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Hadia Hosny : Athlète, pharmacienne et parlementaire : Des ambitions sans fin

Lamiaa Alsadaty, Mercredi, 13 janvier 2021

Championne de badminton avec plus de 150 médailles et maître-assistante en pharmacie, Hadia Hosny vient d’être élue au parlement. Elle cherche, également, à grimper dans le classement mondial à travers le tournoi de Bangkok, pour accéder aux Olympiades de Tokyo 2021.

Hadia Hosny

Un(e) joueur(euse) au sol, hurlant de douleur, les mains sur le visage, sort du terrain … Une image dure qu’on n’aime pas voir et une situation douloureuse que certain(e)s sportif(ive)s n’arrivent pas à endurer. Mais Hadia Hosny, depuis toute petite, finit toujours par surpasser les obstacles, petits ou grands, afin de forcer son destin. Elle, qui faisait depuis son enfance de la gymnastique, de l’équitation et du squash, n’avait pas agité le drapeau blanc lorsqu’elle s’était blessée lors d’un championnat de gymnastique. Tout de suite, l’athlète s’est décidée à se concentrer sur le squash. « Mon entraîneur de squash à l’école m’a proposé de joindre l’équipe de badminton qu’il était en train de former au club Al-Zohour. Moi, qui n’avais aucune idée de ce jeu, j’ai accepté par pure curiosité ». Trois semaines après, Hadia est classée 3e au tournoi national des moins de 12 ans. Un an après, en 2001, Hadia réussit à remporter le titre. Un progrès rapide comme une flèche ! « Quand je faisais de la gymnastique, j’étais toujours classée deuxième ou troisième ; pour ce qui est du squash, j’étais classée parmi les top 8 », raconte Hadia en justifiant ce progrès par le fait d’avoir pratiqué autant de sports. Les qualités requises pour jouer au badminton et avoir un bon niveau ? « Surtout de la souplesse pour les changements de direction rapides et la frappe du volant », répond-t-elle tout de suite. Et d’ajouter : « Le badminton suppose également une excellente coordination des mouvements, une bonne résistance à l’effort, une véritable capacité de concentration et une endurance réelle, puisqu’un match peut par­fois durer plusieurs dizaines de minutes ».

Hadia est aujourd’hui vouée au badminton qui lui procure toujours autant de plaisir. Et même si elle souligne avoir une certaine pas­sion pour tous les sports de raquette, elle affirme que « le badminton, c’est très complet, dans la mesure où cela développe l’agilité, les réflexes, la tonicité musculaire, l’équilibre ». La seule difficulté, selon elle, c’est de trouver un partenaire convenable lorsqu’il s’agit de jouer en double (c’est-à-dire deux joueurs contre deux). Car, dans ce cas, il faut que les deux joueurs soient sur la même longueur d’onde, et, en plus, que l’un complète ce qui manque chez l’autre. A part cela, le badminton s’avère plus simple que tous les autres sports de raquette. « Contrairement au tennis, où il faut d’abord acquérir des bases, le badminton s’apprend très vite et n’importe qui peut jouer et, s’il le souhaite, devenir très bon ». Ainsi, les catégories de joueurs selon l’âge s’étendent jusqu’aux vétérans, c’est-à-dire 65+. « Avoir de l’intelligence et adopter une bonne straté­gie pourraient être de bonnes raisons pour gagner. Les qualités physiques seules ne suffis­sent pas ».

En effet, Hadia est dotée d’une sagesse et d’une douceur qui sont véhiculées de par sa tonalité, ainsi que sa façon d’être. « J’aime prendre mon temps. Même si je fais un plan de travail, je le fais à court terme. L’essentiel c’est d’être bien organisée », explique-t-elle calmement. Et d’ajouter : « Ma mère m’a appris à ne pas perdre mon temps. En voiture, pour aller au club, j’étudiais mes cours et fai­sais mes devoirs ». Ainsi, elle a réussi facile­ment à s’inscrire à la faculté de pharmacie. « Comme j’adorais la chimie et le dessin, j’ai beaucoup hésité entre pharmacie et beaux-arts. J’ai choisi la première car elle est plus proche du club ». Et Hadia n’a désormais plus de temps à perdre : cinq heures d’entraînement par jour en été, et deux heures en hiver, outre les camps et les voyages pour assister à des championnats, etc. Son agenda a toujours été bien chargé. Aujourd’hui, il l’est encore plus.

Nommée à l’Université britannique au Caire comme maître-assistante, Hadia profite de ses qualités d’athlète dans l’enseignement. « Avoir de la confiance en soi, du savoir-faire et tra­vailler en groupe », énumère-t-elle les qualités psychologiques dont elle se sert. On dirait plutôt du flair. En effet, le parcours acadé­mique avait aussi son impact sur la jeune ath­lète. Lors de son séjour en Angleterre pour obtenir son master, elle a dû vivre seule, pour la première fois de sa vie. « J’étais évidem­ment habituée à partir dans des camps ou à assister à des championnats, mais vivre dans un pays étranger toute seule, c’est autre chose. C’est le grand défi d’être capable de faire face, seule, à toutes les circonstances survenues, les plus simples comme les plus compliquées », souligne Hadia. Puis, d’une voix triste, elle ajoute : « Il suffit de vous dire que ma directrice a été tuée ! ». Un moment de silence, puis elle reprend la parole : « J’ai été invitée chez elle le soir pour le dîner, mais je me suis excusée … le lendemain, j’ai appris la nouvelle : son mari l’a tuée ». Un choc. Mais, il a fallu qu’elle reprenne ses esprits. Pas de temps à perdre ! « Ce n’était pas facile. Mais, en passant des heures à m’entraîner et à étu­dier, j’ai réussi à m’en sortir ».

