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La vétérinaire dévouée

Lamiaa Alsadaty, Lundi, 06 décembre 2021

Vétérinaire et enseignante-chercheuse, Hala Gamal El-Daous vient de recevoir un prix japonais destiné aux jeunes chercheurs agricoles. Elle jongle entre sa vie de famille et sa profession, mais aussi sa passion.

Hala Gamal El-Daous

Villageoise et spécialisée du monde bovin. Hala Gamal, elle, n’est plus cette femme à la campagne qui est en train de faire vêler les vaches. C’est une vétérinaire rurale, une professionnelle dont la discipline médicale s’intéresse à la prévention, au diagnostic, au dépistage et au traitement des anomalies, ou problèmes de santé animale, notamment de bétail. Une profession très masculine?

« Oui. Mais depuis quelques années, la probabilité de tomber sur une femme s’est accrue. Cela découle de la nette féminisation du métier au cours de ces vingt dernières années. Par ailleurs, les femmes tendent plutôt à choisir la spécialisation canine ». Ce choix découlerait, peut-être, d’une anticipation sur leur vie de famille future. Alors si l’activité rurale semble plus contraignante et dure physiquement, et donc moins bien « adaptée » aux femmes, pourquoi Hala l’a-t-elle choisie? « Cette vision des choses probablement un peu stéréotypée est toutefois loin de faire l’unanimité.

Si les femmes en société rurale, notamment travaillant dans l’agriculture, ont toujours constitué une main-d’oeuvre invisible, leur éducation, ainsi que leur gestion du foyer rural sont aujourd’hui pleinement reconnues. J’ai choisi ce domaine en étant toute consciente de sa pertinence », explique Hala Gamal, en exprimant une grande passion pour son domaine, sans pouvoir dissimuler, toutefois, son rêve d’origine: devenir cardiologue. « Enfant, j’étais très impressionnée par le grand cardiologue Magdi Yaacoub. Il était pour moi un modèle à suivre et un mentor. Or, avec 96,5% en deuxième secondaire, puis 97,5% en troisième, je n’ai pas pu m’inscrire en médecine ». La médecine vétérinaire était donc une solution alternative. « La recherche animale reste un élément indispensable de la recherche biologique et médicale pour lutter contre les innombrables maladies qui frappent encore les hommes et les animaux. Notre santé, celle des animaux et de notre environnement sont intimement liées.

Hommes et animaux partagent des mécanismes de fonctionnement biologique qui, lorsqu’ils sont très proches et dysfonctionnent, produisent des maladies similaires. Nous pouvons ainsi être sensibles et atteints par les mêmes agents pathogènes, les mêmes maladies génétiques, cancéreuses, immunes, etc. », souligne-t-elle, en affirmant qu’une des raisons l’ayant poussée à travailler dur et à surpasser ses collègues, c’était la déception de son père, car elle n’a pas pu faire des études en médecine. « Mon père a un grand rôle dans ma vie.

D’habitude, les filles dans mon village se marient une fois inscrites à la faculté. Or, mon père refusait tous mes prétendants sans même me le dire, pour ne pas me déstabiliser ». Souvent, elle parle de son père, enseignant de matières sociales au cycle primaire, l’un des sages du village, à qui les gens recouraient pour résoudre les conflits. « Ma mère travaillait comme assistante sociale, elle est la tendresse incarnée ».

Dans son village, Hala menait une vie humble, mais riche d’enthousiasme. Le père, après une longue journée scolaire, se donnait complètement à ses quelques feddans, la mère à son foyer, Hala, ses soeurs et son frère à leurs études. Première de sa promotion, elle a été nommée assistante et s’est mariée. « Mon mari m’a fortement soutenue. Une fois que j’ai soutenu mon master alors que j’avais une fièvre aphteuse, je n’ai cessé de rêver de partir à l’étranger pour poursuivre mes études doctorales ». Un désir de s’ouvrir sur un monde inconnu? « Oui, surtout que je n’étais jamais partie à l’étranger. J’avais aussi un vif désir de découvrir la médecine vétérinaire sous un angle différent ».

Mère de deux enfants, un garçon de 4 ans et une fille d’un an et demi, et femme d’un docteur qui vient de soutenir sa thèse en médecine sportive, Hala accepte une offre d’admission en doctorat de l’Université japonaise de Miyazaki. « J’ai accepté cette offre plutôt que celle de l’Université de Bristol, car elle me permettait d’être accompagnée de mon mari et mes enfants ». La petite famille a donc quitté son village natal pour partir à l’étranger pour la première fois. Un départ vers le pays de la haute technologie, de l’imagination, de la culture manga qui a été vécu comme un exode affectif. « Ce n’était pas facile d’aller au fin fond du monde, vers un pays tout à fait différent au niveau de la langue et des coutumes ».

