Un regard pétillant, un sourire spontané, une voix rauque, un visage expressif, Mourad Makram a tout pour captiver. Il a une présence qui mêle simplicité et profondeur et ne cesse de nous étonner. Il est difficile de le cerner ; l’humour et le respect, l’humanisme et la joie de vivre sont autant de mots-clés qui définissent sa personnalité. Makram, le comédien qui a brillé ces dernières années dans plusieurs rôles de séries télévisées, est un vrai dégustateur de la vie, qui aime savourer chaque instant.
Le timbre de sa voix est particulier, un grain à la fois rugueux et aristocratique, reflétant une courtoisie et une curiosité innées.
Makram sait divertir, faire rire, mais il sait aussi toucher au plus profond de la vérité humaine, en interprétant des rôles complexes. Il fait, en outre, preuve d’une grande sensibilité du langage, exprimant ses idées avec subtilité et assurance, ce qui lui a permis de s’imposer dans le monde de l’audiovisuel. C’est en fait par pure coïncidence qu’il a commencé une carrière à la télévision, d’abord en tant qu’animateur.
Vers la fin des années 1990 ont été lancées les chaînes de Nile TV. Makram animait déjà des shows de karaoké et a eu l’idée de présenter le même spectacle au petit écran. Une première du genre dans le monde de l’audiovisuel égyptien, qui lui a donné la chance de marquer l’audience et de se faire connaître comme un jeune homme décontracté et aux talents multiples. « Le public ainsi que les responsables de la télévision égyptienne étaient habitués à un certain stéréotype du présentateur de télé, soit une personne classique qui parle en arabe soutenu, comme si elle portait un masque », dit Makram.
Détestant les stéréotypes, il n’a pas tardé à les briser, et ce, tout au long de sa carrière, dévoilant à chaque fois un nouveau visage, un autre talent. Drôle et éloquent quel que soit le genre d’émission, Makram réussit à capter l’attention des téléspectateurs. Sur un ton tantôt léger, tantôt sérieux, il crée une atmosphère conviviale, tout en gérant l’imprévu. Pourtant, il n’a pas perdu des yeux sa plus grande passion, son rêve d’enfance : devenir comédien. « Pour moi, le métier d’animateur était un moyen d’évoluer devant la caméra, que j’adore, une chance de me frayer un chemin et de devenir comédien. J’avais joué quelques rôles au théâtre de l’école, notamment dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, et je savais depuis ce temps-là que j’étais fait pour être comédien », raconte Makram.
Etant issu d’une famille conservatrice, faire une carrière de comédien et se retrouver sous le feu des projecteurs était hors question. « Ma mère a été très protectrice ; mon frère et moi étions chez les Jésuites. Bien que nous habitions le quartier de Zamalek, nous n’étions pas membres du club de Guézira, tellement ma mère voulait nous protéger du monde extérieur. Je rêvais d’avoir une moto, mais je n’ai pas eu droit, car elle a appris que le fils de notre voisine était mort dans un accident de moto », reprend Makram.
Cela n’a toutefois pas réussi à effacer les aspirations du jeune homme ambitieux et débordant d’énergie. Il était conscient que son rêve était plus grand que lui, le hantait. Alors, Makram a tout simplement reporté son rêve, et aujourd’hui, il le vit pleinement. Il est sorti du carcan familial, s’est lancé dans le monde très ouvert des médias, ce monde jugé à risques et où il est très dur de s’imposer.
A ses débuts, il s’est contenté de quelques petits rôles au petit écran, « l’antichambre du cinéma ». Ensuite, il a joué dans des films comme Had Samie Haga ? (quelqu’un entend-il quelque chose?) et Akhlaq Al-Abid (éthiques serviles) avec Khaled Al-Sawy, puis dans des feuilletons comme Foq Mostawa Al-Chobohat (au-delà des soupçons) avec la vedette Yousra. Il y a interprété un rôle assez complexe, soit celui du mari qui découvre que sa femme a un amant et qui subit sa trahison jusqu’à prendre sa revanche. Un vrai succès. Mais le tournant est venu avec le rôle de Aziz dans le feuilleton Layali Eugénie (les nuits d’Eugénie) de Hani Khalifa, diffusé pendant le mois du Ramadan dernier.
Ce feuilleton a ravivé la nostalgie pour l’Egypte cosmopolite des années 1940, une belle fuite en arrière qui a emmené les téléspectateurs loin des temps présents. « Cette série possédait tous les éléments de la réussite, à commencer par le scénario, l’originalité de l’idée, le talent du réalisateur Hani Khalifa et le casting. Je ne pouvais rêver mieux. Un cadeau du ciel », souligne Makram, qui y a trouvé une opportunité à saisir.
