La tête dans les étoiles, mais les pieds sur terre. Portant une étincelle créative, Maryam a choisi de se vouer à deux parcours qui semblent ne jamais se rencontrer: l’astrophysique, une branche interdisciplinaire de l’astronomie qui concerne principalement la physique et l’étude des propriétés des objets de l’univers, et la pratique de l’écriture créative, qui couvre différents types d’écrits et vise l’affirmation de sa voix personnelle à partir d’une pratique assidue de l’écriture littéraire et du développement de la réflexivité critique. « Si je me suis déterminée à partir aux Etats-Unis, c’était justement pour que je puisse suivre à la fois un double cursus. C’était mon rêve depuis toujours. Par conséquent, il était impossible que j’y renonce », explique Maryam. « Une fois mon bac britannique en poche, je me suis inscrite à la faculté de sciences de l’Université de Aïn-Chams. Mais je devais choisir entre le département d’astronomie et celui de physique. L’interdisciplinarité y était malheureusement absente. Déçue, je suis passée par la faculté des lettres pour demander à l’administration si je pouvais y faire des études au département d’anglais et en même temps être inscrite à la faculté des sciences. Etonnée, l’employée m’a jeté un regard dont je me souviens encore parfaitement », raconte Maryam émue, mais fière. Et, elle a tout à fait raison.
Son parcours étoilé n’est, en effet, que le résultat d’une personnalité forgée à l’instar de ses parents ouverts et compréhensifs. « Mon père est un chirurgien qui adore la lecture dans toutes les branches. Outre que la médecine, il fouille dans l’astronomie, la géographie, la musique, la littérature, etc. Il ne cessait jamais de m’expliquer en quoi Abdel-Wahab est différent par rapport aux autres compositeurs, ou d’analyser les chansons d’Om Kalsoum et ses aptitudes vocales qui la distinguent. Maman, quant à elle, est pédiatre. Forte de caractère, elle m’a appris le sens de la persévérance et de l’assiduité. Lorsque la Foire du livre était tenue à Salah Salem, à quelques pas de notre appartement, nous y allions tous les jours ». Autant de souvenirs qu’elle garde encore, lesquels dessinent un cercle d’amour et de respect envers ses parents qui sont à des kilomètres, mais très proches.
A l’âge de 5 ans, elle tombe sur le film de Disney Le Roi Lion. Les dialogues entre les personnages Timon et Pumbaa d’une part, et Mufasa et Simba d’une autre part, qui tournent autour des étoiles, ont attiré son attention. « En regardant le ciel parsemé d’étoiles, Pumbaa demandait à son copain Timon s’il savait ce qu’étaient ces petits points brillants là-haut. Timon lui a répondu que c’étaient des lucioles, des vers collés sur cette espèce de machin bleu marin. Par ailleurs, Mufasa disait à son fils Simba que ces étoiles n’étaient que leurs ancêtres qui les contemplaient de là-haut et qui lui éclaireraient le chemin ». Maryam était ainsi dévorée par la curiosité: « Je n’ai pas cessé de poser la question à ma mère pour savoir qui en avait raison: Pumbaa ou Mufasa? S’agissait-il vraiment des lucioles ou de nos ancêtres? Maman m’a acheté un livre d’Einstein sur les planètes pour que j’y recherche la réponse ». C’est ainsi que commence un amour qui ne s’éteint plus.
A l’école, elle avoue n’avoir jamais été classée parmi les premiers. Cependant, elle excellait en la rédaction en raison de ses nombreuses lectures. « Je passais quotidiennement des heures à lire et à écrire. A 15 ans déjà, j’ai commencé à écrire mon premier roman qui sera, deux ans plus tard, publié par la maison d’édition Dar Al-Shorouk. Et ce, sans que mon amour pour les étoiles et les planètes s’affaiblisse. Bien au contraire, à force de lire dans ce domaine, j’ai découvert l’astrophysique. Dès lors, un désir de rassembler ces deux domaines scientifique et littéraire ne cesse de s’épanouir. Pas question donc de choisir ! ».
