Vendredi, 17 janvier 2025
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Mohamed Abdellatif : Le ministère s’est attaqué aux problèmes accumulés au fil des années

Névine Chéhata , Mercredi, 08 janvier 2025

Mohamed Abdellatif, ministre de l’Education, revient sur sa stratégie de réforme du système éducatif.

Mohamed Abdellatif,

 Al-Ahram Hebdo : Quelle est votre vision sur la réforme de l’enseignement ?

Mohamed Abdellatif : Notre objectif principal est d’investir dans l’avenir de l’Egypte en offrant une éducation de haute qualité dans les écoles, conformément aux directives du président Abdel Fattah Al-Sissi. Dans ce cadre, nous oeuvrons à réaliser une avancée sans précédent dans le domaine de l’éducation, en s’appuyant sur la solidarité et la coopération de toutes les institutions de l’Etat. Un grand nombre d’écoles ont été construites et équipées au cours des dix dernières années. Nous pouvons également observer le rôle du programme Vie décente dans la construction d’écoles dans des villages et des zones défavorisées. Par ailleurs, nous avons travaillé à améliorer l’efficacité des infrastructures existantes, à rénover des salles de classe et à construire de nouveaux établissements, qu’il s’agisse de nouvelles constructions, de remplacements partiels ou complets, ou encore d’augmentation de capacité.

— Quelle est votre stratégie pour la réforme du système éducatif ?

— Lorsque j’ai pris mes fonctions au ministère de l’Education, je me suis trouvé face à un statu quo qu’il fallait absolument traiter. Il aurait été simple de demander à l’Etat un budget pour construire 250 000 classes et titulariser 460 000 enseignants afin de combler le manque dans diverses spécialisations. Cependant, nous avons choisi de relever des défis plus complexes. Le ministère s’est attaqué aux problèmes accumulés au fil des années sans imposer de nouvelles charges financières à l’Etat. Nous avons commencé à résoudre les problèmes liés à la surcharge des classes, à recruter des enseignants en fonction des besoins et à augmenter le nombre d’heures des enseignants en activité moyennant une compensation financière. Nous avons également fait appel à des enseignants retraités et à des diplômés d’écoles supérieures pour effectuer leur service public.

— Avez-vous un plan pour réduire la surcharge des classes et la contrôler à l’avenir, notamment lors des transferts entre écoles ?

— Nous avons étudié la situation avec 300 directeurs d’administrations éducatives, car chaque région a ses spécificités. Nous avons élaboré un plan et défini des mécanismes sur lesquels les directeurs d’école peuvent s’appuyer. Les solutions sont venues des enseignants eux-mêmes, car nous avons écouté leurs opinions et leurs expériences. Actuellement, toutes les écoles respectent la densité prescrite, qui ne dépasse pas 50 élèves par classe, à l’exception de 22 écoles. Ces cas seront réglés avec l’appui de la Direction des bâtiments éducatifs. Pour les transferts, un système électronique a été mis en place pour gérer les demandes en fonction des places disponibles, et les parents peuvent exprimer plusieurs choix pour le transfert.

— Qu’en est-il du taux de fréquentation scolaire ?

— Les défis auxquels le système éducatif a été confronté ces dernières années, tels que la surcharge des classes et le manque d’enseignants, ont contribué à l’absentéisme scolaire. Cependant, nous avons mis en oeuvre des mécanismes pour contrôler la fréquentation, réduire la densité des classes et combler la pénurie d’enseignants. Nous avons également appliqué des règlements pour renforcer la discipline scolaire et motiver les élèves. Grâce à ces mesures, le taux de fréquentation dépasse désormais 85 % dans toutes les écoles du pays, un chiffre élevé selon les normes internationales. Cela reflète également une diminution de plus de 70 % du recours aux centres des cours particuliers.

— Le système de la Thanawiya Amma (baccalauréat) changera-t-il cette année ?

— Non, il n’y aura pas de changement. Les examens resteront les mêmes que les années précédentes en termes de forme, de nombre de questions et de diversité (questions ouvertes, objectifs, choix multiples), toutes basées sur le programme. Modifier le système en cours d’année pourrait perturber les étudiants. Si des changements sont envisagés, ils doivent être approuvés par la Chambre des représentants et s’appliquer uniquement aux nouveaux cycles.

— Y a-t-il une intention de réformer le système de la Thanawiya Amma dans les prochaines années ?

