Al-Ahram Hebdo : Quelle est la position libyenne envers le projet égyptien concernant la Libye ?
Ezz-Eddine Koyareb : Le Parlement libyen accueille favorablement cette démarche prise par l’Egypte, en ce qui concerne la crise en Libye. Il remercie ses efforts, au niveau international, visant à faire parvenir la voix d’un pays épuisé par les guerres avec les groupes islamistes et leurs milices. C’est aussi un message, adressé par les institutions légitimes libyennes au monde entier et à la communauté internationale, qui ont oublié la Libye, la laissant seule affronter le terrorisme transfrontalier.
Donc, le projet proposé par l’Egypte complète les efforts précédents qui vont de pair avec ceux du Parlement libyen, réclamant que la Ligue arabe et l’Onu interviennent pour protéger les civils contre l’expansion des groupes extrémistes et pour aider l’Etat libyen à imposer son autorité sur ses frontières et ses institutions. Nous accueillons, donc, favorablement cette position de solidarité et de soutien de la part du Caire.
— Qu’est-ce qui a changé sur le terrain et au niveau politique après les frappes aériennes égyptiennes contre les bases de Daech en Libye ?
— Le groupe terroriste a accentué ses menaces et ses manoeuvres pour répondre aux frappes, à travers des opérations suicides dans la ville de Tobrouk. Daech exploite les photos d’innocents qui ont été tués dans le bombardement. Mais ils étaient employés comme boucliers humains. La vérité est qu’ils ont réussi à influencer une partie de l’opinion publique grâce au soutien médiatique du pseudo-gouvernement de Hassi. Nous avons demandé à l’Egypte d’intervenir auprès de la direction du Nilesat pour fermer ces chaînes, mais en vain. Sur le plan politique, le gouvernement et le commandement de l’état-major libyen ont diffusé des communiqués pour confirmer que le raid avait eu lieu avec leur coordination pour éviter toute allégation de violation de la souveraineté des territoires libyens.
— Y a-t-il vraiment une possibilité de former une coalition arabe pour lancer des opérations militaires contre Daech en Libye ?
— Nous aspirons à la formation d’une telle coalition entre les pays arabes. La communauté internationale et le Conseil de sécurité ont renoncé à soutenir la Libye et son armée. Il est indispensable d’activer la convention de défense arabe conjointe, ainsi que la convention arabe de lutte contre le terrorisme, signée dans le cadre de la Ligue arabe. Nous aspirons que l’Egypte oeuvre rapidement à cette fin car le danger est imminent. La lenteur va dans l’intérêt de ce groupe terroriste, qui exploite au mieux le temps pour s’étendre, visant à affaiblir les institutions libyennes et épuiser l’armée souffrant déjà de la destruction engendrée par l’intervention internationale précédente.
— Comment est-elle interprétée la position occidentale qui invite à une solution politique ?
— L’insistance occidentale d’engager un dialogue, sans soutenir l’armée libyenne émane du fait que certains pays soutiennent des partis précis en Libye, au détriment des autres. Ils veulent nous imposer, à travers ce dialogue, un partage du pouvoir avec des criminels et des groupuscules islamiques qui sont entièrement responsables de l’expansion du terrorisme. Le peuple libyen a compris cette réalité et ne leur a pas donné sa voix aux élections. L’Occident veut que ces groupes reviennent au pouvoir par l’intermédiaire du dialogue.
— Quels sont les scénarios possibles face à Daech ?
— Le gouvernement légitime Libyen souhaite une intervention militaire extérieure pour contrer le terrorisme et demande des armes, ce qui est une demande tout à fait raisonnable vu que les milices de Fagr Libya insistent sur l’idée d’un règlement militaire. Dans ce contexte, le discours national ne semble, nullement, constituer une issue à la crise. Le dialogue affronte de grands obstacles malgré les progrès formels réalisés après le lancement des pourparlers entre le gouvernement reconnu par la communauté internationale et le Congrès national, dirigé par les milices de Fagr Libya.
A mon avis, ce dialogue ne réussira pas, à cause de la lenteur évidente de la position des représentants du Congrès de Tripoli qui aspirent à trancher la situation par les armes. La structure politique actuelle comprend quatre acteurs principaux, dont deux seulement participent au dialogue parrainé par l’Onu. Le premier acteur est affilié au Congrès national public de Tripoli, mais aussi aux Frères musulmans. Le second reste le Parlement légitime de Tobrouk qui jouit de la légitimité internationale.
Le problème réside dans les milices soutenues par l’étranger, affiliées au courant de l’islam politique et qui ne veulent pas de solutions politiques mais cherchent à s’imposer par les armes. Nous réclamons de la communauté internationale et du Conseil de sécurité de lever l’embargo sur les armes afin que l’armée libyenne soit capable de défendre la légitimité du Parlement élu de Tobrouk.
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