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Ahmad Mohamad Sakran : L’entrepreneur rêveur

May Sélim, Mardi, 24 octobre 2017

Ahmad Mohamad Sakran, dit Siko, est le fondateur du studio Vibe et du nouvel espace DA House. Ayant toujours fait l’équilibre entre le business et la musique, il veut désormais promouvoir les jeunes musiciens indépendants.

Ahmad Mohamad Sakran
Ahmad Mohamad Sakran, fondateur du studio Vibe et du nouvel espace DA House. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Au studio Vibe pour le développement des arts et à l’espace DA House, très fréquentés par les musiciens, situés dans un immense immeuble de la rue Mossadaq à Doqqi, on cherche le directeur, M. Ahmad Mohamad Sakran. Au quatrième étage, où se trouve le nouveau centre des concerts et des rencontres familières DA House, le réceptionniste avec un grand étonnement nous répond : « Pardon, vous cherchez qui ? ». En fait, personne ne connaît ce jeune businessman qui gère Vibe et qui vient d’inaugurer DA House sous son vrai nom. Il est tout simplement « Siko », l’ami de tous les musiciens. A sa rencontre, il n’a jamais l’allure du propriétaire et directeur de ces deux espaces qui attirent de plus en plus les musiciens et les fans. Siko est à l’aise dans les locaux de son studio Vibe, situé au premier étage. Il est presque chez lui, portant un polo noir et un pantacourt en jean. Il sourit derrière un petit bureau et dit en riant : « Tout le monde connaît Siko. En fait, c’est la chanteuse Chérine Amr, de la troupe indépendante Mascara, qui m’a donné ce pseudonyme. Chérine est une amie et j’aime bien son travail. Je la soutiens toujours. Ma petite fille Leïla, âgée de dix ans, a été complètement surprise de voir les gens au bureau me saluer par Siko. Elle m’a directement posé la question avec une grande confusion : papa, qui est ce Siko ? ».

Cet homme qui vit dans le monde de la musique underground et qui est un ami à de nombreuses stars de chant dans le monde arabe sait comment tirer profit de son studio et en même temps soutenir les vrais talents.

Son studio Vibe, muni de cinq salles de répétition, un espace pour l’enregistrement et un magasin pour la location et l’achat des équipements et des instruments de musique, a été fondé à un moment critique de l’histoire de l’Egypte. « J’ai longtemps travaillé comme gestionnaire dans un studio musical. J’ai fait beaucoup de connaissances et je me suis rapproché du monde des musiciens. J’ai touché de près les problèmes des jeunes débutants et des indépendants appartenant à la musique underground. Pendant six ans, j’ai étudié le projet de création de mon propre studio : les défis, les hauts et les bas, etc. », raconte-til. Trois mois après la révolution, Siko, en partenariat avec un ami, loue ce vaste appartement à Doqqi. Il se met luimême à le peindre et à monter l’isolation acoustique dans les pièces. Vibe a été lancé en octobre 2011. Malgré l’instabilité de la vie politique en Egypte après la révolution de janvier, et les troubles souvent présents dans la rue, Siko était certain de son succès. « L’ambiance était critique au niveau politique.

Mais la révolution a bouleversé la scène de la musique underground. Elle a donné plus de légitimité à certaines troupes et a mieux préparé les jeunes à écouter d’autres genres de musique non commerciale et non traditionnelle ».

Dorénavant, le public jeune et moins jeune s’est ouvert aux chants politiques et sociaux. La musique underground ou indépendante a gagné des auditeurs plus ouverts sur le quotidien. « Certes, après le succès de certaines troupes, pendant et après la révolution, on ne peut pas encore les qualifier d’underground. Ils sont devenues plutôt des stars sollicitées ici et là et leurs concerts attirent des milliers de fans. En général, le terme underground qualifie les gens qui s’efforcent de s’autofinancer pour pouvoir chanter ou jouer de la musique et qui touchent leur gagne-pain en exerçant d’autres métiers. Le mouvement underground existe toujours et donne naissance à d’autres troupes moins connues aujourd’hui. Mais c’est un processus continu », explique Siko.

Son travail vise à soutenir d’abord les indépendants. Il aime encourager corps et âme leurs initiatives de travailler et de s’exprimer librement. Mais le studio ouvre aussi ses portes pour les stars comme Mohamad Mounir, Assala, Chérine et d’autres troupes selon les conditions commerciales. « Vibe est un mot anglais qui dérive de Vibes et qui veut dire Vibration. La musique est souvent un jeu de vibration. En fait, c’est un art qui touche l’âme et le coeur et qui ne vous laisse jamais indifférent. Je tiens à fournir à tout musicien les équipements nécessaires pour sa répétition et pour l’enregistrement de son album.

