Pétillante de vie, Lana Mushtak respire le plaisir de vivre avec les autres et l’amour de l’art qui la remplit. Dans son appartement qu’elle aime spécialement, elle passe beaucoup de temps en compagnie de sa musique, de son chien et de cette vie intérieure qui guide sa vie. Parfois dans la solitude, elle passe de longs jours au bord de la mer.
Iraqienne de naissance, elle est venue avec sa famille s’installer en Egypte à l’âge de 8 ans. Depuis, elle n’a pas quitté son pays d’adoption sauf pour de courts séjours, où elle se sent comme un poisson dans l’eau. Elle agit et se comporte comme une vraie Egyptienne et il est difficile de penser qu’elle pourrait être différente. Dans sa manière de parler, sa manière de rire et de choisir ses expressions, elle est profondément du terroir. D’ailleurs, elle se souvient en souriant : « Mon père était un membre du parti communiste iraqien, et avec l’arrivée de Saddam Hussein au pouvoir, il a décidé de quitter le pays. Il avait deux choix : la France ou l’Egypte. Ma mère a choisi l’Egypte parce qu’elle voulait que ses deux filles parlent arabe et suivent des leçons de religion ». Sa mère a fait en sorte que ses deux filles soient profondément intégrées en Egypte et qu’il n’y ait pas de différence avec leurs congénères égyptiens.
Toutefois, les deux parents qui sont très liés à leurs enfants ne se sont jamais séparés de leur appartenance à l’Iraq. « Ils n’ont jamais cessé de nous parler iraqien et de nous raconter les souvenirs de leur patrimoine natal. Chansons, histoires et contes d’Iraq n’ont jamais cessé de guider notre vie », raconte Lana, qui a su associer ses deux identités pour en faire une richesse. Elle garde un souvenir fort et prenant de ses premières années passées à Bagdad. L’école, les maisons alignées les unes à côté des autres, les jeux avec les autres enfants et surtout les contes de sa grand-mère et de son grand-père qui était ambassadeur d’Iraq en Turquie et qui a créé la Banque Arabe. Il a également écrit une biographie célèbre Les Feuilles de ma vie. Lana Mushtak se lève, avec fierté, retire le livre de sa bibliothèque pour nous le montrer. Riche de ses cultures juxtaposées, elle ne détient ni la nationalité iraqienne, ni la nationalité égyptienne, mais la nationalité française qu’elle respecte profondément. Elle se meut naturellement dans un environnement qui lui plaît. Pourtant, elle vit dans l’inquiétude de devoir un jour quitter l’Egypte pour des raisons dont elle n’a que faire. Elle fait fi de ses inquiétudes pour repenser à ses projets de vie, et surtout à son quotidien qu’elle aime. Elle suit de près la vie politique de son pays où elle a vécu, avec bonheur, la révolution du 25 janvier à Tahrir.
Entourée de ses amies de classe au pensionnat de la Mère de Dieu qui l’ont accompagnée durant toutes ses années et qui ont le même âge qu’elle, 45 ans, elle forme avec elles une bande soudée qui continue à s’aimer et à se voir au quotidien contre vents et marées. Elle affirme avec force : « Nous avons changé et avons fait des choix différents, mais l’amour entre nous reste le même ». Elles se soutiennent les unes les autres comme les membres d’une seule famille et gardent leurs rendez-vous réguliers. Chez ces amies, elle se réfugie en temps de crise et elle s’implique également beaucoup pour elles. Son amie Maha a fait un infarctus, Lana l’a accompagnée dans ses périples pour les soins en Egypte ou à l’étranger. C’est réciproque et toutes agissent de la sorte.
En effet, l’amitié est très présente dans sa vie, et nombreux sont ses amies de classe ainsi que beaucoup d’autres, à l’extérieur de cette petite bande, qui lui permettent de garder son équilibre. C’est par eux et à travers eux qu’elle a accédé à ses différentes performances artistiques. « Tout dans ma vie est une question de hasard », souligne-t-elle, pour raconter ses réussites artistiques en art. Car Lana Mushtak n’aime pas se prendre au sérieux. Avec simplicité, elle accède à des étapes différentes dans l’art, sans trop clamer ses succès.
Pourtant, ses dernières années, et surtout en 2015, Lana a accompli de grandes performances dans son travail artistique. Car elle a deux violons d’Ingres, la musique et le métier d’acteur. « Depuis l’âge de deux ans, comme me raconte ma mère, on ne pouvait me calmer qu’en me faisant écouter de la musique. Ma mère m’installait à la cuisine avec quelques marmites et des cuillères et me laissait composer mes pièces d’art. Elle avait ainsi la paix pour un moment ». Cette fille,w douée qui pouvait jouer de n’importe quel instrument de manière spontanée et qui savait imiter profs de classe et amis, avait le goût de la comédie depuis très tôt. « Ma mère me grondait lorsque je donnais des prétextes pour ne pas aller à l’école en me disant : Cesse de me prendre pour ton public ».
