AL-AHRAM HEBDO : Pourquoi avez-vous substitué l’imposition de certains prix de vente par la publication d’une liste hebdomadaire de prix indicateurs ? La mesure a perdu tout son contenu ...
Mohamad Abou-Shadi : Le seul but de ce gouvernement est de faciliter la vie des citoyens. Donner des prix indicateurs n’est qu’une première étape dans notre plan visant à réguler le marché. Nous avons demandé à des ONG, surtout celles qui travaillent dans le domaine de la protection du consommateur, de surveiller l’expérience et le marché pour nous donner leur feed-back. Fixer des plafonds aux prix de la nourriture sera la prochaine étape. Nous donnons l’occasion et le temps à tout le monde de s’accoutumer à la nouvelle situation. En ce qui concerne les pressions, c’est vrai, je suis la cible d’une guerre sévère menée par des commerçants cupides qui luttent contre un vrai contrôle sur les prix. La Chambre de commerce a résisté au départ à l’accord sur les prix indicateurs.
— Vous parlez de guerre et de pression. N’y a-t-il pas d’autres moyens pour réduire l’inflation ?
— Le gouvernement souhaite réduire les prix de 25 produits alimentaires de 20 % pendant les 10 premiers jours de chaque mois. C’est le troisième mois qu’on applique ce système. Mais la fixation des prix ne pourra pas à elle seule dompter le marché. Il faut promouvoir la concurrence.
— Quelles sont les autres mesures prévues ?
— Il s’agit d’abord de développer le rôle des 1 200 supermarchés dépendant du ministère. A travers ces points de vente, on offre des produits alimentaires à des prix réduits : 25 % de moins que les prix au marché.
De plus, nous oeuvrons à renforcer le rôle de l’Union de la consommation formée par un groupe d’ONG sous le contrôle du ministère. Cette Union possède des magasins dans tous les gouvernorats offrant des produits à prix réduits. Dernièrement, nous avons commencé à organiser des foires alimentaires dans tous les gouvernorats, notamment avant les fêtes et les événements sociaux et religieux, comme le début de l’année scolaire ou le Ramadan.
— Le gouvernement intervient pour soutenir la concurrence sur le marché de l’agroalimentaire ... Y aura-t-il des mesures similaires pour d’autres marchés ?
— Le gouvernement ne peut pas permettre à quelques individus de manipuler les prix. Il augmentera l’offre dans les marchés où existent des monopoles. Ainsi, dans le ciment par exemple, l’armée a mis en place une usine dans le Sinaï avec une capacité annuelle de 2 millions de tonnes, qui passeront à 4 millions dans la période à venir. Il existe une autre usine dans la ville de Sohag avec une capacité de 2 millions de tonnes, et qui passeront aussi à 4 millions. La tonne se vendra 25 % moins cher que les prix du marché, ce qui aidera à retrouver un équilibre. Actuellement, le gouvernement souhaite renouveler et développer les usines publiques de fer et d’acier.
— Mais ce genre de procédures a-t-il un effet positif sur les marchés ?
— Je vous donne un exemple réussi. En ce moment, c’est la fête du grand Baïram : la consommation de viande explose. Nous avons forcé la plupart des commerçants à ne pas augmenter leurs prix en proposant de grandes quantités de viande dans tous les points de vente publics, 25 % moins cher. De plus, nous avons encouragé 2 grandes sociétés privées à réduire leurs prix sur 25 produits dans leurs 96 branches. J’espère que notre plan augmentera la concurrence et permettra de rétablir l’équilibre.
— L’Egypte traverse une période économique délicate qui pourrait mener à une baisse des importations de produits alimentaires, baisse qui entraînera immédiatement une insuffisance de l’offre et une hausse des prix ...
— Le rôle essentiel du gouvernement est de sécuriser les produits de consommation stratégiques, notamment les denrées alimentaires. Et je peux vous assurer que la plupart de ces produits sont disponibles. Nous avons acheté 30 000 tonnes d’huile alimentaire au secteur privé et 30 000 autres seront fournies prochainement à travers un appel d’offre.
Je voudrais annoncer une bonne nouvelle à ceux qui reçoivent des produits subventionnées : le ministère a décidé de faire participer les supermarchés privés à la distribution de ces produits avec la possibilité de les échanger contre d’autres, selon les voeux de chacun. Ce système s’appliquera d’abord à un seul gouvernorat, puis sera généralisé.
— La crise du blé est un autre grand problème ...
— La décision prise par l’ancien gouvernement d’arrêter l’importation du blé a créé une véritable crise, car nous produisons seulement le tiers de nos besoins. Mais nous avons pu sécuriser un stock stratégique jusqu’au 18 février. Actuellement, on examine d’autres livraisons en provenance notamment des Etats-Unis et de la Russie, nous suivons les cours des bourses mondiales et sélectionnons les produits les mieux adaptés.
— Vous accusez l’ancien gouvernement d’avoir réduit les stocks de blé. Mais le ministre dépendant des Frères musulmans a été le premier à épargner aux Egyptiens les longues et humiliantes files d’attentes pour s’approvisionner en bonbonnes de gaz. L’hiver approchant, ces pénuries de bonbonnes risquent de revenir ...
— Nous avons commencé à tester un service de livraison à domicile. Mais ce service n’est pas la seule procédure lancée. Avec la coopération du ministère du Pétrole, nous avons identifié les dates des tempêtes qui provoquent la fermeture des ports pendant quelques jours, ce qui retarde l’arrivée du butane dont l’intégralité de nos besoins est importé. Il faut réussir à en stocker suffisamment pour éviter ces pénuries temporaires qui durent souvent pendant les 5 à 6 jours de tempête. Il y a en moyenne 5 tempêtes par hiver.
— Déjà, beaucoup se plaignent du service de livraison à domicile des bonbonnes de gaz ... On parle de difficultés en appelant la hotline ...
— Je suis au courant, et c’est pourquoi j’ai décidé de former un centre d’appel au sein du ministère, où 30 employés font actuellement un stage pour recevoir les demandes sur 12 lignes spécialement dédiées à ce sujet. Au niveau des gouvernorats, chaque gouverneur doit obliger les propriétaires d’entrepôts de bonbonnes à afficher un numéro de téléphone.
— Le pain et sa qualité restent un casse-tête pour les différents gouvernements qui ont tenté de s’attaquer à ce problème. D’autant plus que les moulins dépendent de la holding des industries alimentaires, ellesmêmes dépendantes du ministère de l’Investissement ...
— Cela présente, en effet, un obstacle. Ce n’est pas logique que ce qui rentre dans le cadre de mes responsabilités, comme le pain, dépende, en fait, d’un autre ministère. J’ai présenté une demande au Conseil des ministres pour que la holding des industries alimentaires soit rattachée au ministère de l’Approvisionnement. J’ai reçu l’approbation préliminaire du premier ministre. Ensuite, je compte construire un modèle de four à pain baladi 100 % égyptien.
Un comité a été créé pour lancer une boulangerie exemplaire qui garantisse un bon produit. Le comité regroupe des propriétaires de boulangeries, la Chambre de commerce ainsi que l’Institut arabe de l’industrie. Importer des fours est une honte nationale. De plus, cela nous cause des problèmes de maintenance .
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