Le comédien y incarne de manière brillante le rôle de Aziz, le fils d’une mère autoritaire et qui, après la mort de cette dernière, semble complètement perdu. N’ayant pas l’habitude de découvrir la vie tout seul, il commence à explorer. Avec ce feuilleton, Makram a une fois de plus touché les coeurs et prouvé qu’il est un comédien polyvalent, pouvant passer de la fantaisie et de l’humour à la tristesse et à la rigueur. De quoi montrer qu’il est capable de jouer des rôles difficiles.
Aujourd’hui, Makram a décidé de faire une pause pour revoir ses priorités. « Au départ, j’acceptais des rôles peu importants dans le simple but de rester sur scène et de me faire connaître. Maintenant, je dois être beaucoup plus prudent dans mes choix et privilégier la qualité », indique-t-il. Makram sait exactement ce qu’il veut et connaît ses points forts ainsi que les rôles qui peuvent lui correspondre. Motivé, il a élaboré un plan de travail qu’il suit à la lettre ou qu’il modifie légèrement suivant les circonstances. Il est constamment à la recherche de nouveauté et veut s’ouvrir au marché international. « Je prépare un rôle dans une co-production franco-américaine réunissant des comédiens de différents pays et cultures ». Une opportunité qui permettra à Makram de révéler son côté polyglotte et multiculturel. Il ajoute: « Les rôles qui me sont proposés ne sont pas forcément à la hauteur de mes attentes. On a tendance à juger l’acteur selon certains clichés. Etre assez fort physiquement signifie automatiquement faire des rôles comiques, c’est une manière de voir très réductrice. Cela n’est pas le cas en Occident, où on a tendance à vous classer selon vos talents et non selon votre apparence physique ».
Pour le moment, Makram continue de présenter son émission télévisée Al-Akkil (le gourmand) sur la chaîne culinaire CBC Sofra. Il fait le tour de différents restaurants, effectuant une critique gastronomique, et fait découvrir des menus et des repas aux téléspectateurs, le tout agrémenté de rencontres et d’échanges sur les plaisirs de la vie. « Je ne suis pas chef de cuisine, mais j’adore les bons repas et je sais déguster un bon plat et mettre en relief ses ingrédients et ses secrets. J’aime savourer chaque élément et je déteste qu’on mette trop d’épices ou trop de citron dans un plat, cachant ainsi le vrai goût des matières premières », explique-t-il. Makram emmène les téléspectateurs dans les restaurants et les hôtels cinq étoiles comme dans des coins méconnus au fond des ruelles les plus populaires, racontant les histoires des gens qui font perdurer la tradition. « Il n’y a rien de plus délicieux que la cuisine de la rue. Elle répond à l’envie de voir le plat préparé devant soi, de vivre l’expérience du milieu urbain et vous permet de découvrir de nouveaux visages reflétant la mixité d’une population », ajoute Makram. Rien d’étonnant donc à voir l’animateur-comédien auprès de la jeune Sahar par exemple, qui prépare des plats typiques de fèves devant la mosquée Moustapha Mahmoud, à Mohandessine. Car pour lui, la cuisine est un art, un plaisir et une thérapie.
Makram croque la vie à pleines dents, se sent libre dans ses choix comme dans ses idées.
A la radio, il présente un programme intitulé Taala Echrab Chay (viens prendre un thé), une tribune qui lui permet d’exprimer ses opinions, que d’aucuns peuvent juger trop osées. D’ailleurs, Makram avoue d’être toujours du côté de la femme et des marginalisés. Il déteste toute sorte d’oppression et d’injustice. « Je n’aime pas la schizophrénie de notre société. Je suis toujours du côté de la femme, qui souffre de la violence, qui élève seule ses enfants, qui est exposée au harcèlement ou à l’injustice d’un mari, etc. Notre société impose à la femme des contraintes concernant son habit, son comportement et l’oblige à se soumettre à des lois et des traditions insignifiantes, alors qu’elle donne à l’homme la liberté de trahir ou d’admirer la beauté d’autres femmes. C’est de l’abus pur », déclare Makram sur un ton simple.
Or, cette simplicité est la sophistication suprême, comme il aime à le dire. Elle est souvent très difficile à atteindre. C’est aussi cette simplicité, non sans profondeur, qui a permis au comédien et présentateur de toucher les coeurs. Et c’est elle qui parachève le portrait d’un homme élégant à sa façon, qui sait faire rire et pleurer. « I am a simple man with big dreams » (je suis un homme simple avec de grands rêves), c’est ainsi que se définit Makram dans son compte Twitter et qu’il se sent bien dans sa peau .
Jalons :
16 avril : Naissance au Caire.
1998 : Présentateur du Karaoké Show sur la chaîne Nil des variétés.
2005 : Premier rôle d’acteur dans le feuilleton Al-Sooud (l’ascension), de Samir Seif.
2014 : Emission Al-Akkil (le gourmand) sur CBC Sofra.
2018 : Feuilleton Layali Eugénie (les nuits d’Eugénie)
Lien court: