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Mourad Mouafi : La révolution du 30 juin a redonné à l’Egypte une place qu’elle avait perdue 

Magda Barsoum, Lundi, 19 mai 2014

Ancien chef des services de renseignements, Mourad Mouafi commente la situation politique actuelle en Egypte. Il revient sur la révolution du 30 juin 2013 et la période qu'il a passée aux renseignements.

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Mourad Mouafi, Ancien chef des services de renseignements.

Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous la situation actuelle en Egypte ?

Mourad Mouafi: La situation actuelle est claire pour tout le monde, malgré les obstacles que l’Egypte a connus, la feuille de route est en passe d’être appliquée. La Constitution a été approuvée et il y aura prochainement un président élu à la tête de l’Etat. L’étape suivante sera les élections parlementaires.

— Comment voyez-vous les chances de réussite du maréchal Sissi à la prochaine présidentielle ?

— Le maréchal Sissi jouit d’une grande popularité. Il a effectivement une large assise populaire qui lui permettra de gagner l’élection présidentielle avec une marge confortable. L’Egypte a besoin d’un homme d’Etat au sens propre du terme, un homme qui possède le sens de la gestion, l’expérience, l’intelligence et la capacité de prendre les décisions justes.

— Certains affirment qu’il y a eu une lutte acharnée entre les généraux pour accéder à la présidence...

— Ce n’est pas vrai. Il s’agit de pures illusions. Aucun militaire ne s’est comporté de la sorte. L’institution militaire à laquelle nous appartenons nous a inculqué des principes comme le travail d’équipe. Nous sommes tous des soldats au service de ce pays, quelle que soit notre position et nous savons que l’intérêt de l’Egypte l’emporte sur toute autre considération.

— Mais pourquoi êtes-vous revenu sur votrecandidature à la présidentielle ?

— Ma déclaration à ce propos était suffisamment claire et ne prêtait à aucune confusion. J’ai dit que si le maréchal Sissi ne se présente pas aux élections, je me présenterai. J’ai donc tenu ma parole. Je soutiens le maréchal de tout mon poids.

— Vous avez pourtant obtenu 16000 signatures en guise de soutien à votre candidature...

Peu importe les chiffres. Je suis un homme qui respecte sa parole. J’ai dit que je ne me présenterai pas si le maréchal Sissi se porte candidat à l’élection présidentielle. C’est exactement ce que j’ai fait.

— Il n’y a pas eu de pressions sur vous ? On dit que le grand journaliste Mohamad Hassanein Heikal vous a demandé de retirer votre candidature...

— Heikal est un grand écrivain. Je l’ai rencontré maintes fois. Mais nous n’avons jamais évoqué ma candidature à l’élection présidentielle.

— N’envisagez-vous pas de créer un parti politique ?

Non. J’ai cependant reçu des propositions pour diriger certains partis. Il y a en Egypte 90 partis politiques. Ce qui m’intéresse en réalité c’est de créer une plate-forme capable de mettre en place une vision pour aider le prochain président de la République à régler les problèmes dont souffre l’Egypte.

— Comment percevez-vous le maréchal Sissi? Vous avez travaillé avec lui aux renseignements militaires...

— Ma relation avec Sissi va au-delà de notre travail aux renseignements militaires. Nous avons servi ensemble dans les forces armées. J’étais commandant de la deuxième armée et lui, il commandait une division d’infanterie. Il était l’exemple de l’officier loyal et religieux. Vu son passé et son expérience, il était tout à fait normal que le maréchal Sissi accède au poste de vice-président des renseignements militaires.

— Saviez-vous qu’il serait nommé chef des renseignements militaires après vous ?

— Bien sûr. Au sein de l’institution militaire, les décisions sont prises après une longue étude. Celui qui accède au commandement possède la vision et les qualités nécessaires pour commander. Lorsque je l’ai choisi comme adjoint, ce n’était pas fortuit. Nous faisons toujours en sorte que les personnes qui accèdent au commandement aient l’esprit de l’institution militaire selon lequel la protection de l’Egypte et sa sécurité sont l’objectif numéro un.

— Vous avez pris la tête des services de renseignements après avoir occupé le poste de gouverneur du Nord-Sinaï. Pourquoi le choix s’est-il porté sur vous ?

