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Mohamed Shaaban : Le taekwondo dans les veines

Doaa Badr, Dimanche, 18 mars 2018

A 39 ans, Mohamed Shaaban (Meedo) est le premier Africain et Arabe à devenir président du comité des jeux au sein de la Fédération mondiale de taekwondo (World Taekwondo, WT). Le taekwondo a bouleversé sa vie.

Mohamed Shaaban

Lors de l’Open d’Egypte de taekwondo qui s’est déroulé à Alexandrie, le délé­gué de la Fédération mondiale de taekwondo (World Taekwondo, WT) était Mohamed Shaaban, président du comité des jeux à la WT. Durant les deux jours de la compétition, Shaaban bougeait toutes les cinq minutes. Il était partout: à la table principale, près des arbitres, avec les entraîneurs, les ath­lètes, les responsables techniques et même dans les salles d’échauffement. Il surveillait tous les détails, afin de s’assurer que tout se passe conformément aux règlements de la WT. Parfois, il lançait un regard furibond, lorsqu’il constatait que quelque chose n’était pas dans les normes, et d’autres fois, il rigolait avec ses coéquipiers.

D’ailleurs, un jour avant la compétition, il a tout suivi par lui-même: la pèse des athlètes, la réunion des arbitres, la réunion technique qu’il a présidée, etc. Une fois la compétition terminée, il pouvait lancer un soupir de soulagement, affi­chant enfin un premier sourire lumineux sur le visage.

Robuste, élégant, les yeux doux, Mohamed Shaaban ressemble plutôt aux vedettes de ciné­ma. Il parle souvent sur un ton tranquille et confiant. « C’est un honneur d’être le premier Africain et Arabe à la tête du comité de la WT. En outre, le plus jeune à présider un comité », se félicite Shaaban, nommé à ce poste par le prési­dent de la WT, Chungwon Choue, en septembre dernier, à la place du Français Philippe Bouedo.

Le comité des jeux est l’un des plus importants à la WT. Il en est fier. « Je suis responsable du bon déroulement des compétitions de A à Z, dès le début de la journée jusqu’à la fin », lance Meedo. Avant d’ajouter: « Et ce, sans compter la responsabilité de fournir de nouvelles idées, à même de rendre ce sport plus attirant, comme je l’ai fait pour les éliminatoires des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) qui auront lieu à partir du 6 avril en Tunisie ».

Pour la première fois, la salle de taekwondo aura un nouveau look. Les couleurs des tatamis et du set up des arbitres et des entraîneurs vont changer dans le but d’unifier la couleur de la salle entière. Et la couleur du tatami sera bleu foncé, bordée d’orange. Des boxes réservées aux arbitres et aux entraîneurs seront fixées dans la salle. Ainsi, personne ne sera debout, sur place, sauf les caméramen. « J’ai emprunté cette idée aux matchs de lutte et je l’ai présen­tée au comité technique de la WT et au prési­dent, Chungwon Choue. Ce dernier l’a vite approuvée, après avoir vu la maquette », pour­suit Shaaban, qui prépare les éliminatoires de Tunisie depuis 3 mois.

Ce passionné de taekwondo n’a pas atteint ce poste international par hasard. Mais il a acquis progressivement la confiance des responsables de la Fédération mondiale. Depuis 2015, il travaillait au sein de la WT en tant que vice-président du comité technique grâce au grand support d’Ahmad Al-Fouly, président de la Fédération africaine et vice-président de la Fédération mondiale.

« Grâce au soutien d’Ahmad Al-Fouly, de mes coéquipiers et de Philippe Buedo, ancien prési­dent du Comité des jeux, j’ai vite pris ma place au sein de la Fédération mondiale », dit le jeune homme, non sans enthousiasme.

Sa passion pour le taekwondo a commencé dès son enfance. En 1992, Meedo a commencé à pratiquer le taekwondo par pure coïncidence. « J’ai assisté à un championnat de taekwondo pour encourager l’un de mes amis qui, malgré son niveau moyen, a remporté une médaille d’argent. L’atmosphère du championnat et le jeu m’ont attiré et ébloui, j’ai décidé donc de prati­quer ce sport de combat. Aboul-Wafa Ahmad Mahmoud, mon premier entraîneur, m’a vrai­ment marqué », raconte-t-il.

