Sadek Gallini est un chanteur de la belle époque. Il comptait parmi les anciens membres fondateurs du groupe musical égyptien Les Petits Chats. Un groupe formé vers la fin des années 1960, et qui est de retour sur la scène artistique ces derniers temps.
En interprétant des chansons occidentales, américaines ou européennes, les musiciens enflammaient les foules et avaient des fans par milliers. « Nous étions une bande de jeunes, du même milieu social, inspirés par la musique et l’appel aux libertés lancé à l’époque aux quatre coins du monde », résume Gallini.
Les chansons en vogue à l’époque et qui ont fait la gloire des Petits Chats étaient anglaises, françaises, italiennes ou espagnoles. Le principal atout du groupe était que la majorité de ses membres étaient issus du Collège de la Sainte Famille (les Jésuites) et donc parfaitement bilingues, trilingues ou même quadrilingues, selon leurs différentes origines. « A l’époque, on s’est formé à travers les milieux de la jeunesse, avec les connaissances de proximité et le bouche-à-oreille. Le monde d’aujourd’hui n’est plus le même. Le nombre d’habitants en Egypte a quadruplé, par exemple », explique Sadek Gallini, bien placé pour parler de l’Egypte d’antan. Une Egypte à l’âme et à l’esprit cosmopolite, multiculturel, tolérant, accueillant et progressiste. Celle-ci a marqué sa mémoire pour toujours. Elle y est omniprésente, au point d’être devenue la référence principale pour toute comparaison avec le monde d’aujourd’hui.
Préférant le hard rock et le rythme du rock, Gallini se distingue parmi ses paires par sa préférence pour cette tendance musicale. Une ballade sentimentale de Sir Elton John le fascine autant qu’un morceau de rock and roll rythmé d’AC DC.
L’excellent rocker des Petits Chats, ce chat botté de Texas à l’américaine, n’aime pas les autres félins, mais il a une deuxième passion, celle de la mécanique des voitures et des motos. Gallini adore se balader avec sa grosse moto américaine. « En attaquant les routes et les autoroutes, je retrouve une certaine liberté, de l’air frais, qu’on ne retrouve plus dans nos villes, à cause de la pollution et des embouteillages. Ce genre d’escapade me permet de retrouver l’espace vital nécessaire pour me ressourcer au sein de nos vies citadines », explique Sadek Gallini.
La variété occidentale des années 1950-60 était l’une des composantes principales de la culture musicale égyptienne. « Les influences occidentales restent omniprésentes dans la musique égyptienne, jusqu’à nos jours, dans les bandes sonores ou les génériques des films », souligne Gallini. Et d’ajouter : « Heureusement, les nouvelles générations, conscientes de la primauté de la mélodie et de la voix, ont repris les manettes de la scène musicale, et cela me rend optimiste quant à l’avenir de la chanson en Egypte. La nouvelle génération est mieux formée et plus en contact avec le monde extérieur ». Cela, même si les Egyptiens ont intégré l’applaudissement et le bruit à la musique et à la danse contemporaines. Sadek Gallini a la vertu de philosopher les choses. Il observe le monde qui l’entoure en permanence, suit l’actualité et se fait toujours son propre avis sur les événements en cours. Malgré son grand intérêt pour l’actualité, il chérit l’Egypte cosmopolite d’autrefois, et les sociétés multiples du Caire et d’Alexandrie restent ses références. « Les stars de ces années-là avaient une double culture et introduisaient au fur et à mesure tout ce qui était neuf ou en vogue dans les capitales du monde ». Les communautés européennes de proximité, notamment celles de la Méditerranée : italienne, française, grecque, turque, chypriote ou maltaise, constituaient, avec les communautés kurde ou arménienne, une part essentielle de cette Egypte singulière, affirme Sadek Gallini, qui se considère parmi les derniers héritiers de cet esprit. Et de poursuivre : « Cette heureuse Egypte abritant des compatriotes cosmopolites incarnait un rêve global et la chanson universelle ».