— Nous travaillons constamment à développer l’éducation pour répondre aux besoins du marché du travail et aux évolutions mondiales. Nous disposons d’un centre de recherche pédagogique où des experts analysent en continu les moyens d’améliorer le système éducatif. Il est essentiel d’adapter les résultats de l’éducation aux besoins d’un marché du travail en perpétuelle évolution.

— Est-ce que les enseignants pigistes sont payés régulièrement ?

— Il n’existe pas d’école en Egypte qui ne paie pas ses enseignants pigistes. Aucun enseignant n’a effectué son travail sans être rémunéré. De nombreuses personnes souhaitent enseigner selon ce mode, comme dans le gouvernorat de Minya où 34 000 enseignants ont postulé pour travailler en tant que pigistes, alors que nous n’avions besoin que de 3 000 enseignants. Par conséquent, aucun directeur d’école ne peut prétendre qu’il manque d’enseignants. Il est toutefois chargé de les bien sélectionner, de les évaluer et de prévoir des remplaçants en cas de besoin. C’est au directeur que revient la responsabilité, et il est directement redevable devant moi.

— Qu’en est-il du concours des 30 000 enseignants ?

— Une nouvelle phase du concours pour le recrutement de 30 000 enseignants sera annoncée en janvier 2025. Elle concernera les enseignants des classes de 4ᵉ et 5ᵉ années primaires. Un comité mixte, composé de membres du ministère et de l’Organisme central de l’organisation et de la gestion, se penchera sur les éventuels recours. Lors de la deuxième phase du concours, 15 000 enseignants ont été recrutés, dont 5 000 après examen de leurs recours.

— Quels sont les plans du ministère pour intégrer l’intelligence artificielle dans l’enseignement ?

— Dès l’année prochaine, la programmation sera enseignée aux élèves de première année de l’enseignement secondaire général afin que tout élève diplômé d’une école publique maîtrise les bases de la programmation et devienne un programmeur certifié. Une coordination avec l’UNESCO est en cours pour élaborer le programme d’enseignement. Parallèlement, des séminaires de formation des enseignants sont organisés. L’apprentissage numérique et l’intelligence artificielle jouent un rôle-clé dans l’amélioration des compétences des élèves. Le ministère développe des plateformes éducatives exploitant l’intelligence artificielle pour répondre aux besoins futurs des élèves dans les domaines de la programmation et de l’informatique.

— Après une interruption de trois ans des examens SAT en Egypte, pourquoi les réintroduire pour le diplôme américain ?

— Il était crucial de réorganiser les examens SAT pour les étudiants du diplôme américain en adoptant un format numérique international, garantissant ainsi l’équité entre les élèves. J’ai rencontré des représentants du College Board, l’organisme américain chargé de l’admission universitaire, afin de mettre en oeuvre des procédures permettant d’assurer l’intégrité des examens en ligne. Ces examens seront à nouveau disponibles à partir de juin prochain, en complément des autres examens du diplôme américain.

— Les écoles spécialisées, comme les « écoles égypto-japonaises » ou celles pour les surdoués, connaissent un essor. Quels en sont les avantages ?

— Chaque type d’école spécialisée a démontré son efficacité en offrant des services éducatifs de qualité, accessibles à la classe moyenne. Les écoles égypto-japonaises, par exemple, ont un impact positif sur les élèves et la société en général. Elles se concentrent sur le développement des compétences non cognitives des enfants. Depuis leur lancement en 2017, 55 écoles égypto-japonaises ont été créées dans 26 gouvernorats. Le ministère s’engage à maintenir leur qualité et prévoit d’en augmenter le nombre à 100 dans tout le pays. Les écoles pour surdoués en sciences et technologie, les écoles IPS, ainsi que les écoles du Nil, qui délivrent un certificat international conforme aux normes de Cambridge International, figurent également parmi les modèles éducatifs à succès. Ces dernières comptent actuellement 14 établissements, et un plan de l’Etat vise à étendre leur nombre.

— Quelles sont les nouveautés concernant l’enseignement technique et les écoles de technologie appliquée ?

— L’enseignement technique a bénéficié d’un soutien accru de l’Etat en raison de son rôle essentiel dans le développement de l’économie égyptienne et la formation d’une génération compétente sur le marché du travail. Depuis 2018, le nombre d’écoles de technologie appliquée est passé de 3 à 82, grâce à des partenariats avec des industriels. De nouvelles spécialités sont régulièrement introduites pour répondre aux besoins du marché, renforçant ainsi l’image et l’efficacité de l’enseignement technique.

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