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Nahed Al-Sébaï : Au-delà de l’héritage familial

Yasser Moheb, Lundi, 19 décembre 2016

La jeune comédienne, Nahed Al-Sébaï, a remporté le Prix d'in­terprétation féminine au dernier Festival du film du Caire pour sa performance dans Youm Lel Settat (jour­née de femmes), actuellement en salle. Zoom sur la carrière d’une actrice à la verve prometteuse.

Nahed Al-Sébaï

Elle est au septième ciel, puisqu’elle vient de recevoir le Prix de la meilleure interprétation féminine au Festival du Caire. Durant cette même année, elle a tourné trois films : Haram Al-Gassad (péché de la chair), Ali Meeza Wa Ibrahim (Ali chèvre et Ibrahim) et Youm Lel Settat (journée de femmes) de Kamla Abou-Zékri, projeté ces jours-ci dans les cinémas du Caire. « C’est le film de ma vie ! », lance la jeune comédienne, Nahed Al-Sébaï, ajoutant : « J’incarne le rôle de Azza, un garçon manqué, qui vit dans un quar­tier populaire ».

Mais la plus jeune lauréate du Festival du Caire ne cache pas qu’elle aurait pu rater son bonheur : « J’ai refusé le rôle au début, par peur de ne pas être à la hauteur. Cependant, Elham Chahine (productrice du film et l’une des principales interprètes) et la réalisatrice Kamla Abou-Zékri m’ont beaucoup aidée durant la préparation et le tournage. Grâce à leur soutien, j’ai pu jouer d’une façon cré­dible, loin du cliché. Je leur dois un grand merci ! »

Nahed Al-Sébaï ressemble à elle-même dans ses rôles : personnalité vivante, tantôt enfan­tine et spontanée, tantôt sereine, mais toujours confiante.

Fille de la productrice Nahed Farid Chawqi et du réalisateur-scénariste, Médhat Al-Sébaï, elle est aussi la petite fille des deux icônes du cinéma égyptien : Farid Chawqi et Hoda Sultan. En famille, on l’appelle plutôt Noudi, la petite Noudi qui a commencé sa carrière d’actrice lorsqu’elle avait à peine un an dans un film de son père.

Fille de …, petite fille de …, soeur de …, Nahed Al-Sébaï a longtemps zigzagué avant de trouver sa place. Ayant grandi dans un univers artistique, ce n’est pas par hasard qu’elle s’oriente vers l’art et le cinéma. Il y a vingt-cinq ans, elle était cette boule d’énergie, aux cheveux longs, qui traînait dans le bureau de ses parents, contemplant le monde des grands. « J’ai passé une enfance plutôt magnifique et infiniment riche », se souvient-elle. « La majo­rité des stars du cinéma venaient chez nous, soit pour des réunions ou des répétitions avec mon père et ma mère. Je me souviens très bien que j’ai appris la danse par amour de la célèbre danseuse, Soheir Zaki, qui avait l’ha­bitude de venir rendre visite à ma mère. C’était là le labo de toutes mes premières expé­riences ».

Tout l’attirait vers ce monde scintillant et la poussait à devenir célèbre. Alors, elle a suivi les conseils de sa mère qui lui disait : « Tu dois te faire remarquer pour ton travail et non grâce au nom de ta famille ». Et c’est ce qu’elle a essayé de faire depuis.

Encore adolescente, elle a eu le courage de faire un casting avec la réalisatrice Enaam Mohamad Ali, dans le but de participer au drame télévisé Nouna Al-Chaanouna (Nouna la lunatique), en 1994, avec Hanan Tork. « Tante Enaam a été surprise au début par ma demande, mais elle m’a affirmé : tu as réussi à capter mon attention, donc tu pourras t’impo­ser à l'écran, même à travers ce rôle de petite fille modeste. Et ce fut ainsi ».

Après quelques apparitions sporadiques, dans des films écrits ou réalisés par son père, elle a décidé de se lancer dans les études académiques, encouragée par sa mère. Elle est alors partie étudier le ciné­ma aux Etats-Unis, après avoir assisté et participé à plu­sieurs ateliers de formation réservées aux jeunes comé­diens, dont ceux animés par Mohamad Sobhi, Khaled Galal et d’autres. Ces ateliers ont constitué des arènes de compétition et d’apprentis­sage qui lui ont fourni tant d’expériences.

Ensuite, elle a fait une autre brève apparition dans le film Men Nazret Aïn (d’un seul regard), réalisé en 2003 par Ihab Lameï, avec Mona Zaki et Amr Waked. De quoi lui avoir donné plus l’habitude de fréquenter les studios en tant qu’actrice professionnelle.

Mais il a fallu attendre l’année 2009 pour qu’elle reçoive son premier rôle important, celui de Hanaa, une des trois soeurs d’une famille modeste dans le film Ehki Ya Schéhérazade (raconte Schéhérazade), écrit par Wahid Hamed et réalisé par Yousri Nasrallah.

« C’était l’une des plus belles surprises de ma vie. Lorsque le réalisateur Yousri Nasrallah m’a contactée pour participer au film après un casting, j’ai senti que tout l’effort que j’ai déployé auparavant avait une valeur et a porté ses fruits. Nasrallah m’a dit qu’il m’a remar­quée dans les quelques petits rôles secondaires que j’ai joués, et qu’il est sûr que je pourrai jouer ce nouveau rôle de manière crédible. Un hom­mage pour moi ».

