Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance de la participation du président Abdel-Fattah Al-Sissi au sommet « Pour un nouveau pacte financier mondial », qui se tient les 22 et 23 juin en France ?
Alaa Youssef : Le sommet bénéficie d’une présence internationale de haut niveau avec la participation de plus de 65 chefs d’Etat, ainsi que des chefs de gouvernement et des ministres, en plus de représentants d’organisations internationales. L’approche française dans ce sommet est conforme à l’une des constantes de la politique étrangère égyptienne, qui est de défendre les droits et les intérêts des pays du Sud et de faire entendre leur voix dans les instances internationales. Le sommet est également étroitement lié à l’accueil par l’Egypte de la COP27 en novembre 2022. Au cours de celle-ci, le président Sissi avait souligné la nécessité de faciliter l’accès des pays en développement à la finance verte, qui vise à établir des projets contribuant à la croissance économique tout en réduisant la pollution d’une manière qui contribue à soutenir leurs efforts de développement.
— Est-ce que les efforts déployés par l’Egypte en faveur des pays en développement pendant la COP27 seront pris en considération durant ce sommet ?
— Les efforts de l’Egypte lors de la COP27 ont abouti à un accord historique sur la création d’un fonds pour soutenir les pays en développement à s’adapter aux effets du changement climatique, avec des promesses de financement de 100 milliards de dollars. Ce qui nécessite un engagement international. Le sommet de Paris s’appuiera sur les résultats de la COP27. Par ailleurs, les efforts d’atténuation des changements climatiques exigent la fourniture de financements et de l’assistance technique et technologique nécessaires, ce qui exige une plus grande participation du secteur privé.
— Existe-t-il un consensus franco-égyptien sur les thèmes du sommet ?
— Il existe un large consensus entre l’Egypte et la France sur les questions de financement international et les moyens d’y accéder pour les pays en développement, ainsi que les questions de l’allégement de la dette, d’autant plus que l’Egypte a joué un rôle constructif dans le traitement de ces questions au niveau international. Par ailleurs, la participation égyptienne à ce sommet ne doit pas être considérée indépendamment des relations bilatérales distinguées entre les deux pays et de l’étroite relation de confiance entre les deux présidents.
— Pourquoi ce sommet est-il important pour les pays en développement ?
— La nature de ce sommet et le moment de sa tenue revêtent une importance particulière, car la France est l’un des pays industrialisés qui joue un rôle important dans le domaine du soutien aux pays en développement et de la promotion de leur développement économique, et qui prend aussi l’initiative de mobiliser les ressources nécessaires pour y parvenir. Le sommet ne doit pas être séparé du sommet sur le « Financement des économies africaines » qui s’est tenu à Paris en mai 2021 avec la participation du président Sissi et qui a discuté des moyens de financer les économies du continent et de résoudre la question de la dette. Il peut être considéré comme un autre maillon dans la recherche de moyens d’aider les pays en développement et de trouver une solution au problème de la dette. De ce point de vue, le sommet mettra l’accent sur la création d’une synergie entre les efforts de la communauté internationale pour permettre la mise en place d’un système de financement mondial plus efficace et plus équitable, capable de relever les défis du développement et de l’environnement.
— La crise ukrainienne a jeté son ombre sur les plans de développement dans les pays en développement. Le sommet abordera-t-il ce problème ?
— Certes, la tenue du sommet en ce moment est importante, car elle intervient dans le contexte des répercussions de la crise ukrainienne sur la sécurité alimentaire et énergétique mondiale, notamment pour les pays en développement qui paient une facture énorme dépassant leurs capacités et entravant leurs plans de développement. Par conséquent, les efforts internationaux doivent être renforcés, afin de trouver un nouveau système de financement qui permette aux institutions financières internationales de faire preuve d’une plus grande souplesse face aux besoins des pays en développement et de proposer des idées créatives sur l’échange de dettes contre des investissements.
— Comment évaluez-vous la coopération égypto-française sur l’Afrique ?
