Un journaliste qui connaissait l’amour de Wassim Al-Sissy pour l’Egypte Ancienne lui avait demandé : « Où auriezvous aimé vivre ? Dans un palais pharaonique ? ». Contre toute attente, El-Sissy lui avait répondu : « 20 à 30 ans avant la fin de l’humanité, car les êtres humains auront alors atteint un haut degré de civilisation et seront devenus des supermen qui vivent librement dans un monde plus équitable, sans avoir besoin de la justice ou de la morale, du Bien et du Mal ». Le docteur croit fort en la victoire du Bien sur le Mal et au progrès réalisé par l’être humain.
Il croit que l’extermination du Mal se fera peut-être grâce à la génétique, qui va aider à transformer les gènes des hommes. Car El-Sissy croit en l’Homme. Il aime puiser dans la civilisation pharaonique et la science — ses passions — pour aller de l’avant. Il a ainsi des mots forts qui reviennent dans tous ses écrits de presse ou autres, comme la citoyenneté, la justice, l’autodéni, la science et les origines de l’Histoire. Quant à la civilisation pharaonique, il en tire force et fierté. Quand on l’interroge, sans trop tarder, El-Sissy donne des exemples puisés dans les textes pharaoniques ou dans le patrimoine de l’humanité, citant des penseurs, des philosophes, des poètes et des scientifiques de toutes les époques. Il raconte, développe des faits et cite des vers de la littérature arabe ou d’ailleurs.
Ses connaissances et sa mémoire infaillible qui cumule les expériences des Hommes à travers l’Histoire subjuguent celui qui l’écoute. Il continue à nous emporter dans un monde où passé et présent se côtoient, dialoguent et offrent — à travers quelques courtes phrases — un condensé de l’humanité. Le tourbillon de ses propos vous saisit et vous invite à réfléchir et à avancer. On écoute El-Sissy citer Bernard Show, Winston Churchill, Osiris, Amenhotep et tant d’autres avec un seul désir : ne point l’arrêter ! Néanmoins, pris par une certaine angoisse, on se demande comment rapporter ses propos ensorcelants. Comment être à la hauteur de cet homme, qui n’a d’autres attaches que la curiosité et le monde de la connaissance ?
Il raconte d’ailleurs, en souriant, qu’il aime aussi aborder le monde de la culture avec ses patients. En effet, Wassim El-Sissy est un chirurgien-urologue qui travaille beaucoup. Connu à l’échelle internationale, il est l’inventeur d’une intervention chirurgicale qui porte son nom. Il a par ailleurs inventé un appareil médical qui porte son nom et a obtenu un brevet scientifique. C’est avec simplicité et pédagogie qu’El-Sissy explique le défi de certaines opérations chirurgicales et comment il les a effectuées selon la méthode qu’il a introduite. A cet égard, il n’efface pas le rôle joué par ses prédécesseurs, comme Heller et Ramstead dans le développement de sa technique.
El-Sissy raconte comment est née sa passion pour la médecine. « A l’âge de 4-5 ans, j’ai vu ma tante, qui suivait des études de médecine, disséquer une grenouille à la maison. J’ai vu le coeur de la grenouille qui battait et ses organes intérieurs. J’ai alors eu envie de savoir de quoi est composé le corps humain. La curiosité l’a emporté : je serai chirurgien, me suisje dit ». Chose dite, chose faite. El- Sissy a suivi des études de médecine et a également obtenu un diplôme de médecine comparée entre l’homme et les animaux.
Plus tard, il est parti en Angleterre à ses propres frais pour obtenir deux doctorats. Il dit : « J’aime mon métier et je ne m’en lasse pas. C’est le propre d’un homme heureux. Je me mets toujours à la place de mes patients. S’ils n’ont pas besoin d’intervention, je le leur dis. J’aime les conseiller ».
Trois fois par semaine, El- Sissy effectue des interventions chirurgicales dans son hôpital. Tous les jours, à part le vendredi et le dimanche, qui sont des jours de congé, il reçoit ses patients dans deux cliniques, l’une à Hélouan et l’autre à Maadi. Sa journée de travail se termine à 10 heures du soir. Après un léger dîner avec sa famille, c’est l’Egypte Ancienne et son article hebdomadaire pour Al-Masry Al- Youm qui l’occupent. Comment faitil pour travailler aussi longtemps ? « La variation des activités cérébrales permet de récupérer », explique-t-il.
Dans son bureau, l’Egypte Ancienne est à l’honneur. La question s’impose de savoir comment cette autre passion lui est venue. Avec le sourire, il raconte sa découverte de la plus grande civilisation du monde et ses premiers pas dans le monde pharaonique. « Je ne savais rien de mon histoire », lance-t-il. Puis, un jour, au Hyde Park, en Angleterre, où il aimait se rendre, il assiste à un débat entre un Anglais, pipe à la bouche, et un Africain du Nigeria.
