Ashraf réda cherche avant tout le bien-être de l’Homme. Peintre et professeur d’architecture d’intérieur aux beaux-arts du Caire depuis 1982, il a toujours occupé des postes très diversifiés. Mais depuis 2012, il a fondé l’association à but non lucratif ARAC, qu’il dirige lui-même, oeuvrant notamment dans le domaine de l’art visuel. Et des années auparavant, il avait créé en 1983 le groupe AR, actif dans le champ de l’édition, du graphisme et du marketing publicitaire. Puis, récemment, il a été nommé conseiller culturel auprès de la nouvelle Cité des arts et de la culture dans la Nouvelle Capitale administrative. « J’ai l’honneur d’avoir pris part à la programmation de ce nouvel édifice culturel gigantesque, le plus grand au Moyen-Orient », assure Ashraf Réda, décrit par ses admirateurs comme « un homme aux multiples casquettes », étant capable de gérer, de créer, mais aussi d’enseigner.
Le 3 mars dernier, il a lancé, en collaboration avec la société du métro RATP et à travers l’ARAC, une initiative visant à enjoliver la station-métro d’Héliopolis grâce à un projet artistique interactif. Avec l’aide de trois plasticiens égyptiens, Sameh Ismaïl, Alaa Awad et Mina Milad, respectivement spécialistes d’arts islamique, pharaonique et copte, ils ont tenu trois séances de Live Painting. Et le fruit du travail de ce trio d’Héliopolis sera exposé pendant deux mois au métro souterrain de la banlieue résidentielle. « Cette initiative est la première de toute une série, car on a prévu un événement par mois dans les différentes stations de métro. C’est notre façon de mêler l’art au quotidien », précise Ashraf Réda, qui pose souvent la question: comment se servir de l’art pour remonter le moral des gens ?
Nommé en 2011 à la tête du secteur des arts plastiques auprès du ministère égyptien de la Culture, il avoue que le secteur qu’il présidait a souffert lorsque les Frères musulmans ont pris le pouvoir. « Néanmoins, j’ai réussi à relever le défi en organisant pas mal d’expositions autour de la Révolution égyptienne de 1952. J’essayais également de préserver notre patrimoine artistique contre vol et dégât. Pendant les travaux de restauration sur le site de l’un des musées, nous avons trouvé dans un caveau plusieurs peintres datant de l’époque royale, mises en dépôt probablement depuis la Révolution de 1952 », raconte-t-il.
Avec le même enthousiasme, capable d’insuffler une énergie positive, au début de la crise du Covid-19, Réda s’est engagé en mars 2020 à créer des masques originaux, en lançant l’initiative Mask Mania (dessine sur ton masque). Et ce, pour échapper à l’ambiance lugubre qui régnait et contourner la fermeture des galeries. « Que faire pour encourager les gens à porter leurs masques sans rechigner? Comment soutenir le ministère de la Santé dans sa mission? J’ai donc pensé à appeler les artistes égyptiens à transformer les masques en un support artistique. Faire des peintures, des dessins, etc. qui peuvent servir à documenter ce moment particulier de l’histoire humaine. Certains artistes se sont pris en selfies, en portant leurs masques, et ont partagé leurs photos sur la page Facebook de l’association ARAC. Comme les masques font désormais partie de nos accessoires vestimentaires, il fallait trouver des solutions novatrices », dit-il. Lui-même avait créé un masque qu’il a intitulé L’Alphabet de l’Histoire. Aux couleurs de l’arc-en-ciel, il portait d’anciens motifs égyptiens (pharaoniques, islamiques, coptes, etc.), reflétant la diversité qui caractérise l’Egypte. Pour lui, c’était une sorte de nouvel alphabet égyptien, inspiré des pyramides, des minarets… C’est d’ailleurs ce qui caractérise son travail, vouloir marier les différentes époques et civilisations.
En février dernier, Ashraf Réda a exposé à la galerie Odyssée, dans le quartier d’Héliopolis, sous le titre de Tagalliyyat Al-Echq (manifestations d’amour). En même temps, il a participé à l’International Art Fair, qui a eu lieu à l’hôtel Dusit, dans le Nouveau Caire, avec trois peintures inspirées de son « alphabet » particulier.