Et surtout où l’on vous colle, facilement, l’étiquette d’étranger. « Mais il faut également dire que la politesse et le respect des autres font partie de la culture des Japonais. Que vous soyez dans la rue, au restaurant, dans un hôtel ou dans un site sacré, il y a certaines règles à respecter ».

A Miyazaki, située sur l’île de Kyushu où s’est installée la famille égyptienne, après une longue journée surchargée, l’angoisse ne cessait de monter avec la tombée de la nuit. « C’était douloureux C’est là que l’absence se fait plus prégnante. Difficile de mesurer l’ampleur, d’être à la fois rassurant et efficient quand on habite à des milliers de kilomètres et de fuseaux horaires de ses parents », souligne Hala Gamal.

Et d’ajouter: « Cette lourdeur psychologique s’est accrue en l’absence d’une communauté arabe. Mais, petit à petit, on a commencé à faire des connaissances avec des Egyptiens et des Arabes à travers Facebook ou via les recommandations de mon professeur égyptien qui y était venu quelques années avant moi ».

Six mois ont dû passer pour que la famille puisse s’adapter au nouveau rythme de vie, sinon au nouveau système. « De 8h à midi, je travaillais au laboratoire, puis je rentrais pour déjeuner en famille, ensuite je reprenais le travail de 13h à 19h.

Quelques mois après, on a inscrit les enfants dans des écoles et mon mari a réussi à s’inscrire en post-doctorat à la même université où je poursuivais mes études doctorales. Une fois chez moi, je faisais le ménage et passais quelque temps avec les enfants avant l’heure de se coucher pour aller à l’école le lendemain. Tous les samedis et dimanches, on faisait des courses, on se promenait avec des amis ou on leur rendait visite ». Hala se souvient ainsi en détail de son plan durant les week-ends, ajoutant avec un grand sourire : « C’était marrant de voir les enfants se hâter d’aller à l’école même pendant les week-ends. Ils ont réussi à maîtriser, très vite, le japonais et à s’adapter à la culture japonaise grâce à l’école ».

Au laboratoire, Hala se dévoue entièrement à son projet de recherche. Spécialisée en pathologie bovine, on lui a demandé de proposer un sujet de recherche original. « Mon sujet était centré sur le virus de la leucémie bovine. Il s’agissait au départ de voir comment améliorer l’immunité des vaches laitières afin de les protéger.

Or, j’ai changé d’idée en découvrant que le déplacement du vétérinaire rural pour examiner une vache constituait un vrai défi pour les paysans au niveau budgétaire, mais aussi contagieux. Pour diagnostiquer, il faut absolument faire des analyses de sang. Alors la question qui s’est imposée à cet égard était comment faire une prise de sang facilement, de manière peu coûteuse et surtout efficace ? ».

La « véto » rurale de 31 ans, au regard vif et au physique typiquement égyptien, a réussi à trouver la réponse. Elle a proposé aux éleveurs japonais une alternative à la méthode traditionnelle de diagnostic : un peu de sang sur un papier filtre, pour l’envoyer à un laboratoire, où des analyses sont exécutées à travers le PCR. « Trois candidates ont déposé leurs projets.

Or, l’université a choisi mon projet pour la représenter à la compétition annuelle organisée par le Conseil japonais de recherches sur l’agriculture, les forêts et les pêches ». Cette méthode pourrait-elle être appliquée en Egypte? « Pourquoi pas? Mais pour ce faire, il faut offrir aux paysans des programmes consultatifs, des services de vulgarisation, etc. Et, avant tout, les convaincre de l’efficacité de cette méthode ».

Un sentiment de fierté et d’anxiété domine ; pourtant, la jeune chercheuse tient à profiter du prix pour servir son pays. « Je voudrais utiliser ce prix pour élaborer des ateliers en commun avec l’Egypte, trouver des fonds pour subventionner de nouveaux projets de recherches, etc. ». Les ambitions de Hala n’ont pas de limites. Et ce, sans oublier ses devoirs en tant que mère. « Depuis notre retour en Egypte, il y a quelques mois, mes enfants inscrits à l’école ont commencé à découvrir un nouveau monde différent de celui auquel ils se sont habitués. C’est le moment pour les aider à apprendre l’arabe et à bien le comprendre », conclut-elle.

Jalons

1990 : Naissance au village Al-Ammar à Banha, au gouvernorat de Qalioubiya.

2007-2012 : Etudes en médecine vétérinaire.

2015 : Master de l’Université de Banha en Egypte.Octobre

2021 : Doctorat de l’Université de Miyazaki au Japon.

Novembre 2021 : Obtention du prix international du Conseil japonais de recherches sur l’agriculture, les forêts et les pêches, destiné aux jeunes chercheurs agricoles.

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