Toutefois, Lana n’a pas fait d’études artistiques. Son père voulait qu’elle soit dotée de diplômes sérieux, car il ne savait pas combien de temps il resterait en Egypte. Et pourtant, depuis 1979, alors que la famille ne pensait rester au Caire qu’une année ou deux, ils y sont encore et pour longtemps sans doute. Toutefois, malgré des études d’informatique à l’Université américaine du Caire, ses parents, dotés d’une grande culture, l’ont formée à l’art et l’ont aidée à affiner ses facultés artistiques. Elle joue quatre instruments : le piano, la guitare, l'oud et le tabla.
Pendant presque 20 ans, elle a fait de nombreux emplois « où je n’étais pas moi-même et où j’étais très malheureuse. Malgré le fait que je gagnais beaucoup d’argent, j’ai tout quitté pour me consacrer à l’art », affirme-t-elle avec cette passion qui la guide. Son passage à l’atelier de Hassan Al-Gueritly qui forme les personnes à la chanson et à la comédie est un moment privilégié de sa vie. « L’Atelier de Hassan Al-Gueritly est une formation complète pour le comédien qui joue de tous les arts. Beaucoup de comédiens sont passés par lui avant de devenir célèbre ». Et elle ajoute : « Al-Gueritly me fait office de colonne vertébrale, il me renforce dans tout ». Avec sa belle voix et son patrimoine de chansons iraqiennes, elle chante avec les membres de la troupe Al-Warcha (littéralement l’atelier) et voyage à travers le monde. Dotée de sa guitare, elle chante tout le temps et partout. D’ailleurs, elle est actuellement en répétitions, pour partir avec la troupe le 31 mai à Marseille.
Mais cela ne l’empêche pas de développer son autre passion, celle de comédienne professionnelle. Ayant fait une multitude de rôles variés et différents les uns des autres à la télévision comme au cinéma, elle tient dans Imbratouriyat Mim (l’empire de mim), un feuilleton de Mariam Abou-Auf, le rôle d’une femme copte. Sans oublier ses participations à des films des réalisateurs Khaled Al-Hagar ou Mohamad Khan, et dans d’autres oeuvres du cinéma indépendant. Lana Mushtak a eu également l’occasion de se produire, de jouer et de chanter dans la pièce Le Petit Prince, une adaptation du poète Fouad Haddad, laquelle a été donnée récemment avec succès sur les planches du majestueux Théâtre national. Un rêve pour tout comédien ambitieux. Sa performance fut d’ailleurs un succès qui confirme son talent de comédienne.
C’est avec le grand réalisateur Mohamad Khan qu’elle va avoir l’occasion de faire connaître son talent de comédienne au grand public. Elle joue avec lui un premier rôle dans Fatat Al-Masnaa (la fille de l’usine), puis Khan lui propose un autre rôle plus important dans son dernier film Qabl Zahmet Al-Seif (avant la foule de l’été). Il avait toutefois une condition, celle de perdre 10 kilos de son poids. Lana a donc suivi un régime alimentaire draconien et a réussi à jouer le rôle d’une femme mal dans sa peau qui furète derrière son mari et essaye de se protéger par des techniques de méditation. Le film est un succès.
Cependant, Lana Mushtak reprend ses kilos perdus en plus d’un bonus de dix autres. Dans sa volonté de vivre avec joie, elle décide de faire une intervention chirurgicale et de perdre 30 kilos. Dans son nouveau profil, Lana a le sentiment de s’ouvrir encore plus à la vie et aux nouvelles performances qui l’attendent et qui ne vont plus la confiner dans certains rôles. Elle pourra ainsi s’investir pleinement dans l’art pour lequel elle sacrifie vie affective et confort matériel. En faisant le bilan de cette année, elle s’écrie joyeuse : « Cette année, quatre grandes choses se sont réalisées pour moi : Mon amie Maha est en train de guérir de son infarctus, j’ai joué sur les planches du Théâtre national et dans le film de Mohamad Khan, et surtout j’ai accompli une grande prouesse sur moi-même en maigrissant de 30 kilos ».
Des prouesses que nous souhaitons plus nombreuses encore dans les années à venir.
Jalons :
1979 : Arrivée en Egypte
1982 : Obtention de la nationalité française.
1995 : Diplôme en informatique électronique de l'Université américaine du Caire.
2015 : Un rôle important dans Qabl Zahmet Al-Seif.
2016 : Le roi dans Le Petit Prince du Fouad Haddad sur les planches du Théâtre national.
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