Nadia Larguet est une ancienne animatrice marocaine qui avait réussi, lors des années 1990/2000, à concilier les adeptes du tout cliquable et du tout jetable avec leur petite lucarne. Un pari de haut calibre qu’elle a réussi avec brio à une époque où l’audiovisuel marocain fut surnommé « l’odieux-visuel » par les pédants du pays. En février dernier et plus exactement le jour de son 40e anniversaire, elle a sorti son premier livre intitulé Entr’Act, comme l’émission télé qui l’a révélée au grand public.
Ce livre est un assemblage de scènes de vie, de sourires, de moments inoubliables accouchés sur des photographies commentées … Elle y parle, à coeur ouvert, de son parcours et de ses moments de bonheur partagés avec les siens, ainsi qu’avec les célébrités du monde. Selon ses mots: « La sortie de ce livre a été une magnifique aventure. Mais honnêtement, je n’ai pas pensé le livre de manière à retracer ma vie ou mon oeuvre, ou encore à faire mon bilan. Sincèrement, je pense que c’est un beau cadeau que je me suis offert, et que j’offre indirectement à beaucoup d’autres personnes puisque je compte verser la totalité des recettes à des associations caritatives ».
Toutefois, force est de s’interroger sur le déclic d’un tel événement : « Un jour, je faisais le ménage chez moi et je suis tombée sur une boîte. Dedans, il y avait plein de photos de moi avec des vedettes de l’acabit de Laurent Gerra, Franck Dubosc, Gad Elmaleh et beaucoup d’autres. Je me suis dit que dans ma carrière télé, j’ai eu la chance de recevoir ou de croiser un grand nombre de célébrités et que ce serait dommage de laisser ces photos dans cet état. C’est en tombant sur une photo où je suis avec Gad Elmaleh à Essaouira en 1999 que le déclic a eu lieu. Il a eu la gentillesse d’accepter de me faire la préface du livre ».
Le livre Entr’Act renferme plusieurs parties, dont une consacrée au Festival International du Film de Marrakech (FIFM). Celle-ci occupe une place dominante dans cet ouvrage. « J’ai couvert cet événement durant de nombreuses années. Chaque année, cela m’offrait des rencontres magnifiques qui m’ont véritablement marquée et enrichie sur le plan relationnel », affirme-t-elle. Pour beaucoup, elle est aussi une lady, une VIP du FIFM. Ce festival dont son mari Nour-Eddine Saïl est, aujourd’hui, le directeur général.
Quelques figures emblématiques de la scène cinématographique égyptienne occupent, elles aussi, une belle place dans ce livre plein d’hommages et de témoignages de sympathie. Parmi celles-ci, il y a lieu de nommer le défunt Youssef Chahine, qui a déjà été invité par Entr’Act (l’émission). Pour Nadia : « Les célébrités égyptiennes sont de véritables stars! J’en connais personnellement quelques-unes, à l’instar de Poussy, Nour Al-Chérif, Elham Chahine et j’en passe ». Toutefois, sa relation avec la comédienne Yousra reste spéciale. En effet, elle se souvient d’avoir passé l’un de ses anniversaires chez cette diva au Caire.
Un joli minois, une allure décontractée, un QI culminant et une créativité comme on n’en fait plus. La potion magique qui l’a littéralement propulsée au rang de starlette ne fut pas si compliquée qu’elle puisse en avoir l’air. De même, sa licence en histoire de l’art, option cinéma et audiovisuel, à l’Université Paris VIII explique si bien son talent. En un rien de temps, son émission culturelle Entr’Act a réussi à se tailler la part du lion des téléspectateurs de 2M, et est devenue l’émission phare de toute une génération de cinéphiles et de mélomanes au Maroc. Aujourd’hui, elle-même constate la décadence des émissions de ce registre : « Mes interviews avaient peut-être un ton très décontracté. Toutefois, elles étaient très travaillées. D’ailleurs, le plus beau compliment que l’on m’a fait à l’époque, c'était que les spectateurs pensaient que l’émission s’enregistrait à l’étranger. Le public croyait que toutes les semaines, je prenais l’avion et que j’allais à la rencontre de célébrités étrangères. Une vraie nostalgie aujourd’hui quand j’allume la télévision et que je ne retrouve plus tout cela ». De plus, bon nombre de Marocains et d’étrangers avouent avoir coupé le cordon avec la deuxième chaîne marocaine après son départ.
Heureusement, en 2004, Nadia a réussi à garder « un pied » à la télévision marocaine même si elle a, comme on dit, changé de cap pour se diriger vers le monde de la production audiovisuelle. Cependant, elle est restée fidèle à ses penchants culturels à la fois juvéniles et andragogiques. Histoire de garder le lien avec cette génération qui la chérissait tant, et ce, cette fois-ci, sur les deux premières chaînes publiques marocaines. Mais bien juste avant de troquer l’animation contre la production, elle avait réalisé l’un de ses rêves les plus … sages !
