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Mohamed Al-Sobki : Il est temps de se tourner vers les énergies alternatives 

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 08 avril 2014

Pour Mohamed Al-Sobki, directeur du Centre de recherches sur l’énergie à l’université du Caire, la pénurie d’électricité qui frappe le pays présente diverses solutions.

Mohamed Al-Sobki
Mohamed Al-Sobki, directeur du Centre de recherches sur l’énergie à l’université du Caire.

Al-Ahram Hebdo : Où résident, selon vous, les raisons de la pénurie actuelle d’électricité ?

Mohamed Al-Sobki: Cette crise ne date pas d’aujourd’hui. Elle existe depuis 2005 et a atteint actuellement son apogée. Il ne s’agit pas d’une pénurie d’électricité, mais d’énergie dans toutes ses formes traditionnelles et renouvelables qui devront être revues par l’Etat. Elle est le résultat de trois facteurs fondamentaux. La crise du carburant nécessaire à la production de l’électricité, l’état des centrales électriques et bien sûr la consommation énergétique. Ces trois facteurs réunis ont mené avec le temps à cette crise, alors que l’Etat a toujours traité ce problème avec beaucoup de lenteur, de superficialité et surtout sans vraie solution.

— Vous parlez de l’apogée de la crise, pourquoi ?

— Parce que le déficit a atteint 12,5 %, soit l’équivalent de plus de 3500 MW/H. Supposons que toutes les centrales existantes fonctionnent et reçoivent le carburant nécessaire : elles produiront alors 26 000 MW/h, alors que nous avons besoin de 29 500 MW/h.

— Pour certains spécialistes, cette crise est due au manque de gaz naturel, qui est le résultat de la corruption de l’ancien régime …

— Je ne peux pas parler de corruption sauf si les enquêtes et la justice le prouvent. Mais ce dont je suis sûr c’est que le secteur de l’énergie en Egypte a été mal géré pendant de longues années.

— Mais des contrats ont été conclus à des montants très faibles, alors que l’Egypte devrait aujourd’hui payer presque le triple pour combler son déficit en carburant ...

— C’est tout à fait juste. Cette décision en particulier est plutôt politique qu’économique. Je ne dis pas qu’elle n’est pas à critiquer. C’est sûrement un gaspillage des ressources de l’Etat et que je définis comme une mauvaise gestion, car on croyait à un certain moment que l’Egypte possédait des quantités infinies de gaz, et c’est uniquement aujourd’hui qu’on découvre les catastrophes résultant de ces accords.

Le mauvais état des centrales électriques aurait-il une autre raison ? — Nous avons environ 53 centrales électriques à travers le pays. Comme toutes les machines, ces centrales ont besoin d’entretien régulier, ce qui se produit rarement en Egypte. Pire encore, elles fonctionnent sans interruption pour répondre aux besoins incessants, et nous nous retrouvons donc avec des engins usés et qui ont parfois besoin d’entretien à l’étranger, ce qui exige des dépenses considérables que l’Etat ne peut pas endosser. L’Etat, pour contourner ce problème, a commencé à partir de 2005 à installer de plus petites centrales. C’est la solution la plus facile, car elles sont construites à la hâte et à des prix médiocres. Mais en revanche, elles consomment beaucoup plus de carburant et leurs apports ne dépassent pas les 25% nécessaires, alors que ceux des centrales à cycle combiné atteignent 35% à 40%.

— Quelle solution suggérez-vous ?

— La solution la plus importante et rapide réside dans la baisse de consommation des citoyens et des usines. La consommation des Egyptiens n’a pas changé en dépit de la crise, voire, elle a augmenté. C’est une grande partie de la résolution du problème et c’est ce que le gouvernement essaye de faire à travers les coupures quotidiennes d’électricité. On ne peut pas non plus poursuivre la subvention de l’énergie à vie.

— Et qu’en est-il des usines ?

— Le secteur industriel utilise 33 % de l’électricité produite en Egypte. Les usines aussi doivent accommoder leurs consommations. Le pétrole et le gaz utilisés par les usines dépassent de 20% la moyenne internationale. Il y a une nécessité d’imposer une législation qui contraindrait ces usines à utiliser une partie de l’énergie renouvelable dans leur consommation. Si ces usines utilisent l’énergie renouvelable avec un taux de 3% du total de leur consommation, et qui augmenterait annuellement, elles atteindront, vers 2021, 27% des énergies renouvelables. Il est temps de reconnaître que les quantités de gaz et de carburant disponibles en Egypte se réduisent. Il faut se tourner vers les sources d’énergie alternative.

— Parlez-vous de l’énergie solaire ?

— L’énergie renouvelable représente l’une des solutions mais l’Etat ne s’y est jamais intéressé sérieusement. Nous sommes un pays riche en énergies éolienne et solaire, qui peuvent produire de l’électricité en hiver comme en été. Mais nous ne produisons que 550 mégawatts alors que nous pouvons atteindre au moins 3000 mégawatts.

— N’est-elle pas négligée en raison de ses coûts élevés?

— Il y a dix ans, la production d’énergie renouvelable était coûteuse comparée à l’énergie traditionnelle. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le kilobit/heure de l’énergie éolienne, dont le prix dépassait 1 L.E. il y a dix ans, coûte aujourd’hui moins de 60 piastres et l’énergie solaire ne dépasse pas non plus les 70 piastres. Le recours à l’énergie renouvelable n’est plus un luxe, c’est une nécessité. L’énergie solaire peut être utilisée dans les foyers et les usines qui n’ont pas besoin d’une énergie thermique importante comme les usines de filature et de textile.

— Approuvez-vous la décision du gouvernement de recourir au charbon dans la production de l’électricité ?

— Je suis contre cette décision. Le charbon est sûrement un carburant moins cher mais uniquement s’il est disponible en Egypte. Nos ressources en charbon sont très faibles et de mauvaise qualité. Nous serons obligés de l’importer à 150 dollars la tonne. L’énergie renouvelable et même nucléaire est meilleure que le charbon, mais il faut entre 10 et 12 ans pour la construction d’une centrale de 5 000 mégawatts et qui produirait près de 12% de nos besoins vers 2022. Et il faut aussi prendre en considération que ces centrales s’épuisent très vite et ont un coût d’entretien très élevé.

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