La jeune Egyptienne aux cheveux frisés et aux yeux pétillant d’intelligence a commencé à chercher sur Internet pour voir si son rêve est réalisable. En effet, non seulement elle a réussi à faire une liste d’universités aux Etats-Unis où elle pourrait poursuivre à la fois deux cursus, mais elle a aussi décroché plusieurs bourses de manière à être apte à convaincre ses parents de l’idée de partir seule pour la première fois de sa vie, afin de poursuivre ses études universitaires. « Mon père était surpris. Il pensait que tout cela était juste des souhaits d’une jeune adolescente de 17 ans. Or, pour le convaincre, je l’ai coincé en utilisant tous les moyens possibles : je lui ai montré mes notes excellentes du bac américain que j’avais dû passer pour profiter des bourses ; je lui ai souligné des versets du Coran abordant l’importance du travail et évidemment des études; je lui ai même rappelé la force et la patience de la Sainte Vierge Maryam (la forme araméenne du nom Marie), c’est par admiration pour elle qu’il m’a donné ce prénom », se souvient-elle. Et d’ajouter d’un ton ferme mais joyeux : « La persévérance que j’ai héritée de maman m’était toujours utile. Je n’ai pas cessé de l’implorer: une fois en mettant un petit bout de papier, une autre en lui faisant une présentation sur PowerPoint pour lui expliquer pourquoi je tiens fort à mon rêve ».
Le jour J arrive. La jeune rêveuse, déterminée à passer à l’action, n’avait ni la gorge sèche ni la peur au ventre. Elle avait passé tout le trajet du Caire à la Pennsylvanie à organiser une liste de choses à faire dès qu’elle serait arrivée. Les défis? « C’était surtout le fait d’être loin de mes parents, de mon frère et ma soeur. Nous sommes une famille très unie. Parfois, j’ai besoin d’entendre leurs voix familières et réconfortantes, sans avoir, toutefois, aucune nouvelle à donner et rien à dire d’intéressant. A ce moment, j’essaie de trouver le moyen de faire durer cet appel le plus longtemps possible, en parlant de tout et n’importe quoi ». Comme la littérature et l’astrophysique, la jeune est à la fois émotionnelle et pragmatique? « Oui. Apparemment aussi à l’image de mon père et de ma mère, à la fois », sourit-elle.
Cet éloignement-aventure a permis à Maryam de prendre conscience de ses compétences et d’acquérir une liberté précieuse: la jeune ado est devenue adulte. Outre ses cours et recherches à double cursus, elle cuisinait, faisait la lessive, la vaisselle, et elle s’est trouvé un job étudiant pour s’offrir un salaire d’appoint. « Mon projet de fin d’études portait sur Al-Nogoum Al Tareqa (les astres nocturnes), des corps célestes dont une sourate du Coran porte le nom: il s’agissait de mesurer la densité des électrons autour de notre galaxie afin de découvrir les astres nocturnes les plus proches. Il faut, d’ailleurs, attendre l’an 2034, avec le lancement du nouveau télescope LISA (Laser Interferometer Space Antenna), pour vérifier si mon projet est pertinent ou pas », souligne Maryam en toute simplicité. « Le télescope dont j’ai tellement rêvé de travailler avec est celui de la NASA, le télescope Webb. Il est super-connu ! », dit-elle comme si elle parlait d’un ami. « J’ai été tellement ravie d’avoir pu faire un stage pendant deux mois, suivi de 4 mois de travail au sein d’une équipe, pour entraîner certaines modifications sur ce télescope, lui permettant de filmer les planètes hors de notre galaxie. Les photos seront prévues après 5 mois ». Avec un peu de temps libre, Maryam se met à écrire les tomes 1 et 2 de son roman The Escaping Flashback où mystère, science-fiction et littérature s’entremêlent.
« Qui a exigé qu’on devrait être scientifique ou bien littéraire? La formation littéraire et la formation scientifique ne se constituent pas en filières étanches. Il faut tâcher de comprendre un temps où la dichotomie sciences et littérature n’était pas divergente et où les hommes de science étaient des littérateurs et des philosophes. Tel par exemple Ibn Al-Haytham qui était physicien, mathématicien et philosophe, et Einstein, le physicien le plus influent du XXe siècle, qui jouait du violon … ».
Motivée et enthousiaste, franchissant les frontières de deux mondes scientifique et littéraire, Maryam se dote d’une vision différente qui lui permettrait d’aller au-delà des étoiles.
Lien court: