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Waël Jassar : Le chant comme une grande passion

Yasser Moheb, Lundi, 23 janvier 2017

A 44 ans, le chanteur libanais Waël Jassar a derrière lui plus de 30 ans de carrière. Il est parvenu à s’imposer dans le cercle restreint des grands chanteurs arabes. Un talent exceptionnel.

Waël Jassar

Il y a des artistes qui transpirent la gaieté, qui possèdent l’élé­gance du chant, l’aménage­ment des émotions, ce sont des personnes qui ont énormément de choses à exprimer et à dire. Le chan­teur libanais Waël Jassar en fait par­tie.

Ses fans l’admirent, comme on peut apprécier les grandes vedettes. De Paris à Dubaï, en passant par le Koweït ou Le Caire, ses concerts sont un succès et ses chansons font souvent l’unanimité.

« Se produire sur scène est la chose la plus formidable, c’est ma grande passion », affirme le chan­teur libanais, dessinant un grand sourire. « C’est une manière de vivre et de revivre pour un chanteur », dit-il.

Sa musique mêle à la fois les maqams arabes à la musique pop. Il appartient, en effet, à cette race de chanteurs transcendantaux, celle des monstres de la scène. Jassar possède plus qu’une simple voix, ses paroles sont toujours habilement assorties et sa musique renforce bien son style.

Né à la Beqaa, dans le Sud-Liban, au sein d’une famille de mélomanes, la musique a toujours fait partie de sa vie. Ses parents sont tous de grands fans de la musique orientale. Et le petit Waël affichait, dès l’enfance, un grand amour pour le chant arabe classique et pour l’héritage oral de son pays. Du coup, plusieurs enfants de son village l’invitaient à chanter dans telle ou telle occasion.

« Dans notre quartier, il y avait fréquemment des fêtes et des céré­monies qui se tenaient presque toutes les semaines, c’était là qu’on passait des soirées entières à fêter dans une ambiance familiale. Je me mettais à chanter toute la nuit », se souvient Waël Jassar.

Malgré son apparence toujours bien soignée, l’artiste n’aime pas se faire montrer. Enfant, il ne s’imagi­nait guère en future star, mais savait déjà que sa grande passion est le chant oriental classique.

« J’avais 8 ans lorsque j’ai com­mencé à me faire remarquer grâce aux noces populaires et aux petites fêtes entre amis. J’avais commencé à participer aux concerts donnés par­tout dans la Beqaa. Je chantais le soir, ensuite, je rentrais tout de suite à la maison, afin de dormir tôt pour l’école ! Jamais je n’ai fait partie de ce monde chaotique du show-business, mais j’ai été toujours un interprète de chants authentiques, sans trop de chichis ».

D’ailleurs, il n’a pas manqué de participer à l’un des festivals artis­tiques tenus dans son quartier, où il a gagné le premier prix. Ensuite, c’était son apparition dans l’émis­sion télévisée pour la découverte des talents Al-Horouf Toghanni (les lettres chantent). Là, tout le monde fut impressionné par sa voix, et il fut surnommé Al-Tefl Al-Moeguéza (l’enfant prodige).

Lorsque Jassar a sorti sa première cassette, Kelmet Wadaa (un mot d’adieu) en 1983, il avait à peine 11 ans. Peu de temps après, il a lancé une deuxième cassette : Zay Al-Assal (sucré comme du miel), où il a repris plusieurs chansons des grandes stars arabes.

Quelques années d’absence obli­gée pour passer de l’adolescence à la jeunesse, et il est de nouveau de retour sur la scène musicale, avec l’album Machi (ça va). Un succès énorme qui va bel et bien annoncer la consécration de la nouvelle star libanaise.

« J’ai suivi des cours avec le pro­fesseur libanais Nicolas Saada Nakhla. De quoi m’avoir beaucoup aidé à façonner mon style et mon goût musical. Grâce à lui, j’ai pu progresser dans ma carrière », avoue-t-il sur un ton reconnaissant.

Une fois le baccalauréat en poche, il quitte les études pour devenir chanteur professionnel. Ensuite, il entame des études en musique orientale avec les deux professeurs Georges Rofaïl et Mohsen Moawad, tout en commençant à apprendre à jouer du luth. Ensuite, il passe d’un succès à l’autre, avec des chansons phare comme Sabrak ya Qalbi (patience mon coeur), Amaro Al-Habayeb (les ordres du bien-aimé), Al-Donia Allemetni (la vie m’a appris) et Mechit Khalas (ça y est, tu es parti), un opus qui lui a offert notoriété.

