Le ministre du Développement administratif, Hani Mahmoud
Al-Ahram Hebdo : Le référendum sur la nouvelle Constitution approche et vous êtes en charge avec le ministère de l’Intérieur de l’actualisation des listes électorales. Quelle est la situation à ce niveau?
Hani Mahmoud : La responsabilité des élections revient à la Haute Commission des élections présidé par le conseiller Nabil Salib, président de la Cour d’appel du Caire. Notre mission consiste à ajouter sur les listes les noms des personnes ayant atteint l’âge de voter. La dernière mise à jour date de février 2013, avant les élections législatives. Nous assumons cette charge en coopération avec le ministère de l’Intérieur et l’Organisme de l’Etat civil. Nous révisons les nouvelles données qui nous parviennent et enregistrons tous les jours des milliers de nouveaux électeurs dont les noms ne figuraient pas sur les listes. Nous voulons que les listes électorales soient exactes à 100%.
— Comment expliquez-vous que les noms de certains électeurs soient doublés sur des listes électorales et que des noms de personnes décédées y figurent encore?
— Il n’y a pas de doublons mais beaucoup de ressemblances entre les noms. Pour ce qui est des noms des personnes décédées, ils seront retirés des listes grâce aux nouvelles procédures mises en place. Auparavant les procédures d’enregistrement d’une personne décédée sur les registres officiels étaient très lentes et pouvaient atteindre 4 ans. Les employés dans les villages ne pouvaient pas déclarer officiellement une personne morte avant de recevoir les registres complets des personnes décédées, ce qui nécessitait une durée d’un an. Dans une étape ultérieure, les postes de police dans les municipalités étaient avertis et enfin l’Organisme de l’Etat civil qui enregistrait en priorité les nouveau-nés. Nous travaillons en collaboration avec le ministère de la Santé et l’Organisme de l’Etat civil pour informatiser les données de ce dernier. Le coût de modernisation d’un seul bureau peut atteindre 50 000 L.E. D’ailleurs nous avons suspendu un nombre de petits projets afin de finaliser celui-ci. Il nous faut un référendum qui ne soit pas entaché d’erreurs. Le peuple égyptien doit voter en masse au référendum qui, à mon avis, est plus important que les prochaines élections. 30 millions d’Egyptiens ont refusé l’ancien régime et leur participation au référendum donnerait une légitimité au 30 juin 2013.
— Quand les Egyptiens pourront-ils voter électroniquement?
— Dans dix ans. Bien que techniquement parlant, nous soyons capables d’appliquer le vote électronique dès demain. Mais nous avons en Egypte une crise de confiance et nous ne sommes pas les seuls. Même la Russie, après avoir adopté le vote électronique, a été obligée de l’annuler. L’électeur égyptien remet en question les résultats même s’il dépose lui-même son bulletin de vote dans les urnes. Les experts affirment que nous ne pouvons recourir au vote électronique qu’après avoir organisé deux ou trois élections intègres pour donner plus de confiance à la population.
— Préférez-vous que le vote porte sur l’ensemble de la Constitution ou que les articles soient considérés un par un?
— La plupart des pays votent les Constitutions dans leur ensemble parce que les articles sont connectés les uns aux autres. Le citoyen ne doit pas refuser toute la Constitution à cause d’un article. Il doit la lire attentivement dans son intégralité et voir le nombre d’articles qui lui conviennent. Il faut prendre en considération les articles qui procurent une vie décente au citoyen et voir s’ils assurent la transition démocratique ou non.
— En marge des élections, comment la mise à jour des cartes d’approvisionnement se déroule-t-elle?
— Nous possédons 17,5 millions de cartes couvrant les besoins de 67 millions de citoyens égyptiens. La mise à jour de ces cartes se déroule parfaitement bien. Nous avons même commencé à inscrire les nouveau-nés qui étaient au nombre de 3,9 millions et à éliminer les personnes décédées qui étaient estimées à 900 000.
— La population continue à souffrir de la pénurie de carburant et de bonbonnes de gaz. Le gouvernement envisage de mettre en place un système de distribution basé sur les « cartes intelligentes ». Comment cela fonctionnera-t-il?
— Nous travaillons en collaboration avec les ministères du Pétrole, des Finances et de l’Approvisionnement pour achever le système des « cartes intelligentes » afin d’empêcher le trafic des produits pétroliers. Nous allons ajouter les bonbonnes de gaz sur les cartes d’approvisionnement familiales afin d’empêcher qu’elles ne fassent l’objet d’un trafic vers les restaurants ou les usines.
— Justement, à propos de trafic, comment entendez-vous faire face à ce phénomène?
— Le trafic des produits pétroliers et l’usage des bonbonnes de gaz domestiques à des fins industrielles sont un grand problème. Le système de distribution que nous avons mis en place devrait permettre de mieux lutter contre ce trafic. Le premier stade de ce système a été achevé. Il concerne les entrepôts et les véhicules qui y transportent le carburant. La deuxième étape sera finalisée prochainement et concerne les stations d’essence et les véhicules utilitaires. Des cartes magnétiques seront mises en place pour assurer une distribution plus équitable du carburant. Ce système mettra fin au trafic vers l’étranger et empêchera que les produits pétroliers destinés aux citoyens ne soient utilisés à des fins industrielles.
— Vous avez participé au comité ayant fixé les salaires minimum et maximum. Quels sont les mécanismes qui permettront de les appliquer?
— Le gouvernement actuel a pris une décision audacieuse que les précédents gouvernements n’avaient pas pu prendre, à savoir augmenter le salaire minimum de 700 à 1 200 L.E. Il s’agit du salaire brut qui sera arrondi à 1 200 L.E. Lorsque j’ai pris en charge ce portefeuille, les salaires stagnaient à 700 L.E. et comme je l’ai dit c’était une décision audacieuse de faire passer ce minimum de 700 à 1 200 L.E. malgré le déficit budgétaire. En dessous de ce chiffre, le citoyen ne peut pas mener une vie décente. Le nouveau salaire minimum concerne les nouveaux fonctionnaires. Pour les anciens fonctionnaires, nous n’y pouvons rien, mais les salaires de cette tranche sont supérieurs. Ces anciens fonctionnaires doivent être plus raisonnables et accepter la situation parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives, pour le moins actuellement. En ce qui concerne le salaire maximum, nous avons fait en sorte qu’il soit 35 fois supérieur au salaire minimum.
— Mais certains secteurs le refusent...
— C’est une loi qui est en vigueur. Si nous supposons que le salaire minimum d’un fonctionnaire aux chemins de fer est de 1 200 L.E., le salaire du président de l’organisme ne devra pas dépasser les 35 000 L.E. Si un fonctionnaire auprès d’une compagnie pétrolière perçoit 2 000, un PDG a alors le droit d’obtenir 70 000 L.E. au maximum. Nous sommes en train, avec les ministères des Finances et des Télécommunications, de faire un inventaire des salaires de 8 000 directeurs généraux et hauts responsables.
— Les divergences politico-sociales peuvent-elles, à votre avis, affecter la performance de l’actuel gouvernement?
— Nous vivons des conditions difficiles. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement a bien travaillé sur certains dossiers tandis que d’autres ne sont toujours pas résolus comme celui du trafic par exemple. Mais il ne faut pas omettre les efforts déployés au niveau de la justice sociale, de l’éducation et de la sécurité. L’Egypte n’est plus la même. Et il y aura toujours une opposition virulente pour rectifier le tir et remettre les responsables sur la bonne voie.
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