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Philippe Garcia : L’Egypte est un marché prioritaire pour les investisseurs français

Hala Fares , Mercredi, 06 juillet 2022

Philippe Garcia, conseiller commercial de l’ambassade de France et directeur de Business France, explique la place des investissements français en Egypte.

Philippe Garcia

Al-Ahram Hebdo : Quels sont les secteurs porteurs en Egypte du point vue français ?

Philippe Garcia : Tous les secteurs porteurs traditionnels sur lesquels la France est présente en Egypte restent les mêmes malgré la crise et l’environnement économique, c’est-à-dire le transport, l’infrastructure, le développement durable et la santé. Il y a aussi de nouveaux secteurs compte tenu de la situation mondiale qui deviennent plus prioritaires pour le l’Etat égyptien, comme la sécurité alimentaire, ce qui ouvre de nouvelles opportunités impliquant un nouveau modèle économique par l’accroissement de la production agricole et agroalimentaire.

 Y a-t-il donc eu des ententes dans le secteur agro-alimentaire ?

— De façon concrète, non. Il y a une demande égyptienne pour que des entreprises françaises viennent investir dans les domaines agricole et alimentaire pour fournir des biens et services permettant d’améliorer la productivité agricole et de rationaliser la consommation d’eau. Et Business France de son côté observe qu’il y a de plus en plus d’entreprises françaises de la filière agricole et agroalimentaire qui s’intéressent au marché égyptien. Dû au problème de la sécurité alimentaire, il faut faire en sorte qu’il y ait moins de pertes post-récolte — qui s’élèvent en Egypte entre 30 et 40% — à cause de la capacité de transport, de stockage et des infrastructures liées — chambres froides, etc. C’est une question de chaîne d’approvisionnement qui n’est pas suffisamment développée. A ce sujet, l’AFD travaille sur un projet de mise en place de marchés de gros à proximité des lieux de production et de consommation. Semmaris, l’opérateur du marché de Rungis notamment, pourrait contribuer à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement alimentaire en Egypte. Cela va de pair avec la contribution de Bpifrance, la banque publique pour l’investissement, dont l’une des missions est de créer des outils financiers pour aider les entreprises françaises à s’internationaliser : la prochaine mission importante d’entreprises françaises en Egypte — 11 au 14 septembre 2022, co-organisée par Bpifrance, Crédit agricole et Business France — sera constituée d’une quinzaine de PME spécialisées dans la fourniture de biens et services à haute valeur ajoutée au service des chaînes de valeur agricole et agroalimentaire égyptiennes.

— Dans quel secteur se concentrent les investissements français ?

— On se concentre sur de nombreux secteurs et on continue même à travailler avec des entreprises dans les domaines de la cosmétique, la parfumerie, le luxe, etc. Si aujourd’hui exporter des produits de luxe est compliqué, l’Egypte mérite qu’on s’y positionne même en situation difficile car c’est un marché prioritaire qui ne peut pas être marginalisé parce que depuis quelques mois il y a des restrictions aux importations pour quelques produits. Les entreprises françaises continuent à vouloir travailler avec l’Egypte dans le respect des mesures qui ont été prises.

— Quelle est la valeur des investissements français en Egypte et dans quels secteurs se concentrent-ils ?

— Aujourd’hui le total de la présence d’investissement française en Egypte (stock) représente 5,5 milliards d’euros. Alors que le flux d’investissement est de 276 millions d’euros. En 2021 on peut compter l’existence de 4300 exportateurs réguliers français en Egypte, et environ 200 filiales françaises. Les exportations françaises en Egypte ont atteint 1,86 milliard d’euros avec une hausse de 2,7% par rapport à 2020. Celles-ci se concentrent dans le domaine de l’aviation, de la santé et des produits industriels. Alors que l’Egypte a exporté à la France pour une somme de 850 millions d’euros avec une augmentation de 42 % par rapport à 2020, surtout dans les domaines de fertilisants, produits chimiques et produits alimentaires.

— Quelle est l’ampleur de la présence des PME françaises en Egypte ?

