Al-Ahram Hebdo : Trois mois après le début de la guerre dévastatrice à Gaza, quelles propositions ou initiatives ont-elles été avancées pour résoudre la crise ? Où en sommes-nous actuellement dans la recherche de solutions ?
Jibril Rajoub : Il existe des initiatives en cours de la part de l’Egypte, des Etats-Unis et du Qatar. Cependant, le gouvernement israélien d’extrême-droite y oppose une résistance farouche. Benyamin Netanyahu et ses ministres ne manifestent aucune volonté d’arrêter les hostilités, alors que la communauté internationale s’oppose unanimement à la poursuite de cette guerre. Même les alliés d’Israël commencent à percevoir le comportement israélien comme un fardeau. Cependant, nous sommes confrontés à une administration israélienne de droite fasciste qui refuse catégoriquement d’écouter toute proposition.
Cela se manifeste aussi à travers des opérations d’assassinat telles que l’élimination du leader extraordinaire Cheikh Saleh Al-Arouri à Beyrouth ou des actions délibérées d’assassinats ciblés en Cisjordanie. Juste en un seul jour, Israël a assassiné 6 Palestiniens, ce qui illustre clairement l’escalade de la violence.
— On parle beaucoup de Gaza, mais la Cisjordanie est-elle aussi un théâtre de tensions ? Quelle est la situation actuelle en Cisjordanie ?
— Les territoires occupés se sont réveillés avec la nouvelle de l’assassinat du cheikh Al-Arouri, entraînant une grève générale en Cisjordanie. Toutes les activités économiques, sociales et politiques ont été paralysées. Le pays en entier est à l’arrêt et un deuil national a été déclaré. Les routes sont bloquées pour protester contre les crimes israéliens. Parallèlement, les forces d’occupation israélienne persistent dans des incursions dans presque toutes les villes de Cisjordanie, avec davantage de meurtres et de destruction, profitant du fait que les yeux sont braqués sur Gaza. Or, la situation actuelle en Cisjordanie et à Jérusalem est aussi très grave.
— Comment interprétez-vous ces assassinats israéliens ? Sont-ils précurseurs d’autres actions similaires ?
— Elles reflètent l’échec israélien et, à mon avis, ces assassinats ne feront qu’aggraver la situation et provoquer une réaction du côté palestinien.
— Que voulez-vous dire par aggraver la situation ?
— Cela engendre un cycle de violence, le sang engendre le sang, une réponse à la violence, créant ainsi une situation de plus en plus complexe.
— Quelle est donc la solution ?
— La solution réside dans le fait de persuader le monde entier que la poursuite de l’occupation et de l’agression israélienne est une violation flagrante du droit international et des intérêts mondiaux et représente une menace pour la stabilité et la sécurité régionale et mondiale.
Pour nous, Palestiniens, la seule voie est la résistance, basée sur le fait que ce qui s’est passé le 7 octobre était un cri national palestinien adressé au monde, tandis que celui-ci se doit de condamner fermement Israël. Il incombe à la communauté internationale de brandir le carton rouge contre Israël.
— Vous dites que la communauté internationale s’oppose unanimement à la poursuite de cette guerre, cependant, les Etats-Unis semblent soutenir Israël à poursuivre pour encore des mois ses opérations militaires ?
— Ce sont les Etats-Unis qui dirigent la guerre à Gaza. Si les Etats-Unis décident d’arrêter l’agression, Israël n’aura d’autre choix que de s’y conformer, mettant ainsi fin à toutes les opérations militaires.
— Face à cette réalité, comment percevez-vous les initiatives proposées pour un cessez-le-feu temporaire ou une trêve prolongée ?
— Depuis le début, notre objectif est de mettre fin à l’agression unilatérale contre les Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem. Nous nous efforçons également de fournir une aide à notre peuple à Gaza et de combattre toute forme de déplacement forcé de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem. Nous considérons aussi cette tragédie comme une opportunité de résoudre une fois pour toutes ce conflit et d’établir un Etat palestinien.
— Certains ministres israéliens, tels Smotrich et Ben Gvir, appellent à l’expulsion des Palestiniens non seulement vers l’Egypte et la Jordanie, mais aussi vers des pays africains, comme solution de la question palestinienne. Comment considérez-vous ces démarches ?
— Ben Gvir est un individu fasciste et nazi, une figure déformée d’Hitler, qui prône l’éradication des Palestiniens de la surface de la Terre. C’est une honte qu’un individu comme lui soit ministre en Israël.
— Récemment, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, s’est dit ouvert à la possibilité de former un gouvernement national en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que de restaurer l’unité nationale. Comment interprétez-vous ces déclarations ?
— Nous espérons que nos confrères égyptiens contribueront à combler le fossé entre les mouvements islamistes et nous. Notre seul choix est celui de l’unité, l’unité de l’Etat palestinien et la reconnaissance de la légitimité internationale comme base de résolution du conflit. Il s’agit également de présenter un modèle d’Etat démocratique et pluraliste, contribuant ainsi à la stabilité régionale. Nous aspirons donc à ce que l’initiative des Egyptiens s’oriente dans cette voie.
— Et quels éléments garantiraient le succès d’une telle initiative, notamment après l’échec des précédentes tentatives de réconciliation lors de rencontres, particulièrement à Al-Alamein en Egypte, juste avant la guerre ?
— Cela relève des détails, mais dans une perspective stratégique, c’est mon opinion. Si malgré plus de 22 000 morts à Gaza, la situation n’a pas changé, il est peu probable que quoi que ce soit change.
— Non, cette possibilité n’est pas à l’ordre du jour et aucune réunion de ce type n’est prévue. Nous avons exprimé notre intérêt pour un dialogue stratégique avec l’Egypte, mais pour des raisons liées à la situation actuelle, cela a été reporté et ne se concrétisera pas pour le moment.