Le personnage de Hanaa l’a conduite à d’autres rôles plus profonds. Cela étant, l’année 2010 était une année faste pour la comédienne : elle a participé au téléfeuilleton Al-Hara (la ruelle) tout en étant à l’affiche de Basra d’Ahmad Rachwan, avant de rencon­trer un énorme succès dans le film 678 tourné par Mohamad Diab sur le harcèlement sexuel en Egypte.

« J’ai eu la chance de jouer dans ce film devant Nelly Karim, Bouchra, Magued Al-Kedwani et Bassem Samra. C’est ce genre de films abordant des sujets importants ou alarmants qui m’attire le plus ».

Face à une carrière en rebondissements, elle se déplace d’une constellation à l’autre, sans grande sophistication ni flemme. Celle qui aurait pu n’être qu’une héritière peu cultivée ou trop cajolée, bâillonnée par ses parents et leurs pairs, déve­loppe un goût pour l’inconstance. Elle se lance encore plus dans les études aca­démiques dans le domaine de l’art, aux côtés de ses études en communi­cation. Et pendant ce temps, elle se tenait à l’écart de la scène médiatique. Mais ses contributions éclectiques la ramenaient au coeur de l’arène.

Elle fait un nouveau « hat-trick » en 2011, en partageant l’affiche de trois nouvelles oeuvres, dont le feuilleton Al-Gamaa (l’univer­sité) de Hani Khalifa, mais surtout le film X-Large de Chérif Arafa, avec Ahmad Helmi. « Le rôle de Nani, cette drôle fille psycho­pathe, qui cherche absolument à se marier et qui en parle assez ouvertement, m’a fait gagner la sympathie des critiques. Grâce à une seule scène ou presque, j’ai réussi à atti­rer l’attention, par le dialogue et la prestation comiques », souligne timidement la comé­dienne.

Si Nahed Al-Sébaï reste attachée au registre de la comédie, elle campe l’année suivante deux rôles assez dramatiques dans le film Saa Wa Noss (une heure et demie) réalisé par Sameh Abdel-Aziz et dans le feuilleton Vertigo avec Hend Sabri.

Ensuite, il y avait sa première fois au Festival de Cannes en 2011. Le film collectif auquel elle a participé, 18 jours, était projeté dans le cadre de l’hommage que la Croisette a attribué à la révolution égyptienne du 25 jan­vier 2011. Mais sa grande participation can­noise date de 2012, étant à l’affiche du film Baad Al-Mawqéaa (après la bataille) de Yousri Nasrallah, représentant l’Egypte en compéti­tion officielle.

« C’était un rêve, de monter les marches cannoises avec un film en compétition », relate Nahed Al-Sébaï. Et de poursuivre : « J’ai tou­jours dit à mes parents que j’avais l’espoir de rivaliser avec les grandes stars mondiales à Cannes ou aux Oscars. Car je pense que les artistes égyptiens ont tout le talent qu’il faut pour entrer en compétition à l’échelle interna­tionale. Le rêve de Cannes a été réalisé, atten­dons donc celui de l’Oscar ! ».

L’apparition de la jeune comédienne sur le tapis rouge cannois n’a pas manqué de soule­ver un tollé, à cause de son look et son attitude visant à capter l’attention des photographes. Ces controverses lui sont devenues habi­tuelles, surtout avec ses robes dénudées qui lui attirent parfois les foudres des internautes.

« J’aime la mode et les accessoires. Je crois que c’est important pour un artiste d’être élé­gant et différent, mais cela ne signifie pas qu’il faut le résumer en une simple allure et c’est dont j’ai souffert récemment. Mais ceci ne me gêne pas du tout. Car c’est un signe que le public suit la comédienne et veut qu’elle soit toujours dans le cadre de la belle image qu’il lui a créée ».

Médecin dans le feuilleton Nazariyet Fawziya (théorie de Fawziya), femme clas­sique dans Mossalsaliko, ses rôles se multi­plient, mais aucun ne sort réellement son épingle du jeu, jusqu’à sa participation au dernier film de Mohamad Khan Har Gaf Sayfan (chaud sec en été) et Sokkar Morr (sucre amer) de Hani Khalifa en 2015. « Je vis la période la plus active et la plus riche de ma carrière », avoue la jeune actrice. Et d’ajou­ter : « Après une première fois en tête d’affiche à travers le film controversé Haram Al-Gassad (péché de la chair), j’ai pu changer de peau en jouant dans le feuilleton comique Heba Regl Al-Ghorab. Ce fut pour moi le comble de la joie, car j’ai réussi à changer de casquette, au lieu de rester tout le temps enfermée dans un même style. L’artiste doit rester libre, tout en progressant ».

De nouveaux projets à préparer ? Certes. « Je me prépare à un film international dont je garde les détails en secret. L’équipe de travail m’a connue à travers mes oeuvres présentées en Egypte. Je suis heureuse de pouvoir un jour parvenir à la scène mondiale, grâce à des oeuvres que j’ai présentées sur le plan local. Espérons que je serai à la hauteur d’une telle expérience ». Le cinéma n’en a pas encore fini donc avec elleز

Jalons

25 mai 1987 : Naissance au Caire.
1994 : Première apparition à travers le drame télévisé Nouna Al-Chaanouna.

2009 : Premier grand rôle à travers le film Ehki Ya Schéhérazade (raconte Schéhérazade).
2012 : Participation à la compétition du Festival de Cannes avec le film Après la bataille.
2016 : Prix d’interprétation féminine au Festival du Caire pour sa performance dans le film Youm Lel Settat (journée de femmes).

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