Après avoir passé deux ans sans médaille, sa vie sportive a connu un tournant après avoir effectué un stage de deux mois en Corée du Sud, avec l’équipe nationale, mais à ses propres frais, n’étant pas encore membre de la sélection égyp­tienne. « Après avoir vécu cette expérience, j’ai décidé d’intégrer la sélection. De retour en Egypte, j’ai commencé une nouvelle ère, au Championnat national des moins de 16 ans, et j’ai remporté ma première médaille en taekwon­do. C’était une médaille d’or, puis un mois plus tard, j’ai obtenu une autre médaille, au Championnat national des moins de 18 ans. Ensuite, j’ai décroché une médaille d’or au Championnat de D2. Un an plus tard, j’ai intégré la sélection nationale pour la première fois ».

A partir de cette date, le cham­pion de taekwondo n’a de cesse raflé les médailles nationales et internationales. La dernière com­pétition, disputée avec l’équipe nationale, était celle des Jeux africains d’Abuja, en 2003. Puis, il a accompagné l’équipe natio­nale aux Jeux Olympiques (JO) d’Athènes, en 2004, lorsque l’Egypte a remporté sa première médaille olym­pique en taekwondo, grâce à Tamer Salah.

D’Athènes, il s’est envolé vers la Belgique, pour entamer une nouvelle phase de sa carrière professionnelle, cette fois-ci loin du taekwondo. Car il a travaillé en tant que directeur financier dans une grande boîte internationale. « D’octobre 2004 jusqu’à août 2012, j’étais totalement loin du taekwondo. De retour en Egypte, j’ai dit au général Ahmad Al-Fouly que j’aimerais bien assister aux JO de Londres. Et comme il était le président de la délégation égyptienne aux JO, il m’a offert cette opportunité, puisque sa femme m’a donné sa place d’accompagnant. L’atmosphère agréable des JO, surtout avec un VIP ID, m’a fait sentir que j’ai envie de retour­ner à l’univers sportif ».

Ainsi, il a posé sa candidature au conseil d’ad­ministration de la Fédération égyptienne de taekwondo, sur la liste d’Ahmad Al-Fouly et a été élu comme membre du Conseil, avec un nombre de voix record. Et depuis, en tant que membre du conseil d’administra­tion de la Fédération et supervi­seur général de la sélection natio­nale, il a élaboré un nouveau sys­tème d’administration sportive qui s’intéresse en premier lieu aux athlètes. « A mon arrivée, la pyramide était inversée, donnant la priorité au conseil d’adminis­tration, puis aux entraîneurs et enfin aux athlètes. J’ai rectifié la situation, en accordant la priorité aux athlètes, faisant en sorte que tous les autres travaillent pour eux. J’ai également créé, au sein de la Fédération égyptienne, un institut professionnel qui s’oc­cupe de la sélection nationale. Le sport ne doit pas se limiter à l’entraînement, mais on doit s’occuper aussi de la planification à long terme, du maintien de bons rapports avec les pays du monde et avec les responsables du sport égyp­tien », souligne Shaaban. Avant de préci­ser : « J’avais trois principaux objectifs: rem­porter une médaille olympique, former une équipe égyptienne de bon niveau et pousser les ambitions jusqu’au bout. Dieu merci, j’ai réussi mes buts ».

Au début de son travail de superviseur général de l’équipe nationale, les résultats n’étaient pas au niveau de ses ambitions. Alors, il a décidé de changer l’encadrement technique de l’équipe et a engagé un nouveau directeur technique, à savoir l’Espagnol Rosendo Alonso et sa femme Gulsha, en février 2015. Quatre mois plus tard, l’Egypte a remporté, pour la première fois, deux médailles de bronze au Grand Prix de Moscou par Hédaya Malak et Seham Al-Sawalhi. Puis, à la finale du Grand Prix 2015, Hédaya Malak a montré son potentiel, en décrochant la médaille d’or, soit une première dans l’histoire.