Le rêve alexandrin de la ville rayonnante de culture, des sciences et du panache philosophique et intellectuel attirait les Européens, en quête d’une stabilité et d’un lendemain meilleur. Ismaïliya, fondée avec le Canal de Suez, a été la ville natale de Claude François alias Clo-Clo. Port-Fouad et Port-Saïd étaient remplies de ressortissants européens, dont les descendances s’étalaient sur plusieurs générations, rappelle Gallini, l’air nostalgique. « Le franco-arabe était tellement ancré dans les moeurs qu’il a fini par constituer un genre musical. Le personnage d’Européen arabisé apparaissait dans les chansonnettes comme un citoyen soucieux de ce qui pourrait affecter la vie ou préoccuper les autres Egyptiens. L’héritage musical de Sayed Darwich ou celui des sketchs comiques d’Abou-Lamaa et Bijou en témoignent », ajoute fièrement Sadek Gallini. De mère grecque et de père égyptien, Gallini se décrit surtout comme une âme méditerranéenne. De quoi expliquer davantage son attachement à la ville d’Alexandrie. « A la fin des années 1960, début des années 1970, avec les Petits Chats, on donnait des concerts, devant 5 000 à 7 000 personnes, tous les vendredis et dimanches, au Caire comme à Alexandrie », se souvient Gallini, ajoutant que : « A l’époque, il y avait des tensions politiques et une guerre dans la région. En dépit de cela, ces années ont été celles des Beatles, de la rébellion de la jeunesse, de l’émancipation des femmes, en Europe comme aux Etats-Unis. L’Egypte, en guerre, avait limité le nombre de contrats des chanteurs italiens, français, grecs, etc. C’était une véritable chance pour les nouveaux talents locaux qui ont alors pu combler ce vide et gagner les coeurs ».
Gallini a fait partie des chanteurs qui ont vécu le boom de la musique yé-yé, vers la fin des années 1960 en Egypte. Dans sa jeunesse, il était membre de plusieurs groupes musicaux. Celui des Petits Chats doit son nom à la célèbre Madame Daramally, qui tenait un bateau-restaurant où se rendaient de nombreux chanteurs et groupes musicaux.
C’est d’ailleurs là que les Petits Chats ont vu le jour, regroupant plusieurs jeunes talents, petit à petit devenus célèbres. Le groupe était formé du guitariste Omar Khorchid, du compositeur et ancien batteur Omar Khaïrat, de Ezzat Abou-Auf, Talaat Zein, Hani Chénouda, Sobhi Bédeir et Wagdy Francis.
La vague yé-yé et l’immense succès des Beatles au Royaume-Uni, ou des Beach Boys, plus tard, ont fait vivre des expériences inoubliables à cette génération. Le groupe des Beach Boys était la source principale d’inspiration de Tareq Nour alias Ricky Nour. Ce publicitaire à succès et fondateur de l’agence Americana avait d’ailleurs fondé un groupe de musique avec Sadek Gallini, qui chantait principalement des chansons des Beach Boys.
Gallini a une vision plus large de l’univers musical égyptien. Il fait des allers-retours dans le temps, pour mieux disséquer la scène artistique. Il parle des fans qui deviennent jour après jour des aficionados confirmés d’une musique en perpétuelle évolution. Les variétés égyptiennes ne cessent de faire un tabac dans les pays arabes. Sur la question, le chanteur se montre optimiste et souligne l’existence d’un nouvel essor artistique, avec des jeunes gens qui apprennent à jouer du luth ou à faire de la calligraphie arabe.
L’évolution numérique est sans doute aussi un facteur important du rapprochement entre les différents mondes et univers musicaux. Sadek Gallini porte beaucoup d’espoir et compte sur les jeunes talents, dont sa propre fille, de 16 ans, qui étudie et vit en Autriche, avec sa mère et son jeune frère. Le père se dit enchanté d’assister de temps à autre à ses performances musicales et ses a cappella. Il ne regrette pas d’avoir fait quelques albums en langue arabe, mais avoue qu’il n’était pas très à l’aise en travaillant avec les maisons de disques en Egypte. Leurs exigences commerciales ne laissaient pas mûrir les projets artistiques.
En dehors des carcans de l’industrie musicale, Gallini joue de nouveau, avec ses anciens amis des Petits Chats, pour enchanter un public nostalgique ou novice. Rien que leur retour ensemble avait quelque chose de sympathique.
Jalons :
16 avril 1948 : Naissance en Egypte.
1966 : La formation des Petits Chats.
1983 : Maweoud Biki (tu m’es promise), premier album en langue arabe.
2016 : Retour du groupe et tenue de nouveaux concerts des Petits Chats.
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