— La coopération entre les deux pays dans ce dossier représente l’un des principaux piliers des relations franco-égyptiennes. La France a des intérêts majeurs en Afrique de par les circonstances historiques. L’Egypte, quant à elle, a le mérite de soutenir les pays africains dans les objectifs de développement. Ainsi, Paris est conscient du poids et de la présence de l’Egypte et comprend parfaitement que le rôle égyptien dans le continent repose sur un ensemble de constantes et de principes visant à instaurer la stabilité, la sécurité et le développement loin de tout agenda autre que l’intérêt de ces pays.
— Comment voyez-vous l’état actuel des relations franco-égyptiennes ?
— Les relations franco-égyptiennes ont connu un essor évident depuis 2014, dans le cadre de la prise en compte respective du poids et du rôle vital joué par les deux pays pour soutenir la stabilité et la sécurité aux niveaux régional et international. Il existe également une convergence des positions sur de nombreux dossiers qui s’est traduite par un partenariat solide reposant sur des principes clairs. Les deux présidents sont convaincus de l’importance de poursuivre cette coopération pour faire porter les relations bilatérales vers des horizons plus larges qui répondent aux intérêts des deux peuples.
— Comment peut-on évaluer l’importance des relations économiques entre l’Egypte et la France ?
— La coopération économique a été témoin d’un essor évident, notamment après la signature en juin 2021 d’un accord entre les deux gouvernements pour la mise en oeuvre de projets de développement prioritaires en Egypte, dans le cadre du « paquet de financement global » qui comprend un financement concessionnel de 8,2 milliards d’euros destinés à des projets civils dans les secteurs des transports, de l’énergie, du traitement de l’eau, de l’agriculture, de l’alimentation, du logement et de l’électricité. L’Egypte est le plus grand marché pour les exportations françaises au Moyen-Orient. Les exportations égyptiennes vers la France ont réalisé une hausse de plus de 136 % en 2022 par rapport à 2021, atteignant 2,16 milliards d’euros. L’Egypte est la 3e destination des investissements français au Moyen-Orient, alors que la France est le 7e investisseur étranger et le 3e investisseur européen (après le Royaume-Uni et les Pays-Bas) en Egypte, avec des investissements de plus de 5 milliards d’euros, répartis sur 820 projets. Je souligne que ces derniers mois ont été marqués par la participation d’entreprises françaises dans de vastes partenariats de production d’hydrogène vert dans la zone économique du Canal de Suez.
— Qu’en est-il de la coopération bilatérale dans l’enseignement et la culture ?
— D’abord, il faut mentionner le dossier de la restitution des antiquités égyptiennes, considéré comme une réussite au niveau de la coopération entre les deux pays. L’histoire a commencé par la récupération par l’Egypte de 114 pièces d’antiquités en 2021. Ce succès s’est poursuivi jusqu’à ce mois-ci avec la récupération des deux pièces d’antiquités qui avaient été pillées sur le site archéologique de Saqqara. Le tribunal français a rendu un verdict historique qui représente un précédent judiciaire, d’autant plus qu’il applique la loi égyptienne 117 de l’année 1983 sur la protection des antiquités. Cette décision peut être invoquée dans d’autres cas, que ce soit en France ou en Europe. Il existe également le projet de construction de la maison d’Egypte dans la cité universitaire de Paris, qui commencera à fonctionner en septembre. En plus, de nombreux accords ont été signés entre les universités égyptiennes et leurs homologues françaises dans maints domaines, comme la formation, les recherches conjointes et l’échange d’expertise. Ajoutons qu’environ 7 000 étudiants égyptiens poursuivent leurs études en France. Il existe également l’Université française en Egypte.
— Qu’en est-il de la coopération franco-égyptienne dans les dossiers de l’émigration illégale et la lutte contre le terrorisme ?
— La France estime beaucoup les efforts de l’Egypte dans la lutte contre l’émigration illégale. Des discussions se déroulent actuellement avec la France pour lutter contre l’émigration clandestine dans le cadre plus élargi consistant à tenir compte de l’aspect développemental. L’objectif étant de s’attaquer aux racines profondes du problème. Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, un dialogue institutionnel périodique est établi, afin d’examiner les positions face aux menaces terroristes et les moyens de les affronter.
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