Al-Ahram Hebdo : L’Egypte a réalisé ces dernières années une avancée importante en termes des droits de la femme. Quelles sont les plus importantes réalisations°?
Nehad Abul Komsan : Depuis la promulgation de la Constitution de 2014, les femmes ont réalisé des acquis sans précédent. Ceux-ci se sont traduits par des réformes législatives et des lois nouvelles assurant la protection de leurs droits. Il s’agit notamment du droit d’octroi de la nationalité égyptienne aux enfants nés d’un mariage avec un non Egyptien et d’un quota de 25 % des sièges des conseils municipaux. Il s’agit aussi d’une représentation importante de 27,4°% des sièges au Conseil des députés et de 13,3°% au Sénat, de la pleine égalité entre hommes et femmes et surtout de l’autonomisation des femmes aux niveaux politique, économique, social et autres. Aussi, pour la première fois, 50 femmes juges ont été nommées au Conseil d’Etat en 2021. Il s’agit de l’une des réalisations les plus importantes en termes de l’égalité des sexes.
— L’Egypte prend part à plusieurs forums internationaux pour démontrer les réalisations en matière des droits de l’homme et de l’autonomisation des femmes. Quelle est l’importance de ces participations ?
— La plupart des rapports internationaux prennent la situation des femmes comme critère de base pour la classification des pays. Cette classification est de grande importance, puisque par exemple, les investissements, le tourisme et les relations bilatérales sont basés sur ces rapports internationaux. D’où l’importance de la participation à ces rencontres pour mettre en lumière les grands progrès réalisés par l’Egypte en termes d’autonomisation économique et politique de la femme en Egypte. Nous pouvons dire que l’Egypte est sur la bonne voie pour assurer une autonomisation de la femme dans tous les domaines.
— Comment évaluez-vous les résultats des actions entreprises en faveur de l’autonomisation économique de la femme ?
— Un grand bond a été réalisé dans ce domaine en Egypte. L’année 2022 a témoigné de plusieurs initiatives visant à autonomiser les femmes sur le plan économique et à soutenir les femmes entrepreneuses. La Banque Misr a lancé notamment, en coopération avec la Société financière internationale (IFC), le programme « Zaat », le premier sur le financement intégré pour soutenir les femmes entrepreneuses. Le programme comprend une variété de services financiers et non financiers pour les propriétaires d’entreprise, tels que le financement, la formation, le développement des affaires et autres services. Un autre projet qui a eu un écho important est celui de « l’amélioration des opportunités des femmes dans l’industrialisation agricole » en Haute-Egypte. Le projet vise à améliorer la situation économique des femmes dans le secteur de l’industrialisation agricole dans les gouvernorats de Béni-Souef et de Minya, conformément à la Vision de l’Egypte 2030 et à la stratégie adoptée pour l’autonomisation des femmes 2030.
— Estimez-vous satisfaisante la participation politique des femmes, notamment dans les ministères, les partis et les syndicats ?
— Oui, elle est satisfaisante, mais il reste encore à faire. Il est bien vrai que nous avons au sein du gouvernement plus d’une ministre femme, mais malheureusement, et malgré la réelle volonté politique de soutenir les femmes et les multiples efforts déployés au niveau officiel et au niveau de la société civile, cela ne s’est pas traduit par un changement radical dans l’évolution du classement de l’Egypte au niveau des rapports sur le développement mondial. La participation des femmes dans la direction des partis politiques et des syndicats reste faible. Il est urgent d’adopter une législation octroyant un quota important de 35 % aux femmes dans les postes de direction et de prise de décision, y compris les partis politiques et les syndicats.
— Quelles sont les lois les plus importantes qui ont eu un impact positif sur les droits des femmes ?
