Al-Ahram Hebdo : Durant votre visite en Egypte, vous avez rencontré des responsables égyptiens, dont le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu des discussions que vous avez eues ?
Malik Agar : Le but de ma visite était principalement de discuter de la situation humanitaire. Nous cherchons l'aide de l'Egypte pour surmonter les difficultés auxquelles sont confrontés les Soudanais bloqués aux frontières égyptiennes. La délivrance des visas a été retardée, et de nombreuses personnes ont besoin d'une facilitation urgente aux frontières. Nous demandons donc d'accélérer le processus.
— Quelle a été la réponse de la partie égyptienne ?
— La réponse a été très positive, et ils ont déjà commencé à prendre des mesures concrètes pour faciliter et accélérer le processus de délivrance des visas.
— Quels autres sujets avez-vous abordés avec la partie égyptienne ?
— Nous avons discuté de la situation humanitaire au Soudan. L'Egypte a des capacités qu'elle peut mettre à la disposition du peuple soudanais. En plus, nous avons évoqué les répercussions de la crise sur l'Egypte et échangé les avis sur le règlement du conflit.
— De votre point de vue, quelles sont ces répercussions ?
— Des millions de Soudanais résident sur le territoire égyptien. L’Egypte a accueilli des centaines de milliers de réfugiés. La stabilité du Soudan affecte directement l'Egypte, qui a déjà été considérablement impactée.
— Parlons des efforts de règlement, vous avez critiqué les initiatives de l'Union africaine, certaines dispositions de l'initiative de l'IGAD et l’initiative de Djeddah ...
— Dans un monde plein d'intérêts politiques et économiques, il est naturel qu’il y ait d’innombrables initiatives, chacune ayant ses objectifs et ses intérêts. Certaines peuvent favoriser la sécurité et la stabilité du Soudan. Nous soutenons toute initiative qui respecte l'unité, la souveraineté et les institutions soudanaises. Toute initiative qui comprend des articles contestés et qui ne respecte pas les institutions soudanaises sera rejetée.
— Voulez-vous dire les articles ayant trait à la présence continue de groupes armés ou la création de zones désarmées ?
— La création de zones désarmées ou de zones impliquant la présence de forces étrangères ou de milices armées est inacceptable pour n’importe quel pays, pas seulement pour le peuple soudanais. Au nom du peuple soudanais, nous les rejetons. Selon l'Accord de Juba en 2020, le Soudan doit avoir une armée qui respecte le pluralisme soudanais, et il y a des conditions et un calendrier prévu pour ce processus. Avoir plus d'une armée déstabilise le pays. Nous ne pouvons pas revenir au statu quo qui a conduit à cette guerre en premier lieu.
— Des initiatives qui sont en accord avec votre vision vous ont-elles été proposées ?
— Il existe de nombreuses initiatives, et elles ne sont pas toutes conformes à la souveraineté de l'Etat, ce que nous n'acceptons pas. Certaines initiatives renferment des éléments qui sont, à notre avis, acceptables, tandis que d'autres non.
— Vous avez précédemment souligné la nécessité pour Abdel-Fattah Al-Burhan et Hemedti de se rencontrer en personne. Existe-t-il des difficultés qui empêchent une telle rencontre ?
— Il est naturel que les parties en conflit se rencontrent à un certain moment pour négocier. Et il était prévu que les chefs des Forces de Soutien Rapide (FSR) et des forces armées, qui sont en première ligne de ce conflit, se rencontrent. Ils finiront par se retrouver à la table des négociations.
— Mais pourquoi un tel tête-à-tête a-t-il échoué ? Est-ce la situation sur le terrain ?
— Rien n'empêche une telle rencontre. Tant que cette rencontre n’a pas eu lieu, nous ne pouvons pas parler d’échec.
— Avez-vous parlé à Hemedti depuis que vous lui avez succédé au Conseil souverain ?
— Je n'assume pas cette fonction en tant que remplaçant de Hemedti ou de quelqu’un d’autre, je l’assume au sein de l'Etat soudanais.
— Alors, avez-vous eu des contacts avec lui depuis votre prise de fonction ?
— Oui, il y a eu des contacts.
— Pouvez-vous nous faire part du contenu de cette conversation ?
— Non, je ne peux pas vous en faire part.
— Quelle est votre évaluation de la situation sur le terrain ?
— La situation est catastrophique à Khartoum. Les FSR sont déployées dans les zones résidentielles et les hôpitaux. Cependant, Khartoum pourrait recevoir une certaine aide, mais le Darfour souffre terriblement. La situation y est encore pire qu'à Khartoum, avec un nombre alarmant de décès. Le Darfour est devenu complètement isolé et des milliers de personnes fuient vers les pays de l'Est.
— Et pourquoi le cessez-le-feu ne tient-il pas longtemps à chaque fois qu’il est annoncé ?
— C'est parce qu'il est incomplet. Il manque des mécanismes et tout ce qui est nécessaire pour le retrait des forces. Nous ne savons pas comment et quand les forces se déplaceront du point A au point B.
— Quelles sont les mesures à prendre pour surmonter ce dilemme, qui dure depuis des mois ?
— Nous pouvons surmonter ce dilemme par le dialogue et les négociations. Nous ne pouvons pas anticiper la réunion entre les deux parties en discutant des mesures à prendre maintenant. Celles-ci feront l'objet de discussions à la table des négociations.
— Y a-t-il également une discussion en cours avec les forces civiles ?
— Toutes les forces politiques rejettent la situation actuelle. Il n'y a rien de beau dans la guerre. Les forces civiles seront un partenaire-clé lorsque les négociations auront commencé. La question soudanaise ne peut pas être résolue sans l'implication des forces civiles et politiques. Elles font partie intégrante du Soudan et ne peuvent pas être exclues.
— Et quel rôle joue Malik Agar ?
— Celui de chercher la paix.
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