— Au cours des trois dernières années, entre 10 et 15 nouvelles PME ont créé des filiales en Egypte dans les secteurs de l’industrie pétrolière, du traitement de l’eau et de l’agroalimentaire. La politique menée par le gouvernement est de développer une industrie locale de leur investissement plutôt que de n’être que des exportateurs. Il y a déjà des entreprises qui exportaient leurs produits à 100% et maintenant une partie de ce qu’elles exportaient est produite ici en Egypte. Nos exportateurs localisent leurs productions pour être plus compétitifs et répondre aux besoins du marché égyptien. Les entreprises françaises ont confiance dans le développement économique de l’Egypte. Alors je veux que les PME et les ETI françaises n’hésitent pas à investir en Egypte.

— Quelles sont les opportunités pour de nouveaux investissements français en Egypte ?

— L’Egypte a les moyens d’accueillir des investissements étrangers surtout dans la zone économique du Canal. On a un dialogue avec les dirigeants de la zone économique et on est prêt à soutenir les investissements français. Mais nous ne disposons que de peu d’informations concrètes nous permettant d’indiquer aux entreprises françaises quel type d’incitation la zone économique pourrait offrir aux investisseurs. Pour susciter une appétence forte des entreprises françaises pour investir dans la zone économique, il faudrait qu’elles aient connaissance d’un certain nombre d’avantages comparatifs et concurrentiels par rapport à d’autres zones dans le monde. Ça peut être une facilité fiscale, ou une mise à disposition de terrain, ou d’une main-d’oeuvre qualifiée, mais il faut qu’il y ait des avantages.

— Qu’en est-il des investissements français en relation avec l’Autorité du Canal de Suez ?

— On a eu des discussions fréquentes avec les autorités du Canal de Suez avec qui on a des relations très étroites. On a des projets qu’on souhaiterait mettre en oeuvre sur la gestion du trafic, la sécurité, la digitalisation et l’environnement pour permettre au Canal de Suez de progressivement diminuer son empreinte carbone. On cherche à digitaliser les opérations de connexion avec les ports et les compagnies maritimes, les douanes pour sécuriser le trafic et le fluidifier.

— Comment la France peut-elle profiter du rapprochement entre l’Egypte et les pays de l’Afrique subsaharienne ?

— Les entreprises françaises sont conscientes que l’Egypte est un pays intéressant pour son influence économique et politique sur l’ensemble du continent africain. Si une entreprise française souhaite avoir une approche commerciale avec l’ensemble de l’Afrique, l’Egypte est une option intéressante. On considère qu’en Egypte, il y a trois grands groupes Hassan Allam, Elsweedy et Orascom avec lesquels Business France a signé des accords en 2020 dans plusieurs domaines pour développer les partenariats avec les entreprises françaises dans des projets en Egypte, en Afrique et dans les pays du Golfe.

— Quelles sont les mesures que le gouvernement peut prendre pour améliorer le climat d’investissement ?

— Développer le secteur privé égyptien. J’ai découvert au cours de mon séjour qu’il existe des entreprises privées dans différents domaines qui potentiellement pourraient avoir plus de parts dans le marché en Egypte et même ont la capacité d’exporter en Afrique et en Europe. Mais ces entreprises ont l’impression que l’Europe est un marché difficile et concurrentiel. Je regrette que les entreprises égyptiennes privées ne tentent pas le marché français comme exportatrices ou investisseurs surtout qu’il y a malheureusement très peu d’investisseurs en France. A ce sujet, il y a une belle initiative qui est en train d’être mise en place, à la demande du président Abdel-Fattah Al-Sissi, par 5 banques publiques égyptiennes avec lesquelles on est en contact pour identifier ce qu’on appelle les « hidden champions privés ». On cherche des entreprises égyptiennes du secteur privé, taille moyenne, sans grande notoriété qui font des bénéfices, qui connaissent un taux de croissance important, qui sont potentiellement exportatrices et qui peuvent investir à l’étranger, en Afrique, en Europe ou aux Etats-Unis. C’est une initiative qui a la capacité de soutenir un grand nombre d’entreprises privées qui travaillent dans l’anonymat sans soutien particulier. Une fois qu’on les aura identifiées, je pense que le système bancaire égyptien, comme on l’a fait en France, pourra leur accorder des financements, des formations et leur donner confiance.

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