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Rana Abdel-Hamid : Je rêve d’un puissant lobby égyptien à New York et dans les autres Etats américains

Osman Fekri , Vendredi, 19 mai 2023

Activiste égypto-américaine, Rana Abdel-Hamid a obtenu un verdict judiciaire autorisant l’appel à la prière par les haut-parleurs dans les mosquées de Manhattan, à New York, interdit depuis les attentats du 11 Septembre. Entretien.

Rana Abdel-Hamid

 Al-Ahram Hebdo : Vous avez obtenu un verdict judiciaire autorisant l’appel à la prière à travers les haut-parleurs à New York. Comment cela s’est-il passé ?

Rana Abdel-Hamid : J’ai grandi dans la ville d’Astoria aux Etats-Unis, j’étais jeune lorsque les événements du 11 Septembre se sont produits. Après l’effondrement des tours jumelles à Manhattan, les musulmans ont été la cible d’intimidations et l’image de l’islam et des musulmans a fait l’objet de beaucoup de préjugés. L’appel à la prière dans les mosquées à travers les haut-parleurs a été interdit. J’ai fait moi-même l’objet d’une intimidation parce que je suis voilée. Une personne m’a adressé des propos racistes et a tenté de retirer mon voile. Les musulmans et les Egyptiens étaient constamment espionnés dans les cafés, les restaurants et les mosquées, ce qui nous a donné le sentiment d’être surveillés par des radars. Les membres de la communauté musulmane voulaient que l’appel à la prière à travers les haut-parleurs soit rétabli. Les cloches de l’église sonnaient, alors pourquoi l’appel à la prière ne pouvait-il pas être lancé ? Cela m’a incitée en tant qu’activiste et avocate, diplômée de l’Université de Harvard, la plus prestigieuse des Etats-Unis, à déposer une plainte demandant le rétablissement de l’appel à la prière et j’ai obtenu un verdict qui reconnaît le droit de la communauté musulmane à faire l’appel à la prière dans les mosquées d’Astoria et dans toutes les mosquées des Etats-Unis. Pour moi, c’était une réussite et une grande fierté. Je suis une simple fille musulmane de New York et j’ai obtenu trois autorisations en faveur de l’appel à la prière dans les mosquées d’Astoria où j’ai grandi. Celui-ci sera à nouveau entendu dans les rues de la ville.

— Quels sont, selon vous, les problèmes les plus importants auxquels est confrontée la communauté arabo-musulmane dans la société américaine ?

— A mon avis, le principal problème de la communauté arabo-musulmane est l’absence de représentation politique. Personne ne défend les droits de cette communauté au Congrès et personne ne soulève les problèmes auxquels elle est confrontée, notamment le racisme et l’islamophobie. Avec l’aide des associations que nous avons fondées, nous essayons de changer l’image négative de la communauté musulmane aux Etats-Unis. Nous essayons d’obtenir un financement du gouvernement américain pour renforcer les activités de ces associations.

— Vous avez fondé trois associations de défense des droits des femmes, dont la fondation Malika et l’initiative d’autonomisation des femmes. Qu’est-ce qui vous a incitée à fonder ces associations ?

— Comme j’ai dit, quand j’avais 16 ans, j’ai fait l’objet d’une attaque sur la voie publique par un individu qui m’a battue et qui a tenté de m’enlever mon foulard. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé une initiative qui consiste à apprendre aux jeunes filles américaines d’origine musulmane à se défendre. J’ai obtenu moi-même la ceinture noire en karaté et je peux très bien me défendre. De nombreuses jeunes filles américaines d’origine arabe ou musulmane sont confrontées au racisme et à l’intimidation à cause de leur voile et du fait qu’elles sont d’origine arabo-musulmane. Nous avons créé l’organisation Malika pour les droits des femmes musulmanes pour leur apprendre à se défendre et à défendre leurs droits politiques aux Etats-Unis. Nous avons organisé des manifestations contre les décisions qui remettent en cause les droits des minorités à New York, leurs coutumes et leurs traditions. L’association Malika a lancé un programme conjoint avec le Musée des arts ici pour faire connaître la femme immigrée arabe à la société américaine, son histoire, sa vie, ses coutumes et ses traditions.

— Vous êtes militante américaine d’origine égyptienne et ancienne candidate au Congrès et cela fait de vous une icône. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

— Je viens d’Alexandrie. J’ai 29 ans. Je suis titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université de Harvard. Ma famille a émigré aux Etats-Unis il y a 30 ans et j’ai grandi à Astoria, New York, qui est une ville célèbre et bien connue pour sa communauté égyptienne et arabe. Elle est habitée par une grande majorité d’Egyptiens, de Marocains et d’Algériens. Après les événements du 11 Septembre, je suis devenue une militante politique sociale et j’essaie d’aider la communauté musulmane à faire face au racisme et à l’intimidation dont elle est victime. Par le biais d’une organisation que j’ai créée, j’ai aidé des filles et des femmes musulmanes à New York et aux Etats-Unis à connaître leurs droits et à se défendre. Mon adhésion à l’Organisation musulmane de New York m’a aidée à obtenir l’autorisation de faire l’appel à la prière par haut-parleurs à Astoria.

— Vous êtes la première femme d’origine égyptienne et la troisième musulmane à se présenter aux élections du Congrès américain. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

— Comme je vous l’ai déjà dit, le principal problème de la communauté arabo-musulmane aux Etats-Unis est l’absence de représentation politique. Mon but était d’aider la communauté musulmane égyptienne. Nous avons travaillé sur les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et les immigrés musulmans, notamment en ce qui a trait à l’assurance maladie, au logement et à la nourriture. L’organisation dont je fais partie m’a nommée pour disputer les élections. Nous avons commencé la campagne et collecté plus d’un million de dollars auprès de différentes personnes dans toute l’Amérique. Nous avons également réussi à nous procurer le soutien de 30 politiciens et organisations. Ils ont participé à ma campagne électorale qui était axée sur les droits des travailleurs, des immigrés et des minorités à New York. Dieu merci, ce fut une campagne forte, mais malheureusement, la carte électorale a changé et je me suis retrouvée dans une circonscription différente. C’était un choc pour moi et pour la communauté musulmane et égyptienne parce que nous pensions que j’avais de grandes chances de gagner.

— De quoi rêve Rana Abdel-Hamid en tant qu’Américaine d’origine égyptienne ?

— J’espère que nous pourrons unir la communauté égyptienne de New York des deuxième et troisième générations pour former un véritable lobby égyptien actif et influent dans les coulisses de l’Administration américaine et du Congrès de l’Etat de New York, et je souhaite que ce lobby puisse grandir au niveau de l’ensemble des Etats-Unis. J’espère que la communauté musulmane ici à New York sera plus forte, et surtout qu’elle sera représentée au Congrès américain. Nous voulons une génération musulmane qui aime les autres et respecte les différences. Ma famille m’a appris que je dois être fière d’être égyptienne, musulmane et arabe. Je souhaite également servir mon pays et ma patrie, l’Egypte, avec ce que j’ai acquis grâce à mes études à l’Université de Harvard. Enfin, j’aimerais voir les femmes égyptiennes obtenir plus de droits et être plus actives dans la société égyptienne.

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