C’est un passionné de tout ce qui est vintage. Il aime écouter Bocelli et Pavarotti, lire les oeuvres de Gamal Al-Ghitani sur Le Caire fatimide; il vit plutôt dans un univers un peu rétro, tout en restant très préoccupé par ce qui se passe au présent et en se réclamant d’une « modernité conservatrice ». Par exemple, il apprécie beaucoup le style architectural de Hassan Fathy, ancré dans le terroir et s’appuyant sur des matériaux traditionnels. En même temps, il est disciple de l’artiste novateur Salah Abdel-Kérim, son mentor durant les années des beaux-arts, lorsqu’il a réalisé un projet de fin d’études sur le réaménagement du jardin des poissons à Zamalek. « Salah Abdel-Kérim m’a appris qu’un bon architecte d’intérieur doit être comme un joker, c’est-à-dire qu’il doit maîtriser toutes les autres disciplines artistiques. D’ailleurs, moi aussi j’encourage mes étudiants à plonger dans l’histoire de l’art, pour en savoir davantage et créer des liens entre les divers domaines ».
Ashraf Réda est l’auteur de 30 ouvrages couvrant des sujets liés à l’histoire de l’Egypte moderne, notamment ses palais historiques construits sous le khédive Ismaïl. Car sa thèse obtenue en l’an 2000 s’intitulait « La réutilisation des palais historiques d’Egypte à des fins touristiques ». Par ailleurs, son groupe d’édition AR publie un magazine bimensuel, The Palace, spécialisé en l’histoire de l’Egypte moderne, ses palais, ses joyaux architecturaux, etc. Et en 2013, l’association ARAC a publié le livre Zamalek Our Own Island, de Waël Abed.
« Mon père était ministre adjoint de l’Intérieur sous Sadate, son travail était extrêmement stressant. J’ai grandi à Roxy, dans le quartier d’Héliopolis, où s’est installée ma famille, originaire de la ville d’Al-Mahalla Al-Kobra, où je suis né », raconte Ashraf Réda, qui n’a jamais voulu faire carrière dans la police comme son père. « J’avais plutôt un penchant pour les arts et les mathématiques. A l’école Al-Qawmiya, je publiais avec mes amis de classe un magazine caricatural intitulé Waterman, un héros qui vivait d’eau fraîche», se rappelle-t-il. Et d’ajouter: « Mes amis et moi, nous faisions des randonnées en vélos, pour découvrir des lieux inconnus et insolites d’Héliopolis. On passait par le palais du Baron Empain et d’autres vieux bâtiments et villas à ses alentours. C’était un quartier pittoresque et calme, contrairement à nos jours. Récemment, l’expansion urbaine et la construction de plusieurs ponts ont changé la nature du quartier ».
Réda n’habite plus aujourd’hui dans le quartier de son enfance, mais plutôt dans un coin chic de Zamalek, dans un immeuble de style art déco. Car il a toujours besoin de se sentir entouré de bâtiments anciens, rappelant le bon vieux temps. « J’étais parmi les premiers à vouloir restaurer le palais Abdine, qui est devenu aujourd’hui un véritable pôle de divertissement et d’attraction culturelle. Les nouveaux outils technologiques m’aident beaucoup dans mon travail, dans l’aménagement d’intérieur des hôtels, unités administratives ou résidentielles, pavillons d’exposition, etc. », indique le peintre et décorateur, très actif sur Facebook. Il y communique avec ses étudiants, mais aussi avec ses clients.
Entre 2008 et 2011, il a vécu en Italie, où il a été conseillé culturel et directeur de l’Académie d’Egypte des arts à Rome. Un lieu magnifique qui l’a marqué au fer rouge. « Le plus important projet de ma vie a été la décoration intérieure de cette prestigieuse académie. Je l’ai entièrement rénovée, avec l’aide de l’Etat sans doute. J’ai choisi de mettre à l’entrée des pierres de travertin sur lesquelles sont inscrites en hiéroglyphes les paroles du grand sage de l’Egypte Antique Ptahhotep, tiré de son livre de maximes. Il s’adressait à son fils en disant: « Que ton coeur ne soit pas vaniteux à cause de ce que tu sais. Prends conseil auprès de l’ignorant comme du savant, car on ne peut atteindre les limites de l’art », conclut Ashraf Réda, lauréat de 44 prix acquis dans les domaines de la créativité artistique.
Lien court: