Al-Ahram Hebdo : Quel bilan faites-vous de votre visite au Caire et de la coopération au développement entre le Canada et l’Egypte ?
Harjit Sajjan : Tout d’abord, je suis fort heureux d’être ici en Egypte pour la quatrième fois. Je suis également heureux que l’Egypte accueille la COP27 qui discutera des principaux défis climatiques dans le monde. Je voulais suivre en personne les efforts déployés par l’Egypte pour préparer cette conférence, ainsi que les progrès réalisés dans les domaines de l’autonomisation de la femme, de la santé et de l’agriculture, parce que tout cela est dans l’intérêt des pauvres et des vulnérables. En fait, j’ai été très impressionné par ce que j’ai vu ici. Les décisions sont prises à de hauts niveaux. Ce qui signifie qu’il s’agit d’efforts crédibles. Entre 2010 à 2020, le Canada a fourni à l’Egypte une aide internationale de 115,5 millions de dollars, alors que le programme de développement canadien avec l’Egypte est évalué à près de 5 millions de dollars. Celui-ci accorde la priorité à l’aide aux femmes et aux filles pour surmonter les obstacles à l’égalité des sexes et soutenir leur accès à un large éventail d’opportunités économiques et sociales.
Malgré l’impact persistant de la pandémie de Covid-19 sur l’économie mondiale, le commerce entre l’Egypte et le Canada s’est maintenu à des niveaux stables au cours de la dernière année 2021. Les relations commerciales entre les deux pays n’ont montré aucun signe de ralentissement. Le commerce bilatéral s’est établi en moyenne à environ 1,6 milliard de dollars au cours de la période de 2018 à 2021 et les entreprises canadiennes ont maintenu leurs investissements en Egypte, en particulier dans les domaines de la pétrochimie, du pétrole et du gaz.
— Le monde fait face à de grands défis dans le domaine de la sécurité alimentaire en raison de la guerre en Ukraine. Quels sont les types de coopération entre l’Egypte et le Canada dans l’agriculture à la lumière de l’expertise du Canada dans ce domaine ?
— Le Canada possède un secteur agricole puissant. Nous devons donc coopérer dans le domaine de la sécurité alimentaire, surtout que les changements climatiques ont un large impact sur la sécurité alimentaire et les prix des produits agricoles. Par conséquent, nous sommes ici pour étudier les occasions de renforcer l’Egypte dans ce domaine comme nous l’avons fait avec d’autres pays tels le Yémen et les pays de la Corne de l’Afrique. L’Egypte a marqué des progrès importants dans les domaines de l’eau et de l’énergie, de l’utilisation des semences, des engrais et des fertilisants agricoles, ainsi que dans la gestion des problèmes environnementaux. Elle peut devenir un modèle pour les autres pays.
Il ne fait aucun doute que le Canada possède une grande expertise, ainsi que des capacités technologiques et créatives très appropriées pour aider le secteur agricole et alimentaire en Egypte afin de faire face aux défis des changements climatiques et de la crise alimentaire. Cette expertise s’étend aux systèmes de gestion agricole dans les terres arides, en particulier dans le domaine de la gestion de l’eau et du drainage sanitaire, de l’expansion de la production égyptienne de lentilles, de la diversification des cultures agricoles en plus du blé, de l’utilisation des engrais, de la biodiversité dans l’agriculture et de la mise à jour des protocoles de sécurité alimentaire.
Grâce à son engagement climatique estimé à 5,3 milliards de dollars, le Canada travaillera avec des pays en développement comme l’Egypte pour soutenir les efforts d’adaptation aux changements climatiques et l’utilisation des technologies intelligentes dans l’agriculture et les pratiques des systèmes alimentaires et également pour fournir des solutions agricoles fondées sur la nature qui conviennent aux efforts de préservation du climat. Le Canada soutient également le développement d’une stratégie mondiale de sécurité alimentaire fondée sur les solutions locales disponibles dans chaque pays et répondant aux défis émergents.
Je suis heureux d’annoncer que le Canada travaillera avec l’Egypte pour approuver une initiative de 10 millions de dollars en Egypte en partenariat avec la FAO (ndlr : Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture), dans le cadre du Programme canadien de financement climatique, qui appuiera l’adoption de pratiques et de technologies agricoles intelligentes, respectueuses de la biodiversité et des changements climatiques, dans le but de renforcer les capacités des communautés rurales les plus vulnérables de la Haute-Egypte, en particulier à Assouan, ainsi qu’à Béheira et à Kafr Al-Cheikh.
— Avez-vous rencontré des problèmes au cours de votre action en faveur du développement en Egypte, que ce soit du côté du gouvernement ou des communautés locales ?
