Al-Ahram Hebdo : Avez-vous une liste précise des sites archéologiques endommagés ou détruits dans la Bande de Gaza ?
Ahmed Al-Barch : Jour après jour, la Palestine perd une partie importante de son histoire. En 2021, le ministère palestinien de la Culture a compté près de mille sites archéologiques dans la bande de Gaza. Un an après, ce nombre a chuté à 700 sites et en 2023, on en a compté 325. Avec les attaques de ces derniers jours, on a perdu près de 114 autres sites dont des palais, maisons antiques, églises et mosquées. Jusqu’à maintenant, on ne sait pas exactement l’ampleur des pertes archéologiques. Tout est ambigu.
— Dans de telles conditions, comment les archéologues palestiniens peuvent-ils conserver leurs sites antiques ?
— Tout d’abord, notre problématique est une question d’identité et d’histoire. Bien que beaucoup de sites archéologiques à Gaza aient été fouillés et pillés par les occupants, surtout depuis la guerre de 1967, il y a beaucoup de monuments remontant à différentes époques pharaoniques, byzantins, romains ou islamiques qui sont encore ensevelis. Par exemple, les autorités palestiniennes ont découvert en février dernier une nécropole contenant 100 magnifiques sarcophages en plomb avec des décorations végétales remontant à l’époque grecque. Je crois que la nécropole a été attaquée dernièrement.
— Comment conservez-vous le patrimoine palestinien à Gaza ?
— Le patrimoine à Gaza est divisé en grands monuments telles que les mosquées, les églises, les sabils et les palais, et il y a les pièces antiques comme les ustensiles en poterie, en métal, en verre ou en céramique, comme les armes, les bijoux ou autres. Il y a un an, l’équipe palestinienne de restaurateurs a restauré une maison antique et l’a transformée en un atelier de couture pour être toujours ouverte. Actuellement, et après plus d’un mois de bombardements, je n’ai aucune idée de son sort. On a aussi pu restaurer le sol en mosaïque restant d’une église antique. Quant aux pièces antiques, on n’a ni les moyens ni les équipements pour les restaurer ou les étudier. Elles sont conservées dans des entrepôts qui peuvent être facilement attaqués.
— Après presque 70 ans d’occupation, quel est le sort du patrimoine en Palestine en général et à Gaza en particulier ?
— Bien qu’il paraisse ridicule de parler de culture et de patrimoine alors qu’il y a un tas de morts tous les jours, il faut mentionner que ce n’est plus une guerre ordinaire, mais c’est aussi une guerre culturelle où notre ennemi déploie tout ses efforts pour éliminer notre patrimoine et notre civilisation. Par exemple, lors de nos fouilles à Tell Rafah il y a quelques années, on a découvert un grand pot rempli de 1 200 pièces de monnaie, gravées du slogan d’Alexandre le Grand. Mais le pire, c’est que la mission a trouvé à quelques mètres de la découverte une fosse pleine de pièces sur lesquelles est gravé en hébreu : Ici, c’est Israël. Après une étude de ces pièces, on a découvert qu’elles sont récentes. Une falsification visée !
— Quels sont les moyens pour maintenir le reste du patrimoine palestinien ?
— Je pense que les choses vont de mal en pis. La situation est très critique sous l’occupation. Nous-mêmes, en tant que spécialistes, nous n’avons ni le droit de fouiller tranquillement, ni les moyens financiers. Alors, on attend des missions étrangères pour y travailler. C’est aux organisations internationales d’arrêter cette absurdité de l’ennemi afin de conserver le reste du patrimoine palestiniene.
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