L’Anglais se vantait de toutes les innovations que la civilisation anglaise avait données à l’humanité, citant des noms de grands inventeurs. Subitement, le Nigérian l’avait interrompu en lui disant de ne pas trop se vanter, car ce qui le rendait si fier venait de très loin. Et de lancer : « C’est moi qui te l’ai donné ». L’Anglais demandant des explications, le Nigérian lui avait répondu : « Votre civilisation vient de Rome, qui vient de la Grèce ancienne, qui vient de l’Egypte Ancienne. Et moi, je suis africain, le continent où se trouve l’Egypte ». C’était la première fois qu’El-Sissy se rendait compte qu’il était issu d’une si vieille civilisation. « Cette expérience m’a donné un coup au coeur et j’ai alors commencé à fouiller, à comprendre et à aimer », raconte-t-il. Ce sera le début d’une grande Aventure, dans laquelle El-Sissy puisera sa force de vivre. Il rédigera quatre livres sur l’Egypte Ancienne, dont L’Egypte que vous ne connaissez pas et L’Egypte qui est en nous, ainsi que beaucoup d’autres livres sur la médecine au temps des pharaons. Le médecin dit avec fierté : « Ce sont eux qui ont découvert plein de spécialités. Platon, dans son livre sur les lois, s’exclame : Toute science que nous possédons vient d’abord d’Egypte ».
El-Sissy est intarissable sur les citations qui parlent du rôle de la civilisation égyptienne pour le développement de l’humanité. Ainsi, il parcourt le monde pour donner des conférences de vulgarisation sur l’Egypte Ancienne. Il s’exclame avec enthousiasme : « Nous vivons dans une pièce obscure. Si on veut l’éclairer, il faut lire sur l’ancienne civilisation égyptienne ». Si El-Sissy se préoccupe aussi de l’Egypte moderne, il puise ses analyses dans le cours de l’Histoire. En parlant du Nil, il a ainsi recours à un dialogue entre Amenhotep et Osiris sur le fleuve sacré et ses différentes ressources.
« Si l’on veut éradiquer les trois maux de l’Egypte que sont la pauvreté, l’ignorance et la maladie, il faut s’occuper du Nil », déclare-t-il, citant à l’appui une phrase d’Osiris : « Si le Nil est en bonne santé, l’Egypte l’est aussi ». Il déplore ensuite la maltraitance infligée au fleuve sacré et affirme qu’au lieu de devoir guérir les maladies qui nous viennent des eaux polluées du Nil et qui nous coûtent très cher, il vaudrait mieux mettre en oeuvre de grands projets d’égouts industriels, pour éviter de jeter les déchets des usines dans le Nil. Mais les souhaits d’El-Sissy pour l’Egypte ne se limitent pas au Nil. Il est aussi animé par d’autres rêves, comme celui de voir un ministre de l’Education inclure l’enseignement des hiéroglyphes dans le cursus scolaire, à pied d’égalité avec les autres langues. Et ce, pour que les Egyptiens puissent lire les inscriptions des temples, comprendre leur histoire et l’apprécier. Avec passion et simplicité, El-Sissy poursuit pour faire part de ce qu’il aime le plus dans la civilisation égyptienne : « Je préfère m’attarder sur les croyances de l’Egypte Ancienne que sur ses monuments. Il n’y a pas un mot dans les religions célestes que l’on ne retrouve pas dans les anciennes croyances ».
Et il cite en exemples des mots aux origines pharaoniques et leur développement. Le chirurgien évoque ensuite les phrases que prononce un défunt au temps de l’Egypte Ancienne lors de son jugement, lorsque sont évalués ses actes positifs et négatifs : « Je n’ai provoqué les larmes de personne. Je n’ai fait souffrir ni un animal, ni une plante. Je n’ai pas traité un être humain de haut. Je n’ai pas haussé la voix en discutant avec quelqu’un, etc. ». Ce sont, d’après El-Sissy, les règles de vie qui résument une civilisation. « C’est cela la civilisation, et non pas la technologie à l’américaine ou le recours aux armes ».
Sa civilisation à lui, celle qui fait partie des gènes, El-Sissy l’a héritée de ses parents — de son père, qui lui a ouvert les portes d’une grande bibliothèque familiale et qui était spécialiste de littérature anglaise, et de sa mère, qui aimait discuter et avait un esprit dialectique. A son tour, El-Sissy a voulu la transmettre à ses trois enfants à travers ses écrits et ses colloques. Sa femme, Suzanne, qui est médecin également, partage ses rêves, l’aidant à poursuivre son chemin. Et c’est ainsi qu’il continue de puiser dans les richesses de l’ancienne civilisation égyptienne — pour notre plus grand enchantement .
Jalons
1956 : Naissance à Mansoura, dans le Delta.
1999 à 2009 : Publication d’articles dans la revue Rose Al-Youssef.
Ensuite, il tient une tribune hebdomadaire au quotidian Al-Masry Al-Youm. Salon culturel tous les mois.
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