Depuis, les taekwondoïstes égyptiens ont commencé à conquérir les compétitions inter­nationales de très haut niveau. Et l’équipe égyptienne est devenue l’une des plus fortes au monde. « J’étais superviseur général de la sélection nationale, sous la direction de trois différents présidents de la Fédération égyp­tienne, dont Ahmad Al-Fouly, Farag Al-Emari et Mohamad Ali Abou-Zeid. Malgré quelques instabilités au sein la Fédération, la sélection nationale fonctionne parfaitement bien grâce au grand soutien de la Fédération et au finan­cement du ministère de la Jeunesse et du Sport. Durant ces cinq dernières années, l’Egypte a alors remporté 200 médailles, dont 73 médailles d’or, 60 médailles d’argent et 67 médailles de bronze ».

En fait, Shaaban est la cause indirecte de ces excellentes performances, couronnées par une médaille olympique à Rio 2016, par Hédaya Malak. « Les souvenirs des JO de Rio 2016 sont inoubliables. En tant que vice-pré­sident du Comité technique à la Fédération mondiale, j’étais assis à la table principale, juste devant le tatami. J’ai éprouvé des senti­ments très difficiles à exprimer, en suivant les matchs de Hédaya Malak. Je suis satisfait de ce qu’on a réalisé, mais je regrette simple­ment de ne pas avoir donné plus d’impor­tance à Radwa Réda ».

En parallèle à ses exploits sportifs, Shaaban va de succès en succès dans son travail comme directeur financier dans trois des plus impor­tantes boîtes internationales, travaillant dans 6 différents pays, dont l’Egypte, la Belgique, l’An­gleterre, la Suisse, Dubaï et New York.

Son travail à la WT et sa position au sein d’une boîte internationale exigent beaucoup de voyages. Du coup, dès le début de cette année-ci, il a visité 8 pays dont la Corée du Sud, la Chine, les Etats-Unis, le Pays-Bas, l’Alle­magne, l’Espagne, la Turquie et l’Islande. De quoi avoir forgé sa personnalité. « J’ai croisé des personnes très différentes durant mes voyages, passant d’une culture à l’autre, ce qui m’a appris à pouvoir créer des liens avec n’importe qui, sans même connaître sa langue. Il y a toujours un moyen de communiquer », dit-il. Et d’ajouter: « Maintenant, je connais les aéroports comme ma poche! Et ma famille apprécie la nature de mon travail et de mes déplacements. J’ai la chance d’avoir toujours eu des personnes qui m’ont beaucoup soutenu et encouragé ».

Mais, il y a toujours quelque chose qui manque. Un rêve qui caresse les esprits. « Ce qui m’intéresse en ce moment c’est de savoir com­ment attirer les fans, comment changer le jeu pour que la discipline devienne plus attirante et comment mieux intégrer la technologie ». Une nouvelle compétition organisée pour la première fois en 2017, à savoir le Grand Schelem, a regroupé les douze meilleurs athlètes du monde, avec un budget d’un million de dollars, de quoi avoir garanti des présentations spectaculaires. En outre, la Chine organise cette année la Coupe du monde, cela s’inscrit pour lui dans un même objectif: attirer davantage le public. « En taekwondo, je me sens à l’aise, c’est ma zone de confort, l’espace où je me sens vraiment heu­reux, surtout lorsque je rencontre mes anciens copains dans les compétitions », conclut-il .

Jalons

1978 : Naissance.
1992 : Pratique le taekwondo au club Al-Zohour.
De 1994 à 2004 : Membre de la sélection nationale de taekwondo. Participation à la Coupe du monde en Allemagne (1998), en France (2000), au Vietnam (2001) et au Japon (2002). Participation aux Championnats du monde d’Edmenton (1999).
De 2004 jusqu’à présent : Directeur financier dans des grandes sociétés internationales.
De 2012 à 2017 : Membre du conseil d’administration de la Fédération égyptienne de taekwondo, superviseur général de la sélection nationale.
De 2015 jusqu’à présent : Vice-président du comité technique de la Fédération mondiale de taekwondo (World Taekwondo, WT).
2017 : Président du comité des jeux de la WT.

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