Le master en poche, Hadia rentre en Egypte. « Je ne peux pas vivre ailleurs », affirme-t-elle. De retour, ses parents lui demandent d’arrêter le badminton, mais elle insiste sur la poursuite de son parcours sportif en parallèle avec sa carrière académique. « J’ai même décidé de fonder une académie de badminton pour enfants. Je tenais aussi à ce qu’ils soient studieux au niveau scolaire ».

Elle travaille dans sa thèse de doctorat sur une combinaison de médicaments qui pour­raient être efficaces dans le traitement du cancer du sein. L’une des premières causes de mortalité chez les femmes égyptiennes. Hadia fait partie de ces jeunes engagés qui cher­chent à jouer un rôle efficace, mais sans faire beaucoup du bruit. Très calme, comme son nom l’indique d’ailleurs, Hadia ne cesse d’étudier pour s’enrichir à des plans variés. Entre autres, le politique s’impose. « Aux élections parlementaires de 2015, on m’a demandé de poser ma candidature, à travers la liste de l’Alliance républicaine (Al-Tahalof Al-Gomhouri), mais je n’ai pas été élue ». Un échec qui a poussé la politicienne en herbe à se remettre en question. « J’ai décidé de joindre le programme présidentiel conçu pour former de jeunes cadres au leadership. Après des études d’un an et demi, j’ai réussi à avoir un arrière-plan politique. Ainsi, en 2020, la coordination des jeunes pour les partis politiques et les politiciens m’a deman­dé de déposer ma candidature sur la liste nationale Pour l’Egypte au niveau du gouver­norat de Charqiya (lieu de naissance de mon grand-père). Et, j’ai gagné ! ».

Deux questions se posent par la force des choses : Que pourrait ajouter la présence d’une athlète au sein du parlement ? Et comment l’ath­lète pourrait-elle bénéficier de son poste de députée ? « En tant qu’athlète, je vais proposer au parlement un plan de soutien aux entraîneurs et aux joueurs à l’âge de retraite, surtout que certains d’entre eux n’ont pas de sources leur garantissant une vie décente. En outre, je compte aussi accorder une grande importance aux ath­lètes, notamment ceux qui ont des besoins spé­ciaux. En tant que parlementaire, ceci m’a per­mis de découvrir des talents, surtout à Charqiya, qui demandent beaucoup d’attention. D’ailleurs, mon intérêt ne sera pas réservé uniquement au plan sportif. L’agglomération de Hihya, par exemple, manque de routes revêtues, d’écoles et d’unités sanitaires ».

Athlète et parlementaire, Hadia n’oublie pas également son statut de femme. « Le sport féminin mérite une remise en cause au niveau social. La femme égyptienne décroche aujourd’hui des postes importants et a réussi à démontrer ses aptitudes à tous les niveaux, c’est honteux de trouver certaines familles qui imposent des obstacles à leurs filles, les empê­chant de pratiquer des sports et de se présenter sur le plan mon­dial », affirme-t-elle, en men­tionnant l’exemple de Réhab Gomaa, la sportive originaire d’Assouan qui a défié tout le monde pour poursuivre son rêve : elle est devenue, aujourd’hui, une championne internationale de handball. « J’ai eu de la chance, car mon entou­rage ne cesse de m’encourager : ma soeur, qui était championne de gymnastique, mes parents, ainsi que mes professeurs à l’université ».

Le défi, un mot-clé pour Hadia. Cloîtrée dans une chambre d’hôtel à Bangkok au moment de la rédaction de ces mots, elle attend impatiemment le résultat de son PCR et la fin de la quarantaine, pour se lancer au match du 12 janvier avec Doha Hany, sa par­tenaire pour le jeu en double. « Il nous reste encore deux tournois en Inde et Malaisie pen­dant les mois de mars et d’avril, pour grimper dans le classement mondial afin d’accéder aux Jeux olympiques de Tokyo, reportés à l’été 2021 en raison de la pandémie du nou­veau coronavirus ».

Jalons

1988 : Naissance au Caire.

2005-2010 : Diplôme en pharmacie de l'Uni­versité de Aïn-Chams.

2010 : Première femme arabe et égyptienne à avoir remporté une médaille d’or au Championnat africain du badminton (Kampala, Ouganda).

2011-2012 : Master en sciences biologiques de l'Université de Bath, Angleterre.

2015-présent : Doctorante en pharmacolo­gie à l'Université du Caire.

2016 : Doctorat honorifique en sport et paix de l'Université de Cambridge, Angleterre.

2018-2019 : Programme du leadership prési­dentiel.

2019 Et 2020 : Classée première, avec Doha Hany, en jeu double aux Jeux africains pour la première fois dans l’histoire d’Egypte.

2019 : Ordre de la République.

2020 : Elue au parlement, députée du gou­vernorat de Charqiya.

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