C’est au patronage, résidence et lieu d’activités rattachés à la Basilique Notre-Dame d’Héliopolis, que Mgr Gennaro De Martino, curé de cette église pendant 44 ans et lecteur assidu de l’Hebdo pendant longtemps, nous accueille. Sa chambre modeste est attenante à un salon auquel l’on accède par un étroit escalier en bois. Assis sur une chaise en bois en face d’une table en guise de bureau garni de documents, le regard attentif et le sourire toujours aux lèvres, il confie, de sa voix grave et un arabe correct avec un léger accent étranger, qu’il reçoit rarement des visiteurs, et qu’à cause du Covid-19, il n’a quitté les lieux que le 31 octobre dernier pour assister à la célébration en l’honneur du nouveau vicaire apostolique latin en Egypte. Quelques mois plus tard, il a décidé de prendre sa retraite. Il est temps de se reposer après 60 ans de carrière comme prêtre.
Ordonné prêtre à la Basilique en 1961 par le vicaire apostolique d’Héliopolis à l’époque, Mgr Amand Hubert, de la Société des Missions Africaines (SMA), père Gennaro a commencé son apostolat sacerdotal à l’église Immaculée conception à Zeitoun dans laquelle il a passé 15 ans. « J’ai senti que le Seigneur me disait : j’ai besoin de tes bras, de ton esprit et de ton coeur pour faire du bien », confie-t-il d’une voix chaleureuse. Par ailleurs, ce qui l’a aidé à accomplir sa mission le plus pleinement possible, c’est qu’il est une personne sage qui mène la vie intérieure continuellement quoi qu’il arrive, et ce, grâce à son espérance et sa très bonne relation avec Dieu. Il est aussi très patient, endurant et il a le soin du détail. Un tel bon pasteur devient l’ami de tous. Ces qualités lui ont permis de résoudre les tiraillements qui avaient lieu de temps en temps entre quelques fidèles. « Les Romains disaient : Tot Capita, Tot Sensus (autant de têtes, autant d’opinions). En général, le rôle du pasteur est de semer la paix et la concorde. La joie de se trouver ensemble nous encourage à nous pardonner les uns les autres ».
En 1986, il reçoit le titre honorifique de Monseigneur du pape Jean-Paul II après être devenu le vicaire général de l’évêque latin d’Alexandrie, Mgr Egidio Sampieri. Les yeux de père Gennaro brillent en se souvenant de son pèlerinage en Pologne en 1980 pour contempler ce magnifique pays de ce pape « qui vient de loin ». Il ne peut pas non plus oublier son voyage à Rome en l’an 2000, après avoir été choisi, avec les Mgrs Martini et Corradi, maîtres de cérémonie pontificaux, pour préparer les livrets des célébrations de la visite du pape saint Jean-Paul II en Egypte. « Il y avait trois événements différents : la messe solennelle au Stade du Caire, la célébration oecuménique à la cathédrale copte catholique de Madinet Nasr et, enfin, le pèlerinage au monastère grec orthodoxe de Sainte-Catherine où j’ai accompagné le pape en avion. C’était émouvant ! », se souvient-il avec fierté. La même année, le pape de Rome le nomme administrateur apostolique pour être ordinaire du lieu du vicariat latin d’Alexandrie en attendant la nomination du nouvel évêque, Mgr Giuseppe Bausardo.
Avant la pandémie, père Gennaro avait pris l’habitude de voyager à Milan chaque année en juin puis à Loano, à la Riviera dei Fiori. Il profitait pour rendre visite à sa famille, partie d’Egypte en 1956 après la nationalisation du Canal de Suez. D’ailleurs, ses grands-parents paternels et maternels étaient arrivés du sud de l’Italie en 1900 pour travailler au canal et il est né à Port-Tewfiq, près de Suez, en octobre 1936. « Mon papa, Nicolas, travaillait également auprès d’une compagnie maritime à Port-Tewfiq et était très satisfait de son travail. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale a troublé la poésie de notre vie. Il a été interné à Fayed par les Anglais pendant 4 ans et ma maman a dû se retirer à Choubra en 1940 avec ses 5 enfants », relate-t-il avec amertume. Sa mère, très courageuse et vaillante, a dû lutter pour sa famille et a beaucoup travaillé comme couturière. Tandis qu’il faisait ses études primaires et préparatoires à l’institut Don Bosco à Rod Al-Farag, sa soeur aînée était en classe avec Gigliotti ou Dalida chez les soeurs salésiennes de Choubra, à l’école Maria Ausiliatrice. Mgr Gennaro garde un très beau souvenir de ce séjour de 7 ans chez les Salésiens. « L’esprit de San Giovani Bosco m’a imprégné. Sa mentalité joviale, musique, joie et prière, m’a marqué pour la vie », indique-t-il avec sa voix chaleureuse. Ses responsabilités comme prêtre ne l’ont pas empêché de savourer la musique et les chants qui ont rempli ses journées.
« En tant que prêtre, j’entendais les cantiques à la Basilique pour diriger les fidèles à une époque où les chorales n’existaient pas encore. L’unique chorale en ce temps-là se formait à Noël et à Pâques et était dirigée par le regretté père Gabriel Haddad. Puis M. Rafik Attallah a pris la relève et je l’ai baptisée plus tard Prière vivante », raconte-t-il avec nostalgie. Maintenant, il y a trois autres chorales à la Basilique, une pour chaque messe.
Père Gennaro a aimé aussi la photographie depuis son jeune âge, bien avant de penser à devenir prêtre, et ce hobby l’a réjoui pendant toute sa vie. Sa collection compte des centaines de photos. « Avec le numérique, je n’ai plus besoin de courir chez mon ami au centre-ville, rue Qasr Al-Nil, pour développer mes photos ». De même, il a toujours suivi le rythme de la technologie, apprenant également à utiliser Internet pour son courriel et pour envoyer des messages WhatsApp.
Sa vocation au sacerdoce est née tôt, elle aussi, grâce aux prières de son père qui avait une dévotion particulière pour saint Antonio et saint Francisco et à la présence de mère Claire, une soeur au Bon Pasteur, qui y a considérablement contribué. Il était présent chaque jour pendant l’été dans ce pensionnat pour servir la messe, célébrée très tôt le matin par le père Legrand, un blessé de guerre paralysé à la main gauche car il avait été enseveli sous la neige pendant trois jours. « Père Legrand distribuait la communion quand même à une centaine de religieuses en attachant le ciboire à sa poitrine avec une corde. Il représentait pour moi un exemple de vaillance », informe-t-il d’une voix profonde. Il lui a appris à devenir un prêtre humble. En effet, père Gennaro possède l’art de bien écouter et il fait parvenir simplement et directement la parole de Dieu aux fidèles.
Enfant, le petit Gennaro passait ses journées entières sans soucis dans le vaste jardin de l’école en se promenant et en contemplant l’eau qui arrosait les champs. « Les oiseaux, les tourterelles et leurs nids attiraient mon attention. Je grimpais alors sur les arbres et dénichais les petits ! Un de mes passe-temps favoris était donc d’élever les tourtereaux à la maison », avoue-t-il. Evidemment, une fois grandies, les tourterelles s’envolaient ! Même si, au petit séminaire, il aimait jouer au basket, volley et football, Mgr Gennaro a jusqu’à présent gardé le hobby de l’élevage des canaris, des poules et des pigeons.
« Ma vocation n’a pas eu d’illuminations particulières », révèle-t-il. C’était le père Gabriel Haddad qui l’avait présenté à Mgr Jules Girard, évêque des Latins à l’époque, en septembre 1949. En octobre, il partait déjà avec trois autres camarades au petit séminaire copte catholique de Tanta, institution inexistante chez le Vicariat latin, qui était situé à côté du collège Saint-Louis, tenu par la SMA. « J’y ai passé quatre ans, très fructueux, en perfectionnant, entre autres, le français et l’arabe. J’ai eu comme supérieur Mgr Stéphi, devenu le patriarche Stéphanos II et ensuite cardinal », se rappelle-t-il. Naturellement, ce séjour à Tanta était une introduction à sa vie de prêtre.
En 1954, il est parti à Beit-Jala (qui était en Jordanie) pour rentrer au Grand séminaire du Patriarcat latin de Jérusalem. Il considère ces 7 ans, pendant lesquels il a étudié la théologie, le droit canonique, l’exégèse, la liturgie et la philosophie, comme un temps de grâce pour prendre conscience de ses talents et les semer, d’où le terme séminaire. Il a approfondi avec un esprit de discernement le futur de sa vie sacerdotale, spirituelle et intellectuelle. « J’ai goûté aussi, durant cette période, à la lecture, en particulier Le Petit Prince. J’ai pris beaucoup de plaisir aussi en lisant Le Tarbouche ». Ne se contentant pas de ces études et du GCE (General Certificate of Education), toujours avide de connaissances, père Gennaro est rentré à la faculté des lettres de l’Université de Aïn-Chams en 1965, après son ordination comme prêtre, pour obtenir la licence en psychologie et sociologie.
En tant que vrai Egyptien, Mgr Gennaro souhaite qu’il y ait une conscientisation générale dans le pays afin de montrer la gravité de la situation actuelle causée par le Covid-19 et la nécessité des masques et de la distanciation sociale. Pour la Basilique, il désire plus de solidarité entre les fidèles pour montrer la vraie communion. Il est d’ailleurs reconnaissant envers tous ceux et celles qui ont collaboré avec lui pour rendre la Basilique toujours plus belle, plus accueillante et il rêve d’une zone piétonne autour de cette église, rappelant qu’à l’origine, la ville en herbe, Héliopolis, a été conçue pour être une oasis de paix et de calme et que son fondateur n’aurait jamais cru qu’elle deviendrait aussi bruyante et tumultueuse.
Jalons
1936 : Naissance à Port-Tewfiq, près de Suez.
1954 : Entrée au Grand séminaire au Patriarcat latin de Jérusalem, à Beit-Jala.
1961 : Ordination sacerdotale.
1977 : Nommé curé de la Basilique Notre-Dame d’Héliopolis.
1986 : Nommé vicaire général de l’évêque latin et nommé Monseigneur.
2000 : Administrateur apostolique latin avant la nomination de Mgr Giuseppe Bausardo.
2008 : Administrateur apostolique avant la nomination de Mgr Adel Zaki.
Mai 2010 : Décoré par l’ambassadeur de Belgique pour ses grands efforts en tant que curé de la Basilique.
2021 : Retraite après une carrière de 60 ans comme prêtre.
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