Spécialiste de la science des matériaux, Moataz Attallah est à la fois chercheur, ingénieur et enseignant. Et ce n’est pas tout. Chercheur énergique, il s’est doté d’une carrière qui le mena de l’Université américaine du Caire (AUC), où il a obtenu son master, à l’Université de Birmingham, où il a soutenu son doctorat, puis à l’Université de Manchester pour élaborer des recherches postdoctorales avant de retourner de nouveau à Birmingham où il a été nommé professeur.
Attallah a publié plus de 90 articles dans des revues scientifiques, ainsi que 2 chapitres de livres à l’issue de conférences. Et ce, sans compter le nombre de recherches qu’il a menées dans le cadre de partenariats avec de grandes entreprises telles Rolls-Royce, la MBDA (société industrielle du secteur aéronautique et spatiale) et l’Agence spatiale européenne. Il a également donné des conférences dans divers universités et centres de recherche aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Chine, en Italie, en Finlande, en Australie, au Singapour, au Mexique et en Egypte. Il dirige aussi l’Advanced Materials and Processing Lab (AMPLab) depuis 2014.
Malgré un emploi du temps très chargé, il a le tact de ne pas se montrer pressé ou affairé. L’homme a de la répartie, de l’esprit, de la patience, une curiosité qui semble ne pas avoir de limites. En dépit de ses occupations quotidiennes, il se ménage des parenthèses pour lire et écouter de la musique. « J’étais un grand fan d’Enrico Macias et de Mireille Mathieu, et c’est grâce à eux que j’ai pu améliorer mon niveau de français. Récemment, j’ai découvert deux chanteurs français: Naj, une Franco-marocaine dont les chansons sont munies de rythmes latinos, et Soolking, un rappeur franco-algérien ». C’est ainsi que Moataz recharge ses batteries et ne cesse de retenir des mots en français. « La langue française m’est un atout pour socialiser avec mes collègues français, surtout que je me rends régulièrement en France pour examiner des chercheurs ».
Ancien élève du lycée expérimental Al-Orman, il y a étudié le français comme deuxième langue étrangère après l’anglais. Toutefois, il était conscient depuis toujours de l’importance de l’apprentissage de ces deux langues. D’ailleurs, il avait le goût des sciences et aimait manipuler, démontrer et comprendre le fonctionnement des choses. « Enfant, j’avais un grand intérêt pour les jeux de guerre, notamment les fusées et les tanks », se rappelle Attallah, très influencé par son père, un ingénieur militaire qui avait l’habitude de lui raconter des histoires sur les murs de missiles et de l’accompagner au Musée militaire du Caire.
Le bac en poche avec un excellent pourcentage, Moataz s’inscrit à la faculté d’ingénierie de l’Université américaine. « A l’époque, il n’y avait que deux départements : génie civil, plutôt centré sur la gestion des constructions, et génie mécanique que j’ai choisi volontiers », souligne-t-il.
Ayant obtenu son diplôme avec distinction, il décide de poursuivre ses études supérieures. La science des matériaux étant une nouvelle spécialisation à l’AUC, il la choisit comme son projet de master, puis sa spécialisation de thèse. « La compréhension de la plupart des propriétés des métaux et des alliages nécessite un ensemble de connaissances dans des domaines variés de la physique et des mathématiques. Tout au long de ce parcours, le grand savant Ahmad Zoweil m’était une source d’inspiration sur les plans scientifique et humain », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Impressionné par les recherches élaborées par Zoweil, j’ai réussi à trouver son adresse mail sur le site de California Institute of Technology où il travaillait. Je lui ai envoyé un message pour lui exprimer mon grand respect et mon désir, ainsi que tous les autres étudiants, de le recevoir à l’AUC pour animer une conférence. La surprise fut que j’ai reçu une réponse positive de sa part deux heures après. Cependant, il a exigé que les portes de l’université s’ouvrent à tous les étudiants d’Egypte pendant la conférence ».
Moataz Attallah se souvient toujours de cet incident. « C’était le 19 décembre 1998, à l’Ewart Hall, dans le campus du centre-ville. Les opportunités et les défis au nouveau millénaire en étaient l’intitulé. La salle, dont la capacité d’accueil est de 1000 personnes, a été remplie et on a dû mettre un écran à l’extérieur pour les 200 personnes qui n’ont pas pu trouver de place ».
Une part de la personnalité du jeune savant a été façonnée par cette rencontre. Il n’hésite même pas à reprendre la phrase du grand lauréat du prix Nobel: « L’Egypte est le pays où j’ai eu la base et le fondement; les Etats-Unis, c’est là où j’ai reçu les opportunités et l’appréciation. Cette phrase de Zoweil révèle tant de choses sur le contexte scientifique égyptien. L’Egypte est munie d’esprits scientifiques, mais ce sont les conditions du travail qui ne permettent pas leur épanouissement ».
En Angleterre, après avoir obtenu son doctorat, à la suite d’une bourse complète de l’Université de Birmingham, Attallah se lance dans le nouveau domaine de l’impression 3D. Une technologie qui évolue rapidement et qui possède de nombreux avantages comparée aux méthodes de fabrication traditionnelles. A travers un logiciel, on parvient à représenter les objets en trois dimensions sur un écran. Le logiciel inclut des fonctions multiples comme le calcul numérique, la modélisation, etc. Il offre une visibilité globale du comportement d’un objet avant qu’il n’existe, tant au niveau de son aspect que de sa structure et de son fonctionnement. Son apparence peut être filaire, volumique, surfacique. Pouvant simuler la texture, le logiciel permet d’établir une synthèse exhaustive d’un projet en intégrant des aspects aussi différents que ses dimensions, son degré de résistance, son design, etc. Une fois le fichier 3D prêt, il suffit de choisir certains paramètres. Puis, une fois que l’impression en 3D a été lancée, il n’est pas nécessaire de la surveiller, l’imprimante peut fonctionner seule jusqu’à ce que la pièce soit prête. « Cependant, il y a encore des choses qui doivent être développées et améliorées; on sait que l’impression 3D n’est pas encore adaptée pour la production de masse et connaît une vitesse et une accessibilité limitées. Pour les faibles volumes, l’impression 3D sera idéale et moins coûteuse, et aussi pour créer des prototypes ou des pièces très rapidement. Elle est employée dans des secteurs comme l’aéronautique, le biomédical ou l’automobile », explique Moataz Attallah.
Le rapport à la métallurgie? « Cette impression 3D s’effectue à l’aide de filaments plastiques, mais aussi de métaux, notamment dans les domaines de l’aérospatiale et l’automobile. La fabrication de pièces métalliques avec des imprimantes 3D est en plein essor. Elle permet de produire des formes très complexes avec moins de déchets et de façon plus rentable ». Et d’ajouter: « Des produits prêts à l’emploi sont désormais fabriqués en petites séries avec la même imprimante, par exemple, des pièces mécaniques complexes ou des implants médicaux. L’impression 3D fait appel à toute une panoplie de technologies ». Grâce à la qualité de sa formation initiale acquise à l’université, le métallurgiste est en mesure de comprendre les différentes étapes de la transformation des métaux générés par de différents procédés, depuis leur extraction des minerais jusqu’à l’obtention de produits raffinés ayant les propriétés désirées pour un usage spécifique.
Par ailleurs, le chercheur et académicien sait bien préserver sa vie sociale; il tient absolument à avoir un rôle au service des autres. Président de la communauté égyptienne entre 2016 et 2019, il n’a de cesse organisé des rencontres et des célébrations, afin de nouer des liens forts entre les membres de la communauté d’une part et, d’autre part, de limiter l’impact négatif de l’expatriation sur l’identité, notamment celle des enfants. « Le 6 octobre a toujours été une occasion pour faire connaître aux enfants une mémoire qui nous est chère. On les initie à s’entretenir avec leurs grands-parents, pour que ces derniers leur racontent leurs souvenirs. Ils viennent, chacun à son tour, le jour de la célébration, pour communiquer en public ce qu’ils ont retenu ».
Une vie dense et animée, au cours de laquelle il a entraîné de nombreux disciples. Il leur inculque une initiation aussi agréable que possible et cherche à aplanir les difficultés. « Sur WhatsApp, j’ai créé un groupe rassemblant des chercheurs égyptiens des quatre coins du monde. Ceux qui sont en Egypte visent le plus souvent à trouver un moyen pour quitter le pays. C’est dommage! Toutefois, je considère que tout chercheur ayant profité d’une bourse du pays devrait impérativement rentrer, sinon l’Egypte ne pourra pas profiter des fonds qu’elle a investis. Par contre, celui qui a obtenu une bourse de l’étranger pourrait continuer son parcours ailleurs, sans oublier de soutenir la recherche dans son pays d’origine », affirme le professeur.
Selon lui, la recherche en soi ne suffit pas. Mais elle constitue une étape dans son parcours qu’il dirige maintenant vers la mise en application de ses concepts et idées. « L’impact est le mot d’ordre d’aujourd’hui », conclut-il l
Jalons
1979 : Naissance à Guiza.
2001 : Diplôme en ingénierie mécanique de l’Université américaine du Caire (AUC).
2003 : Master en soudage des alliages d’aluminium, à l’AUC.
2007 : Doctorat en soudage des alliages d’aluminium, de l’Université de Bermingham, au Royaume-Uni.
2013 : Prix du ministère britannique de la Défense et prix de la Délégation générale française pour l’armement.
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