« J’ai arrêté d’abord Entr’Act parce que je voulais passer à autre chose. Je trouvais que j’avais fait le tour dans ce style-là. J’avais remarqué qu’il n’y avait aucune émission sur 2M (ndlr: la deuxième chaîne marocaine) avec une bande de chroniqueurs. Je me suis alors dit que ça pourrait être sympa de le faire. Nous étions les premiers à proposer ce type d’émission à l’époque et à imposer un chroniqueur subsaharien. J’y tenais absolument parce que je trouvais que c’était représentatif du brassage ethnique dans les rues marocaines. C’est donc naturellement que j’ai animé Bande à part, ma deuxième émission télévisée. Par la suite, j’ai enchaîné vers la production », se souvient-elle.
Curieusement, Nadia n’arrête pas de multiplier ses retours. En effet, sa dernière émission produite date de l’année dernière. « Ma soeur et moi avons produit Diasporama, une série de portraits de Marocains résidents à l’étranger. C’était la première collaboration des soeurs Larguet. Je suis très contente de la première saison, surtout que cela a été diffusée en plein Ramadan sur 2M et que l’émission était en français. Elle était sous-titrée en arabe, bien sûr, mais aussi adaptée aux malentendants, je tiens à le signaler parce que c’est une première. J’espère aussi pouvoir coproduire une deuxième saison », ajoute-t-elle
Nadia Larguet dérange. Nadia Larguet plaît. Ce qui est sûr, c’est que nul ne peut l’ignorer. Même pas les islamistes radicaux du Maroc qui la trouvent « occidentalisée », comme si c’était une honte de l’être. Décidément, c’est la témérité de cette femme de la télévision qui manque atrocement à ses admirateurs. En effet, parler de Nadia Larguet, c’est surtout parler de son franc-parler et de son audace qui dérangeaient quelques-uns, mais qui plaisaient à tant d’autres. Faisant partie de la jeunesse dorée du pays, cette Franco-marocaine (française de mère) et lauréate du prestigieux Lycée Descartes à Rabat ne pouvait et ne peut qu’être elle-même. Elle ne faisait, pourtant, qu’appeler un chat un chat. Quand elle exhortait les jeunes Marocains à s’amuser, mais sans oublier de se protéger, elle ne parlait certainement pas des UV mais des préservatifs. En 2003, pour lever le voile sur ce non-dit, elle a ouvertement invité les jeunes — dans un épisode de Bande à part — à utiliser « les préservatifs » au cours de leurs relations sexuelles prénuptiales pour échapper aux MST! Ce fut, alors, la première célébrité marocaine à franchir ce pas. Chose qui n’a pas laissé les médias marocains sans avis …
Quelques années plus tard et plus exactement en 2009, alors qu’elle était enceinte de 8 mois, elle a posé en tenue d’Eve pour le magazine Femmes du Maroc. Ce fut, alors, une première dans le monde arabe de voir une couverture à la Demi Moore, mais d’une Marocaine, le ventre à l’air, couvrant sa poitrine de ses deux mains. Mais quels que soient son aplomb et la richesse de ses fulgurances, Nadia Larguet ne laisse personne indifférent. La presse marocaine, elle, tour à tour, la glorifie, critique son côté rebelle, un tant soit peu provocateur, ou feigne de l’ignorer. Quoi qu’il en soit, beaucoup voulaient et veulent encore lui ressembler …
Cependant, la célébrité a un prix. Ne serait-ce que ces potins racontés ici et là. Car des rumeurs à son égard, il y en a à en construire des châteaux de sable, voire à en réaliser de très longues telenovelas mexicaines. Tantôt elle est accusée d’avoir dragué Nour-Eddine Saïl, son ancien directeur général à 2M (alors qu’ils se sont aimés et mariés en adultes consentants). Tantôt elle est la Marocaine qui se prend pour une Française (alors qu’elle est Franco-marocaine tout simplement). Mais quoi qu’on dise, elle avance le coeur léger, sans remords ni rancune et surtout, sans prendre le temps de commenter ces racontars.
Jalons :
1973 : Naissance à Rabat (Maroc).
1992 : Baccalauréat au Lycée Descartes, Rabat (Maroc).
1996 : Licence en histoire de l’art. Option cinéma et audiovisuel à l’Université Paris VIII (France).
1997 : Rejoint l’équipe de la deuxième chaîne marocaine 2M.
2004 : Premiers pas dans l’univers de la production.
2012 : Emission Diasporama avec sa soeur.
2013 : Publication de Entr’Act, son premier livre, aux éditions Art Point.
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