— Peu m’importe les postes. Ce qui compte le plus pour moi c’est servir mon pays avec sincérité. Pendant que j’étais gouverneur du Nord-Sinaï, c’est-à-dire entre le 3 janvier 2010 et le 31 janvier 2011, j’ai fait beaucoup de choses qui n’étaient pas faciles à atteindre. Je dois dire que cela a été possible grâce au patriotisme des Sinawis.

— Etes-vous d’accord avec l’ancien chef des services de renseignements, feu Omar Soliman, qui disait que des « éléments clandestins » étaient derrière la révolution de janvier 2011 ?

— Tout d’abord, je voudrais mettre l’accent sur une chose très importante. La révolution a été déclenchée par des jeunes qui recherchaient l’intérêt de leur pays. Des jeunes qui n’ont pas été pollués par des agendas étrangers ou autres. Mais des mains étrangères et intérieures aussi se sont infiltrées petit à petit dans les rangs des révolutionnaires et ont eu la main haute sur les événements à certains moments décisifs. C’est alors que nous avons vu l’émergence de forces qui ne voulaient pas le bien du pays. Je suis tout à fait d’accord avec ce que disait Omar Soliman.

— Pendant la révolution, vous aviez des informations sur l’évasion de Morsi de sa prison. Pourquoi n’a-t-il pas été arrêté ?

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— Nous sommes un appareil de renseignement et non un organe exécutif. Nous soumettons nos informations aux décideurs, et c’est à eux de prendre les décisions. Notre rôle s’arrête là: transmettre l’information.

— Que pensez-vous de l’attaque de Rafah qui a provoqué la mort de 17 militaires égyptiens ?

— Mon rôle à l’époque se limitait à informer le président de la République, Mohamad Morsi, et cela s’arrêtait là. Nous n’avons pas, juridiquement parlant, la possibilité d’aller au-delà de ce stade. Comme je l’ai dit : nous ne sommes pas un organe exécutif.

— Etes-vous satisfait de votre performance à la tête des services de renseignements ?

— Oui, Dieu merci. Lorsque j’étais à la tête de cet appareil, nous avons obligé Israël à présenter des excuses pour la mort de 6 soldats qui accomplissaient leur mission. Les forces israéliennes pourchassaient certains terroristes aux frontières égypto-israéliennes. Nous avons arrêté l’espion israélien Ilan Grabel. Nous avons rapproché les points de vue entre le Fatah et le Hamas et mis fin à la division entre eux, en signant un accord de réconciliation 80 jours après la révolution. Enfin, nous avons pu conclure un accord d’échange de prisonniers entre Palestiniens et Israéliens, connu sous le nom d’« accord de Shalit » qui prévoyait notamment la libération de 1027 prisonniers palestiniens.

— Comment évaluez-vous la période durant laquelle le maréchal Tantawi se trouvait à la tête du pays ?

— Le maréchal Tantawi était l’exemple le plus parfait de nationalisme et de loyauté. Il avait compris l’ampleur des défis auxquels l’Egypte faisait face. Toutes ses décisions sans exception ont été prises avec cet esprit. L’Egypte était dans une situation très grave. Le maréchal Tantawi y a fait face avec beaucoup de patience et de persévérance.

— La révolution du 30 juin était-elle inéluctable selon vous ?

— L’Egypte est un grand pays. Il est plus grand que n’importe quelle faction ou quel courant politique. L’Egypte est un pays solide qui possède une grande civilisation et un poids sur la scène régionale et internationale. Lorsque les forces armées ont décidé de s’aligner à cette révolution pacifique, c’était pour ramener l’Egypte sur la bonne voie, car la situation était devenue incontrôlable. La révolution du 30 juin 2012 a redonné à l’Egypte la place et la notoriété qu’elle avait perdues. Quelles que soient les circonstances et les difficultés, l’Egypte restera grande. La révolution du 30 juin a empêché l’Egypte de glisser dans l’obscurité totale.

— Croyez-vous que le maréchal Sissi puisse rétablir la sécurité de l’Egypte s’il remporte l’élection présidentielle ?

— Il n’y a aucun doute à cela. Cet homme a fait preuve de patriotisme et a montré sa capacité à faire face aux difficultés. Mais plus important encore est sa capacité à prendre la décision convenable au moment convenable avec beaucoup de raisonnement. Et c’est précisément ce dont l’Egypte a besoin à l’heure actuelle.

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