— Les lois sont l’un des mécanismes les plus importants pour protéger les droits des femmes. L’un des amendements les plus importants est celui apporté au code pénal pour inclure le crime du harcèlement sexuel, qui renferme désormais toutes formes de harcèlement verbal ou physique. L’amendement renforce les peines d’emprisonnement pour atteindre dans certains cas 4 ans et des amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 L.E. dans les cas les plus graves. La peine a également été renforcée pour le crime d’excision. C’est actuellement de 5 à 7 ans, contre 3 mois à 3 ans dans l’ancienne loi. La peine peut aller jusqu’à 15 ans de travaux forcés si elle entraîne une incapacité permanente ou la mort. Toute personne commettant ce crime peut également être rayée de sa profession pendant 5 ans. En 2017, un amendement à la loi sur l’investissement a mis l’accent sur l’égalité des opportunités d’investissement sans discrimination fondée sur le sexe. En 2018, la loi sur les droits des personnes handicapées a accordé à la mère responsable d’un enfant handicapé le droit de réduire ses heures de travail d’une heure par jour. Aussi, la loi sur l’héritage a été modifiée pour garantir les droits des femmes autrefois violés.
— L’Etat accorde un grand intérêt au dossier de la santé des femmes. Quelle sont les plus importantes réalisations dans ce domaine ?
— Les initiatives sont innombrables. Nous pouvons citer, par exemple, «°l’Initiative de soutien à la santé de la femme égyptienne », lancée par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui vise la détection précoce et le traitement gratuit des tumeurs du sein. Une autre initiative a été consacrée aux femmes enceintes. Elle vise à assurer un examen intégré pour les femmes enceintes durant les mois de grossesse et à fournir les traitements nécessaires pour préserver la santé des mères et des nouveau-nés. Une autre initiative qui ne manque pas d’importance est « Femmes d’Egypte », lancée en 2020 par Maya Morsi, présidente du Conseil national des femmes, en vue de réduire les listes d’attente à l’hôpital Baheya pour le dépistage précoce et le traitement gratuit du cancer du sein. Toutes ces initiatives et d’autres ont changé la vie de milliers de femmes, surtout dans les zones modestes qui étaient en grand besoin d’être sensibilisées à l’importance de la détection précoce des maladies. Un vrai défi sur lequel toutes les organisations de la société civile continuent à travailler.
— Comment le Centre égyptien pour les droits de la femme coopère-t-il avec les autres ONG et institutions publiques pour sensibiliser les femmes à leurs droits et devoirs ?
— Le centre coopère avec de nombreuses institutions publiques et toutes les ONG qui s’occupent des femmes, puisque nous visons tous les mêmes objectifs. Par exemple, il a coopéré avec le ministère de la Jeunesse et du Sport pour organiser des réunions publiques au sein des gouvernorats afin de sensibiliser à l’importance des élections municipales et la nécessité de nommer et d’élire des femmes aux conseils municipaux. D’autres réunions sont consacrées à la sensibilisation des femmes et des jeunes filles à la violence à l’égard des femmes et à ses conséquences, au danger de l’excision et à leurs droits politiques, sociaux et autres. En plus des réunions de sensibilisation, le centre a développé une nouvelle méthode, via la diffusion d’un programme télévisé « Les histoires de Nehad », dont 100 épisodes ont été diffusés jusqu’à présent. Il vise à présenter de manière simple l’importance, les moyens et les opportunités de l’autonomisation des femmes dans tous les domaines politique, économique, social et juridique, ainsi qu’à encourager la réduction de la violence.
— Quels sont les obstacles qui empêchent la mise en oeuvre des programmes et initiatives en faveur des femmes ?
— Ce ne sont pas des obstacles, mais des objectifs que nous travaillons toujours à réaliser. Par exemple, au niveau de la réforme législative, nous travaillons sur le dossier de la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Nous appelons à adopter une loi pour lutter contre la violence domestique et le mariage précoce, à développer des centres d’aide aux femmes battues affiliés au ministère de la Solidarité, à activer les mécanismes de plaintes et de poursuites judiciaires via l’unité de la violence à l’égard des femmes relevant du ministère de l’Intérieur et, plus important encore, à protéger les femmes qui portent plainte et les témoins, en particulier dans les cas d’agression sexuelle et de violence contre les femmes, à la nécessité d’offrir des formations pour qualifier les femmes à tous les postes de direction, à augmenter la représentation féminine dans les conseils municipaux, le parlement et autres. Nous appelons également à la révision des programmes scolaires pour les purifier de toute discrimination à l’égard des femmes et pour assurer une amélioration de leur image et de leur respect dans la société.
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