C’est sur cet élan montant que les propositions et les offres musicales ont afflué. Pendant la même année, l’artiste participe au film 365 Youm Saada (365 jours de joie), avec les comédiens Ahmad Ezz et Donia Samir Ghanem. Ainsi a-t-il interpré­té son super-tube romantique, Nekhabbi Leih ? (pourquoi cache-t-on ?), faisant alors plus de 11 mil­lions de visiteurs sur Internet. « Je ne m’attendais pas franchement à un tel succès auprès des jeunes », lance Jassar avant de commencer à fredon­ner un extrait de la chanson.

On reconnaît toujours Waël Jassar à ses beaux airs d’amour, d’émou­vants geignements dont Ghariba Al-Nas (ils sont bizarres ces gens-là), Garh Al-Madi (blessure d’autrefois), mais surtout Khallina Beïd (restons loin) et Khallini Zekra (que je devienne un simple souvenir). L’interprète ne manque pas de faire des essais dans le chant religieux, lançant consécutivement quatre albums du genre, invoquant Allah et son prophète. « Certains croyaient que j’étais sur le point de me retirer de la scène artistique, que je prépa­rais ma fin de carrière, alors que ce n’était pas du tout le cas. Je chante ce que je ressens, et à l’époque, j’ai opté pour ce dont j’avais besoin. J’ai essayé alors des chansons aux thèmes religieux, loin du style tradi­tionnel. J’étais très content pendant l’enregistrement, et ces chansons ont eu un succès fou par la suite. Les producteurs m’ont encouragé, par conséquent, à poursuivre cette veine ». Et de poursuivre : « Le chant n’est pas une prière qu’on doit faire selon notre religion, mais c’est une mission, un message adressé à toute l’humanité malgré la diffé­rence des religions et des convic­tions. Donc, je n’ai pas opté pour le genre religieux afin de flirter avec une catégorie d’auditeurs, en Egypte ou au Liban, mais je suis persuadé qu’un chanteur ne doit pas s’enfer­mer dans un genre ou un thème pré­cis. Les religions ne sont pas des barrières, mais des mondes à vivre ».

Cette manière de voir, il l’a défen­due aussi dans sa vie privée, lorsqu’il s’est marié il y a une dizaine d’années, avec Mireille, une jeune femme chrétienne, devenue la mère de ses deux enfants : Marlène et Waël junior. « Ma femme a insisté à appeler notre fils Waël junior, par amour pour moi. J’ai été très tou­ché », dit-il. Et d’ajouter : « Avec ma femme, nous éduquons nos enfants selon les valeurs et les prin­cipes de nos deux religions. Ils sont musulmans, suivant la confession du père comme prescrit par la loi, mais nous essayons d’en faire de bons êtres humains, imbus de spiri­tualité ».

Sincérité, douceur, engagement, et magnanimité ... Tant de sentiments et de valeurs que l’on retrouve chez Jassar dans la vie comme dans ses chansons, tel son dernier opus : Omri wa Zekrayato (ma vie, mes souve­nirs). L’album regroupe 12 chansons, et l’affiche porte la photo du père et du fils. « Il n’y a pas de meilleure façon de célébrer ma carrière : avoir mon fils à mes côtés, que Dieu le garde ». Et d’ajouter : « L’amour du public est un don du ciel, il faut le respecter et en profiter. Je dois tra­vailler hardiment pour le mériter et l’accroître ».

Sa célébrité est aujourd’hui toute faite. Mais les mauvaises langues ne le quittent pas, et les rumeurs l’attei­gnent comme toute vedette. Jassar n’a jamais manqué de courage pour répondre — toujours gentiment —, défendant sa liberté, ses choix et son comportement.

Il préfère suivre ses nouveaux pro­jets encore dans le pipeline. Il prépare deux concerts, l’un à Doha, l’autre à Paris, accompagné de la chanteuse libanaise Nawal Al-Zoghbi, avec qui il va se produire en duo. Sa discogra­phie renferme déjà un duo Ya Rohi Ghibi (mon âme, pars) avec la jeune chanteuse Hanan, et Lachou Nezaal ? (pourquoi se fâche-t-on ?) avec Amal Maher. « C’est un honneur et un plai­sir de présenter un duo avec Nawal Al-Zoghbi, ça doit être un vrai hit, quelque chose de très différent et de très élégant », conclut-il, dans l’at­tente d’un nouveau succès .

Jalons :

Novembre 1972 : Naissance à la Beqaa, au Liban.
1983 : Sortie de son premier album, Kelmet Wadaa (un mot d’adieu).
2005 : Grand succès de sa chanson Mechit Khalas (ça y est, tu es parti).
2010 : Sortie de son premier album religieux, Robaëyat fi hob Allah
(des quatrains en l’amour de Dieu). Prix Murex pour
sa chanson Ghariba Al-Nas (ils sont bizarres ces gens-là).
2016 : Sortie de sa dernière cassette Omri wa Zekrayato
(ma vie, mes souvenirs).
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