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Leila Ghandi: Bent Battouta pour les intimes

Houda Belabd, Lundi, 22 avril 2013

Journaliste, animatrice-télé, productrice, réalisatrice, photographe, Leila Ghandi, une jeune Marocaine diplômée de Sciences-Po Paris est aussi et surtout globe-trotteuse. Elle a été nommée « Méditerranéenne au parcours exceptionnel » par Marseille Capitale Européenne de la Culture 2013.

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Les quatre coins du monde. Rien de plus passionnant pour Leila Ghandi, un petit bout de femme éprise de l’amour de la découverte. Jusqu’ici, cela n’a rien d’étonnant venant de la part de la compatriote d’Ibn Battouta, ce célèbre voyageur arabe. Cependant, dire qu’aujourd’hui elle réalise et anime une série documentaire qui porte son nom, diffusée en prime time sur la deuxième chaîne publique marocaine a tout d’une success story. De même, l’émission dite « Voyage avec Leila Ghandi » atteint, en moyenne, une audience de 1 500 000 téléspectateurs.

« C’est une émission inédite au Maroc. Je suis fière d’avoir été choisie pour la réaliser et l’animer. Je le suis également parce que la deuxième chaîne marocaine a eu le courage de proposer une case documentaire en prime time un dimanche, à l’heure de la suprématie des séries télévisées, cela relève presque de l’acte citoyen », se plaît-elle à constater. En effet, il y a lieu de parler de citoyenneté, puisque l’objectif d’une telle émission est de faire voyager le téléspectateur, de l’aider à découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux modes de vie, mais aussi de l’aider à décortiquer les mutations politiques qui agitent le monde arabe, les crises dont souffre la région méditerranéenne.

« Tout au long des voyages, je mène une série d’interviews de personnes représentatives du pays, du balayeur au président de la République, d’un grand joueur de foot à une mère de famille, d’un militant associatif à un chef religieux, d’un chanteur populaire au premier ministre. C’est à travers ces témoignages, et à travers mon regard et mon expérience en immersion totale que nous vivons l’aventure humaine et la découverte des pays que je visite. Un voyage authentique, raconté à la première personne et qui nous permet de parler de société, de culture, de politique et de religion », ajoute-t-elle.

Il importe de préciser que Leila Ghandi s’est spécialisée, depuis son plus jeune âge, dans le portrait documentaire et aborde notamment les questions de diversités culturelles et d’identité plurielle. Elle est l’auteur du livre Chroniques de Chine récompensé par le Prix Littérature USAID. Un livre qui se vend comme des petits pains en France (éditions Bachari) et au Maroc (éditions Le Fennec). Le recueil relate des textes écrits sur le vif, illustrés par des photos prises non sans enthousiasme qui racontent avec humour et fraîcheur ce que la jeune femme a vu, vécu et ressenti durant les 8 mois qu’elle a passés en Chine. Le tout est enrichi de plusieurs détails tout droit tirés du quotidien à la chinoise, des scènes de vie racontées de manière authentique, intemporelle et surprenante.

Si les voyages lui ont permis de s’octroyer cette richesse linguistique, ses hautes études lui avaient déjà ouvert cette grande voie : « Je suis diplômée de l’EBP, programme européen de l’Ecole supérieure de commerce de Bordeaux, j’ai un B.A. en European Management de l’Université de Portsmouth au Royaume-Uni et un master de Sciences-Po Paris. Ces études m’ont permis de parler couramment le français, l’anglais et l’espagnol, en plus de l’arabe que je parle depuis l’enfance. Je parle également chinois parce que j’ai vécu un an, à peu près, à Pékin. C’était en 2004. Il faut dire que cette langue m’a fascinée. J’espère pouvoir reprendre mes cours dans cette langue un jour et améliorer mon niveau. Les voyages m’ont également donné l’occasion de pratiquer ces langues, parmi tant d’autres », confie-t-elle.

Au tout et pour tout, Leila Ghandi a visité une soixantaine de pays de par le globe. Selon ses mots, « elle ne tient pas le compte, ce n’est pas un challenge que d’en visiter le plus grand nombre, mais cela en est un de tisser un maximum d’expériences humaines ». Sa relation avec ses semblables « les terriens » est telle qu’elle se sent à l’aise avec tout le monde. « J’ai un sentiment d’appartenance humaine quand je suis en compagnie des petites communautés amazoniennes au coeur de la jungle ou les minorités ethniques de Tanzanie, avec les enfants des quartiers casablancais dits à problèmes mais aussi avec la jeunesse dorée de Marrakech », témoigne-t-elle. Effectivement, de ses sempiternels déplacements des contrées enneigées aux sommets désertés en passant par les savanes, les jungles et les saharas elle a gardé ses films, ses traces écrites et ses rencontres accouchées sur des photographies.

Malgré cela, l’humaine qu’elle est refuse catégoriquement de se cantonner au rang de l’African Pride. Selon elle, déjà on ne parle pas souvent de ce principe, même si elle avoue se sentir plus maghrébine et méditerranéenne qu’Africaine. De même, toujours selon ses mots, l’amour de la découverte de l’Autre n’est pas compatible avec les appartenances raciales, car les expériences humaines vont bien au-delà de toutes ces considérations.

Même si elle n’a jamais eu la chance de visiter le pays des pharaons, elle constate que « l’Egypte est un grand pays, son histoire est fascinante, idem pour ses nombreux atouts touristiques, tant pour les vestiges historiques que pour les paysages magnifiques ». Et pour elle d’ajouter : « Je peux imaginer que les instabilités politiques et sociales actuelles puissent avoir un impact négatif sur le tourisme. J’espère que l’avenir sera plus serein pour ce beau pays ».

