire », raconte-t-elle. Et de poursuivre: « Sur la toile, il y avait un challenge incitant les jeunes artistes et rappeurs à créer quelque chose à partir de simples éléments. J’y ai participé, en écrivant les paroles d’une chanson. Par la suite, j’ai commencé à écouter du rap, des mahraganate et d’autres genres musicaux. C’était une grande découverte pour moi ! J’ai beaucoup aimé le rap parc, abordant des sujets loin des histoires d’amour et des lamentations. Moi, j’en ai assez de ce genre de paroles. Alors, j’ai commencé à écrire des paroles qui m’expriment et à les mettre en musique ».

En 2020, elle a posté sur les réseaux sociaux Escobar, une première chanson rap sur les criminels, s’inspirant de l’histoire du trafiquant de drogues colombien Pablo Escobar.

Dans ses tubes rap, elle mise surtout sur l’alternance entre les divers dialectes arabes et sur l’humour. Elle fusionne aussi le rap et le rock, a recours à des instruments occidentaux et orientaux. « J’étais toujours une grande fan du rock et j’admirais Pink Floyd et Nirvana qui ont été une grande inspiration pour moi. Mais je n’ai jamais cherché à imiter les autres, je voulais être moi-même ».

En 2021, elle s’est produite au théâtre Al-Manara, en Egypte, en côte à côte avec les stars du rap et de trap Wegz et Afroto et avait déjà plus de 25 millions de fans sur les réseaux sociaux. « Je pense qu’il y a encore de la place pour plus de femmes rappeuses. Je suis d’ailleurs prête à les soutenir », déclare-t-elle souvent dans la presse.

Dès son jeune âge, elle chantait dans les cérémonies et les fêtes scolaires et se vantait d’avoir une belle voix. Ses parents l’encourageaient et ils continuent à la soutenir afin de produire ses albums. « Sans mes parents, je ne serais pas devenue la chanteuse que je suis aujourd’hui. Ma mère m’encourageait à chanter dès mon jeune âge. Consciente du don que j’avais, elle m’a poussée à participer aux activités musicales à l’école. Je fuyais mes cours de mathématiques et de physique, afin d’aller chanter ou jouer de la musique. Grâce à ma mère aussi, j’ai rejoint la chorale, de quoi m’avoir permis de chanter dans les cérémonies nationales ».

A la maison, elle écoutait les stars de la musique arabe classique, en même temps que celles du rock. Au départ, elle reprenait les chansons classiques des prédécesseurs, puis petit à petit, elle a réussi à se créer un style de chant.

Vers 15 ans, elle a été sélectionnée afin de chanter à la Foire du livre de Dubaï. « Ce fut ma première rencontre avec le public en tant que chanteuse professionnelle. Quand j’ai fini de chanter, j’étais très émue par les applaudissements chaleureux du public. Après la fête, plusieurs personnes sont venues pour prendre une photo avec moi », se souvient-elle.

Sa chanson Al-Hob Chou Sawa Bia (qu’est-ce que l’amour m’a fait), réalisée par une équipe émiratie, a attiré, en deux jours, plus de 10 millions de fans. Un signe qu’elle était sur le bon chemin. « Ma mère m’a poussée à enregistrer d’autres chansons, à les tourner et à les poster sur les réseaux sociaux. Durant les moments les plus difficiles, elle tenait à ce que je ne m’éloigne pas de la musique ».

Ses parents l’ont aidée à chercher un studio pour enregistrer ses chansons et les lancer comme des EP. « Mes parents n’étaient pas convaincus par le rap. Mais petit à petit, ils m’ont soutenue. C’est grâce à ma mère que j’ai eu le courage et la force de lancer mon premier album, regroupant à la fois des chansons rap et pop », indique la rappeuse émiratie. Et d’ajouter: « La scène musicale et les grandes sociétés de production ne s’intéressent qu’aux stars. On ne cherche pas à soutenir les débutants qui tentent de créer une musique alternative ».

Après son récent concert au Caire, Almas compte travailler sur des chansons pop et rap qu’elle lancera comme des singles. « Travailler sur un album est exhaustif. Je préfère donner à chaque chanson le temps et l’effort nécessaires, afin d’offrir au public quelque chose de nouveau. De plus, la production de tout un album exige de trouver les bons producteurs, paroliers, studios … Beaucoup de détails à gérer », conclut Almas, promettant de nouveaux titres où se mêlent les genres musicaux, les dialectes et les langues. Bref, de petites surprises bouleversantes à sa façon.

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