— Non, au contraire, j’ai trouvé une agréable surprise. De nombreux ministres m’ont posé cette question et il était très facile d’en parler avec eux. Je reviendrai très probablement en Egypte en novembre prochain, et nous verrons comment les choses se passeront.
— A l’approche de la tenue de la COP27 en Egypte, en novembre, quelles sont les possibilités de coopération avec le Canada dans le domaine de l’énergie propre ?
— L’énergie et l’adaptation au climat relèvent de la responsabilité de mon ministère. J’essaye de saisir au vol les opportunités de coopération, surtout dans le domaine de l’énergie renouvelable. Lorsque j’ai visité certains Etats, nous leur avons accordé un soutien dans l’installation de stations d’énergies renouvelables et d’électricité. Des projets énormes ont eu lieu effectivement en Egypte et nous sommes là pour savoir la vision du pays et détecter par quels moyens nous pouvons le soutenir. Lorsque la question relève de l’énergie, nous verrons qu’elle est enchevêtrée avec d’autres secteurs.
Le climat et l’environnement changent effectivement en Egypte à cause des impacts diversifiés du phénomène du changement climatique parmi lesquels la hausse des degrés de température, le changement des modes de pluies et d’inondations, les variations climatiques extrêmes et la hausse du niveau de la mer. A l’heure où l’Egypte se prépare à accueillir la Conférence du climat en novembre prochain, la priorité du Canada est de poursuivre l’action avec les acteurs locaux et internationaux pour aider les pays en développement, parmi lesquels l’Egypte, au niveau du transfert à l’usage des matières générant des émissions carboniques moindres.
— L’Egypte parlera au nom des pays africains pendant la COP27 afin de faire assumer aux pays industrialisés leur part de responsabilité dans le changement climatique. Qu’en pensez-vous ?
— Nous avons voulu apporter un soutien à cette cause et nous sommes heureux que l’Egypte soit la voix de l’Afrique dans cette conférence. Le Canada est d’accord sur le fait que les Etats développés assument la responsabilité et qu’ils doivent apporter de l’aide aux pays en développement pour faire face aux séquelles du changement climatique. Avant la tenue de la COP27, nous affirmons que nous avons soutenu les Etats en développement en ce sens et nous avons l’intention de continuer sur cette voie.
— La sécurité hydrique est importante dans le domaine du changement climatique. Le Canada a-t-il des propositions pour régler le problème du barrage de la Renaissance qui oppose l’Ethiopie à l’Egypte et au Soudan ?
— Il est certain que nous réalisons l’importance de la sécurité hydrique de tous les Etats. Et nous savons parfaitement bien que le Nil est la source d’eau pour un nombre de pays et qu’une quelconque mesure entreprise par un Etat influence les autres. Nous soutenons le principe de la disponibilité de l’eau à tous selon les besoins de chaque Etat. D’autant que dans certains pays, la disponibilité de l’eau est excédentaire. Lorsque j’ai visité récemment le Soudan, j’ai trouvé qu’il souffrait d’inondations; raison pour laquelle chacun doit tenir compte de l’autre.
Le Canada comprend l’importance de l’effet que générera le barrage de la Renaissance sur la prospérité économique et sécuritaire des Etats concernés. Raison pour laquelle il encourage la coopération régionale entre ces Etats, à travers le soutien des organisations régionales comme l’Union africaine. Les Etats doivent s’accorder sur les principes de la gestion hydrique frontalière.
— L’Egypte a réalisé des progrès dans l’autonomisation de la femme. Qu’en pensez-vous ?
— L’autonomisation de la femme est une politique gouvernementale clé. J’ai été heureux de voir de nombreuses initiatives dans ce sens. Notre équipe fait de son mieux pour voir comment on peut aider au niveau de ce dossier comme d’autres.
— L’Egypte accueille plusieurs millions de réfugiés. Que pensez-vous de sa politique dans ce domaine ?
— Nous saluons l’Egypte pour l’accueil des réfugiés et leur insertion dans la société. Nous sommes présents pour avoir une idée précise de ce que l’Egypte accomplit afin de lui tendre la main par les meilleurs moyens. Naturellement, quand on intègre les réfugiés dans une société, cela améliore la structure sociale. C’est positif que l’Egypte ne possède donc pas de camps pour réfugiés.
— Vous êtes descendant d’une famille d’immigrés au Canada, alors que vous avez occupé de hauts postes de responsabilité. Pouvez-vous nous expliquer la politique du Canada envers les immigrés ?
— Tous les Canadiens sont des immigrés. Le secret de la réussite de la politique des immigrés au Canada est leur acceptation des autres cultures qui ne font qu’enrichir la société. Preuve en est que nous organisons des festivités pour les Chinois et les Indiens. Bien sûr c’était difficile pour la première génération, mais plus tard, les conditions étaient meilleures.
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