Faire le tour du monde en moins d’une décennie, cela s’apparente à un conte de fées. Plus qu’une chance, Leila Ghandi vit cet état des choses comme un doux et un long rêve. Sa relation avec les langues étrangères, elle, est pour le moins unique en son genre. Parler plusieurs langues vivantes, connaître plusieurs dialectes africains, européens et autres … quoi de plus entraînant à rivaliser d’ouverture d’esprit avec les plus grands diplomates et politiciens de la planète ?

Parler de Leila Ghandi, c’est également parler d’une humaniste engagée aux côtés d’associations marocaines, telles que Bayti pour les enfants des rues, et de fondations internationales, telles que Drosos pour le développement humain. Leila est, en d’autres termes, une membre active de la société civile marocaine et une citoyenne du monde. Nommée « Leader d’opinion » par l’Onu, primée par l’agence internationale USAID, décorée au Sénat par le Trophée de la Réussite au Féminin, nommée « Femme d’Excellence » par Marseille (Capitale Européenne de la Culture), elle représente souvent son Maroc natal et l’Afrique du Nord auprès d’organismes et de conférences internationaux.

Sa relation avec la photographie, elle, a commencé depuis qu’elle s’est offert son premier appareil photo professionnel, « ce fut en 1999, quand j’avais 19 ans », se souvient-elle. Mais ce n’est qu’en 2005 qu’elle a décidé d’ouvrir son compte de droits d’auteur. Ce fut suite à son exposition à l’église Saint-Germain à Paris, quand elle a vu que ses quelques spécimens se sont vendus en quelques jours seulement. Cette expérience l’a galvanisée et lui a donné envie d’exposer ses photographies, là où le vent l’emporte. Aujourd’hui, ses expositions détiennent majestueusement la côte. De la fameuse galerie 127 de Marrakech à la galerie Art Lounge de Beyrouth en passant par le Parlement européen et l’Exposition « Beauty in Africa » à Addis-Abeba, ses expositions font l’objet de l’intérêt de beaucoup d’amateurs et de spécialistes de la photographie à travers le monde.

Il y a un an de cela, l’artiste a organisé à Rabat, capitale marocaine, l’une de ses plus grandes expositions qu’elle a intitulée Vies à vies. Une exposition riche par ses regards croisés entre le Maroc et l’étranger. L’exposition, qui a coïncidé avec la Journée de la femme, a rassemblé une sélection de photographies capturées par Leila lors de ses différentes escapades.

En plus d’avoir un pied dans la photographie, un autre dans l’univers de la réalisation, le corps transporté par les voyages, Leila a, surtout, la tête dans l’écriture journalistique proprement dite. En effet, celle qui a d’abord été rédactrice et enquêtrice au journal de Sciences-Po Paris a, par la suite, travaillé dans la sphère politico-économique, notamment en Chambre de commerce en tant que chargée de mission en relations internationales. Leila Ghandi est également une signature qui a longuement fait partie de l’équipe du magazine Femmes du Maroc pour lequel elle a créé une rubrique mensuelle sous forme de grand reportage. Ensuite, elle a collaboré avec Atlantic Radio en tant que chroniqueuse d’opinion. Juste après, elle a réalisé une série de portraits de 13 minutes sur les enfants du Maroc pour la télévision marocaine publique. Ce fut juste avant de présenter son émission Voyage avec Leila Ghandi, dont elle est pour le moins fière et comblée.

Des projets en route ? S’il s’agissait de son occupation du moment, elle n’en a pas qu’une seule. Mais son envie est, tout simplement, de continuer de faire tout ce qu’elle fait et de partager sa joie de vivre avec ses millions de fans. Ses projets se limitent à multiplier le nombre de ses voyages, de ses expériences humaines, dans l’optique d’écrire d’autres livres et de tourner autant des documentaires qu’elle pourra.

Des stéréotypes qui prédestinent les femmes à n’avoir d’yeux que pour leurs cuisines et leur progéniture, elle s’en fiche comme de l’an 1940. En effet, Leila est, certainement, l’une de ces millions de femmes arabes qui ne se limitent pas aux racontars des trouble-fêtes. D’ailleurs, quand Fadela Amara, ancienne ministre française, lui a remis le Trophée EuroMed de la Réussite au Féminin, elle n’a pas pu s’empêcher de lui dire : « Je suis profondément émue et très heureuse de te remettre ce trophée parce que tu représentes exactement le style de femmes libres et modernes qui doivent exister à travers le monde ».

Aujourd’hui, la jeune femme, qui voyage depuis l’âge de 15 ans, connaît par coeur le Brésil, le Liban, la Turquie, le Mali, l’Inde, le Pérou, la Thaïlande, la Palestine, le Sénégal, la France, la Corée du Sud, la Tunisie, l’Argentine, le Mexique, l’Indonésie, le Kenya et la liste des pays qu’elle a explorés est encore longue, voire infinie …

Jalons :

1980 : Naissance à Casablanca.

2007 : Membre du jury du Festival international du film d’aventures.

2008 : Sénat français, prix du Trophée EuroMed de la Réussite au Féminin.

2009 : Prix littérature de l’USAID pour Chroniques de Chine.

2011 : Représente l’Afrique du Nord à l’exposition du sommet de l’Union africaine d’Addis-Abeba. Représente le Maroc au World Forum for Intercultural Dialogue de Baku (Azerbaïdjan).

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