Al-Ahram Hebdo : Quelle est, selon vous, l’importance de l’autonomisation économique de la femme dans le contexte des crises internationales successives ?
Maya Morsi : L’autonomisation économique de la femme est un axe très important dans le soutien accordé au développement et à la croissance. Tous les Etats oeuvrent en vue d’améliorer les conditions économiques de la femme et de promouvoir les opportunités qui lui sont offertes, afin de réaliser un développement global et durable.
L’Egypte est parmi les Etats du Proche-Orient qui ont le plus soutenu l’autonomisation de la femme, en particulier depuis juin 2014. Et ce, grâce à une volonté politique et la conviction que l’autonomisation de la femme est un droit et un devoir national indispensable pour réaliser le développement et la prospérité. Le dossier de l’autonomisation économique de la femme a réalisé un essor sans précédent grâce aux nombreuses mesures prises par l’Etat égyptien.
L’Etat est conscient de l’importance du dossier de l’autonomisation économique de la femme égyptienne, de sa participation au marché du travail et aussi du fait que ce dossier constitue une priorité nationale et non pas un luxe. Partant, l’Etat égyptien a adopté un certain nombre de législations et de politiques, à commencer par l’article 11 de la Constitution qui stipule que « l’Etat garantit l’égalité entre l’homme et la femme dans les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ».
La Stratégie nationale de l’autonomisation de la femme égyptienne 2030, approuvée par le président Abdel Fattah Al-Sissi en 2017, comprend un axe économique qui vise à développer ses capacités afin d’élargir ses choix en matière d’emploi, à réaliser l’égalité des chances dans tous les secteurs, y compris le secteur privé, à diffuser le concept de l’entrepreneuriat parmi les femmes, à diminuer le taux des femmes assumant seules les responsabilités de leurs familles et vivant en dessous du seuil de pauvreté à 9 %, à augmenter le taux d’emprunt extrêmement limité consacré à la femme à 53 % et à augmenter aussi le nombre de petits projets consacrés à la femme. En plus, l’Egypte vise à augmenter le taux de participation de la femme à la main-d’oeuvre à 35 % avec l’avènement de l’année 2030.
Il y a une conviction que les politiques appuyant la participation de la femme au marché du travail et aux activités économiques doit être complétée par un cadre législatif et par des décisions qui servent l’intégration de la femme dans l’économie. Ainsi, la loi des impôts n° 91 de l’année 2005 et ses amendements dans la loi n° 11 de l’année 2013 ont reconnu la femme comme étant une personne responsable de la famille. Il y a aussi la loi du service civil de l’année 2016 qui octroie des avantages aux mères de familles actives, comme le congé maternité après l’accouchement qui est passé de trois à quatre mois. De même, la nouvelle loi sur l’investissement n° 17 de l’année 2017 garantit l’égalité des sexes dans les opportunités d’investissement. Enfin, l’Organisme de contrôle financier a décrété en 2020 qu’au moins une femme doit être présente au conseil d’administration des compagnies et des entités financières non bancaires.
— Quel est le rôle du Conseil national de la femme dans l’autonomisation économique des femmes ?
— Le Conseil national de la femme, en tant qu’organe national chargé de l’autonomisation de la femme égyptienne, a accordé depuis sa fondation un grand intérêt à ce sujet. Les programmes du conseil s’intéressent au développement des capacités de la femme, afin de garantir son intégration dans le marché du travail et de lui trouver des opportunités convenables à travers notamment des stages d’artisanat pour l’aider à confectionner un produit complet et de qualité pouvant être commercialisé et répondant aux besoins du marché.
Le conseil a également tenu à créer une large base de données sur les femmes qui ont de petits projets et qui confectionnent des produits faits à la main ou autres. L’objectif de cette base de données est de leur offrir un service de commercialisation.
En ce qui concerne l’inclusion financière, son taux parmi les femmes a atteint 62,7 % en 2023 et le nombre de femmes de plus de 16 ans qui bénéficient de services financiers a atteint 20,3 millions sur un total de 32,3 millions, avec une croissance de 244 % par rapport à l’année 2016.
— Quelle est l’importance de l’initiative qui vise à combler l’écart entre les deux sexes dans le secteur privé et qui vient d’être adoptée par le Conseil national de la femme ? Quel est le rôle assumé par le secteur privé dans l’autonomisation de la femme ?
— Cette initiative, lancée en coopération avec le ministère de la Coopération internationale, est la première de son genre en Afrique et au Proche-Orient. Elle a été créée sur le modèle du Forum économique mondial. Elle vise à aider les gouvernements et les compagnies à adopter des mesures susceptibles de combler l’écart économique entre les deux sexes et d’augmenter la participation de la femme au marché du travail.
L’initiative comprend 10 mesures qui doivent être appliquées sur trois ans, sa présence est importante aux côtés des autres modèles économiques mis en place par le conseil pour réaliser l’autonomisation économique de la femme comme le Sceau égyptien d’égalité entre les sexes (Egyptian Gender Equity Seal, EGES) et les Principes d’autonomisation de la femme (Women Empowerment Principles, WEP) qui ont déjà réalisé de grands acquis.
— Les statistiques montrent qu’une meilleure participation des femmes égyptiennes au marché du travail peut augmenter le PIB de 34 %. Quels sont les défis auxquels est confrontée la participation des femmes au marché du travail ?
— Le principal défi est de créer un marché du travail attrayant pour les femmes en augmentant par exemple le nombre de crèches. Les entreprises du secteur privé doivent tenir compte du fait que les congés maternité ne sont pas une perte pour l’entreprise, mais plutôt un travail de soin qui doit être rémunéré. Je souhaite vraiment que le marché du travail en Egypte assimile plus de femmes afin d’augmenter le PIB à 34 %. Le Conseil national de la femme formera un comité technique pour achever l’étude des recommandations liées au travail des femmes dans le secteur des soins.
— Quelles sont les propositions faites par le Conseil national de la femme pour lutter contre le harcèlement sexuel, la violence et l’exploitation sur le lieu de travail ?
— Dans le cadre des discussions sur la nouvelle loi qui remplace celle n° 12 de 2003, le conseil, en vertu de ses prérogatives constitutionnelles d’exprimer son opinion sur les projets de loi et les décisions ayant trait à la femme, a présenté une vision globale qui comprend des propositions législatives visant à soutenir les femmes et à leur offrir un environnement sûr et favorable dans le monde du travail. Les propositions portent notamment sur le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale et l’interdiction de la discrimination salariale. L’application de ce principe doit se faire via la réglementation du travail, conformément aux conventions internationales ratifiées par l’Egypte.
Conformément aux directives de l’Etat d’éliminer toute forme de violence à l’égard des femmes, y compris sur le lieu de travail, le conseil a présenté une proposition visant à rajouter au projet de loi sur le travail un article relatif à l’interdiction de toute forme de harcèlement sexuel, de violence, d’agression, d’exploitation ou d’abus de pouvoir sur les lieux de travail de sorte que toute infraction soit passible de sanctions disciplinaires. Cela est conforme à la vision de l’Etat, aux objectifs de la Stratégie nationale des droits de l’homme et aux directives présidentielles de lutter contre toutes les formes de harcèlement, de violence, d’exploitation et d’abus de pouvoir sur les lieux de travail.
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