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Nader Noureddine : Il faut cesser de croire que le barrage ne portera pas atteinte à l’Egypte.

Osmane Fekri, Mardi, 23 décembre 2014

Nader Noureddine, professeur de ressources hydrauliques à l’Université du Caire et expert des pays du bassin du Nil, fustige le discours « rassurant » de l’Ethiopie, relatif au barrage de la Renaissance.

Nader Noureddine

Al-Ahram Hebdo : Où en sont les négociations avec l’Ethiopie à propos du barrage de la Renaissance ?

Nader Noureddine: La stratégie éthiopienne vis-à-vis de l’Egypte consiste à tergiverser en vue de gagner du temps. Plus encore, l’Egypte fait l’objet d’attaques continues de la part des négociateurs éthiopiens qui veulent mettre leurs homologues égyptiens sur la défensive. L’objectif était d’intensifier le travail sur le site, en vue d’achever le projet d’ici à 2017, soit avant la fin des négociations. De même, l’Ethiopie cherche à rallier le Soudan en lui promettant des avantages. L’Ethiopie s’est engagée à l’approvisionner en électricité à moitié prix. Elle a aussi promis d’assumer les frais de percement d’un canal reliant le barrage à la région du Nil bleu au Soudan. Celui-ci est destiné à assurer l’irrigation des terrains soudanais après l’arrêt de la crue du Nil suite à la construction du nouveau barrage.

— Le ministre de l’Irrigation égyptien estime que la situation des négociateurs égyptiens est difficile. Pourquoi selon vous ?

— Le choix du ministre de l’Irrigation pour mener les négociations avec l’Ethiopie n’était pas le meilleur à mon avis. C’est un technocrate qui n’a jamais pris part aux forums que nous organisons depuis quatre ans autour du barrage éthiopien. Et il va sans dire que son parcours professionnel ne lui a pas permis l’acquisition des compétences nécessaires en matière de négociations.

— La crise se limite-t-elle à la divergence autour du délai du rapport technique ou bien va-t-elle au-delà ?

— Il s’agit d’anciennes histoires qui ne cessent d’émerger dans les négociations qui se déroulent depuis trois ans. Le problème est que l’Ethiopie a lié le développement à la question de l’eau et se résume aux questions lancées aux Egyptiens: pourquoi avez-vous avancé? Pourquoi avez-vous réalisé un développement alors que nous sommes toujours à la traîne bien que ce soit nous qui vous donnons cette eau ?

— Pourquoi la réunion conjointe qui était prévue pour le 4 décembre n’a-t-elle pas eu lieu ?

— J’avais prévu cela. Comme je vous l’ai dit, l’Ethiopie tergiverse et ajourne les rencontres pour faire traîner les négociations le plus longtemps possible. Dans l’une de ses déclarations, le conseiller du premier ministre éthiopien a dit que le peuple égyptien n’imaginait pas que le barrage de la Renaissance verrait le jour, « mais nous lui promettons qu’il sera une réalité sur le terrain dans le futur proche ». Gagner du temps est une stratégie éthiopienne pour faire croire au monde entier que nous sommes dans un processus de négociations.

— Est-ce que pour leur part les Egyptiens sont prêts à reconsidérer leur propre stratégie ?

— Le plus important est de cesser de croire que les 4 barrages potentiels qui seront construits sur le Nil bleu ne porteront pas atteinte à l’Egypte. En fait, je ne comprends pas ce calme égyptien devant l’escalade éthiopienne. Les Soudanais seraient tout aussi naïfs de penser que l’Ethiopie pourrait mettre ce barrage au service des intérêts de Khartoum. En réalité, l’Ethiopie ne cherche que ses propres intérêts.

— Quelles sont les alternatives pour l’Egypte ?

— J’estime que l’Egypte doit rejeter la proposition du bureau de consultation qui doit réexaminer les études faites par l’Ethiopie sur l’impact écologique, hydraulique et social du barrage sur les pays du bassin du Nil. C’est une perte de temps et d’argent, puisque les décisions de ce bureau ne sont pas contraignantes pour l’Ethipoie, et peuvent être facilement contestées. Ce fut d’ailleurs le cas avec le comité international formé en avril 2011, appelé comité des 10, et qui regroupait des experts français, allemands, soudanais et éthiopiens. Après un an et demi de travail, ce comité a remis son rapport le 31 mai 2013 où il démontrait les risques potentiels du barrage sur les pays situés en amont du Nil. L’Egypte doit donner une dimension internationale à cette affaire en cause et impliquer le Conseil de sécurité de l’Onu en tant qu’arbitre, tout en démontrant que le barrage éthiopien menace la sécurité régionale et risque de créer des conflits à l’est du continent africain. L’Egypte a le droit de défendre sa sécurité nationale et de protéger le droit de son peuple.

— Quelle est l’importance de la visite en Egypte de la délégation éthiopienne dite de « diplomatie populaire » ?

— Pas plus que l’importance des délégations égyptiennes de diplomatie populaire qui ont visité l’Ethiopie à deux reprises. Ces visites n’ont entraîné aucun changement dans la position éthiopienne. Les choses ne risquent pas de changer à travers la diplomatie populaire mais par les voies officielles.

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