S’ajoute à cela la possibilité de louer des instruments », assure Siko, qui est un grand fan de jazz et qui s’intéresse à toute sorte de musique : Rock, metal, pop, underground et aussi les mahraganat. « Je dois respecter tout genre de musique. Je ne peux pas condamner les chanteurs de mahraganat. Leurs chants et musique font partie aujourd’hui de notre quotidien. Mon fils Seif, dès qu’il entend ce chant assez rythmé, se met à bouger. Il le trouve souvent dans les médias, dans les moyens de transport, etc. C’est en lui expliquant la différence entre les genres et en l’encourageant à jouer au piano qu’il commence à comprendre que la musique est un art diversifié », évoque Siko, en soulevant une autre question importante, celle de l’éducation musicale et du public jeune.

« Le public qui écoute les indépendants et qui s’attache à assister à des concerts des troupes qui jouent uniquement de la musique est limité et fait souvent partie de la communauté des intellectuels. Ce sont des fans souvent diplômés des écoles privées. La musique faisait partie de leur programme scolaire et de leur activité. Quant aux écoles publiques de l’Etat, les élèves sont complètement privés du chant et de la musique. Ils n’arrivent pas à faire la différence entre la guitare et la percussion ».

A l’origine diplômé de la faculté des sciences de l’informatique de l’Université de Aïn-Chams, Siko s’est rapidement lancé dans le monde des studios et de la gestion. Au départ, son travail était plutôt administratif. Mais de plus en plus il a été épris par le rôle des ingénieurs du son. Il touchait de près les techniciens, les ingénieurs et observait tout. « Un ami, Karim Rateb, gérait un studio musical. Il m’a proposé de travailler avec lui. Et pour une dizaine d’années, j’ai travaillé dans des studios comme gestionnaire et parfois aussi comme ingénieur du son ». Fasciné par ce monde de musique et de business, Siko rêvait de lancer son propre studio. Il affirme ne pas avoir été formé pour travailler comme employé. Il voulait faire simplement ce qu’il aime à sa manière.

Au niveau du business et de la musique, Siko affirme qu’il y a certainement des concurrences avec d’autres studios privés et des espaces indépendants, mais il étudie toujours ce qu’il fait et sait comment s’imposer. Son astuce : bien servir les musiciens et leur offrir l’ambiance nécessaire pour faire sortir d’eux les plus belles musiques.

Dans Vibe, il a fait la connaissance de Chérine Abdou, Dina Al-Wedidi, Massar Egbari, et d'autres. il se sent fier de les encourager à se présenter au public et de participer à la production de leurs albums.

Ses démarches bien calculées et biens étudiées avancent petit à petit. Cinq ans après Vibe, et dans le même immeuble de Doqqi, Siko ouvre DA House. Un espace de rencontre pour les musiciens et un lieu de concerts et d’événements divers. S’ajoute à cela de petites salles équipées qui permettent aux musiciens de travailler tranquillement ou même d’animer des ateliers de formation relatifs au système acoustique ou aux techniques de chant. « DA House vient compléter les activités de Vibe. Mais j’ai voulu aussi à travers DA House lancer une société de production, organiser des événements et jouer le rôle d’un agent artistique pour certaines stars et troupes ». Au mois d’octobre, le programme de DA House s’annonce attrayant avec les troupes de Rock Rockies, BalQeis, West & East Vibes.

Aujourd’hui, entre ces deux espaces, Siko passe sa journée qui commence d’habitude vers 17h et se termine à 1h du matin. « J’ai souvent des problèmes avec ma famille et mes enfants à cause des horaires du travail. Pour moi, le jour est presque inversé. A cause des horaires des petits à l’école, je passe des jours sans les voir », déplore le jeune businessman. Ambitieux, les rêves de Siko ne se terminent pas. Il veut créer presque toute une cité de musique, où il peut s’occuper des troupes et des chanteurs de A à Z. « J’ai toujours des plans et des objectifs à long terme et à court terme. Mais j’ai besoin de temps, disons entre cinq ou sept ans pour poser ma première pierre », conclut-il.

Jalons :

3 juin 1981 : Naissance au Caire.

2007 : Naissance de sa fille aînée Leïla.

2011 : Naissance de son fils Seif.

2011 : Fondation du studio Vibe pour le développement des arts.

2016 : Fondation de DA House.

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