Al-Ahram Hebdo : Le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi, avant d’être récemment élu, a lancé, lors d’une rencontre avec des hommes d’affaires, l’idée de créer un fonds financé par ces derniers, d’un capital de 100 milliards de L.E. (143 millions de dollars) pour le développement économique. Que pensez-vous de cette idée ?
Hassan Rateb: Cette idée a du mérite, mais son succès nécessite l’annonce de mécanismes indispensables à son application. Il s’agirait en fait d’une liste précisant les projets à lancer, les différents domaines, les coûts de financement, le calendrier de mise en oeuvre de chaque projet, etc. Le gouvernement doit mobiliser les investisseurs pour contribuer au financement des projets avec un agenda clair. Or, à ce jour, rien n’a été annoncé. Le gouvernement et la présidence devraient faire connaître cet agenda le plus vite possible, pour que chaque homme d’affaires choisisse les projets qui l’intéressent, et en rapport avec son activité.
— Et quels sont les projets qui vous intéressent personnellement ?
— Le développement du Sinaï. Celui-ci constitue un nouveau départ pour l’économie égyptienne. La Haute-Egypte aussi est une autre région où l’investissement pourrait être fructueux. Je travaille actuellement sur la création de 3 nouveaux hôtels à Louqsor, pour un coût d’investissement de 400 millions de L.E. (57 millions de dollars) au cours des 3 prochaines années.
— Quels sont les obstacles qui empêchent actuellement les investissements en Egypte ?
— L’instabilité. Et je ne parle pas ici seulement de l’instabilité sécuritaire, mais aussi de la stabilité sociale et législative. L’Egypte a connu au cours des 3 dernières années des troubles à tous les niveaux, et le volume des investissements étrangers directs et locaux a baissé de manière significative. La période à venir nécessite donc le rétablissement de la stabilité. Il ne faut exclure aucun segment de la société. « Feloul » (anciens du régime de Moubarak), hommes d’affaires de Moubarak ou corrompus, ce sont des qualifications inventées par la société et elles ne sont pas exactes.
— Quid des Frères musulmans ?
— Le cas des Frères musulmans est différent. Ils ont été criminalisés par la loi.
— Le gouvernement a récemment introduit de nouveaux impôts qui vous affecteront personnellement: l’impôt temporaire de 5% sur les revenus dépassant un million de L.E. par an. Il y a aussi des projets d’impôts sur les profits boursiers et l’impôt foncier. Qu’en dites-vous ?
— Le concept de justice sociale est mal interprété par la société, et c’est ce qui suscite la rage des hommes d’affaires. La justice sociale ne signifie pas que les riches s’appauvrissent pour les pauvres, ou que les profits sont criminalisés. La justice sociale signifie plutôt une répartition juste des richesses. Dans ce contexte, les nouvelles taxes, qui représentent un besoin urgent à l’heure actuelle, doivent être assumées par les hommes d’affaires. Mais ces taxes doivent être appliquées pendant une période transitoire, car si l’Etat exagère dans l'imposition de ces taxes aux hommes d’affaires, cela portera atteinte à l’investissement.
— Il y a 3 ans vous avez présenté au gouvernement un projet pour la création d’une centrale électrique éolienne au sud d’Assouan. Comment le projet avance-t-il ?
— La réaction des différents gouvernements vis-à-vis de ce projet incarne les difficultés qu’affrontent les investisseurs en Egypte. J’avais décidé il y a environ 3 ans d’investir dans le domaine de l’énergie éolienne, afin d’aider le gouvernement à faire face à la crise énergétique. Un projet de cette taille devrait constituer une priorité au gouvernement. Nous parlons d’un investissement d’environ 7 milliards de dollars en première phase. En plus, ce projet doit générer 5 gigawatts, soit 20% de la production de l’Egypte. 26 sociétés américaines internationales ont étudié le projet. J’ai honte de le mentionner. Ce projet a été fortement soutenu sur le niveau international. J’ai réussi à obtenir l’approbation pour un prêt de 15 milliards de dollars de l’institution financière internationale Westly House Partners, dont dépendent un certain nombre d’institutions financières de 31 pays. Mais l’Etat égyptien n’a pas encore pris de décision sur le projet.
— Vous possédez la chaîne satellite Al-Mehwar qui rencontre des difficultés. Quelle est l’ampleur de ses pertes à cause du ralentissement économique ?
— Nous avons enduré des pertes de plus de 250 millions de L.E. au cours des 3 dernières années.
— Les chaînes satellites privées, dont Al-Mehwar, ont été très critiquées pour avoir contribué ces dernières années à l’agitation et aux troubles politiques. Est-ce votre avis ?
— La plupart des médias ont décidé, au cours de la période récente, d’agir comme juge et d’émettre des jugements sur les personnes. Et cela n’est pas le rôle des médias. La profession exige une neutralité et la présentation d’opinions diverses. De manière générale, j’estime que lors de la période à venir, il faudra réduire le contenu politique des programmes. L’approche du mois du Ramadan nous donne la chance de le faire.
Lien court: