Inventeur ? innovateur ? Entrepreneur en génie ? Professeur d’université ? Ou bénévole très actif au sein de la communauté égypto-canadienne ? Hatim Zaghloul partage plusieurs mondes difficiles à cerner. Des mondes qui semblent être distincts, mais lui, il arrive souvent à les combiner. D’ailleurs, il a dû passer des années pour franchir les seuils de ces mondes, dont les portes ne sont pas ouvertes d’une seule frappe ! Issu d’une famille de la classe moyenne, son père était secrétaire à l’ambassade égyptienne à Londres et sa mère directrice d’école. Hatim est le cadet parmi 5 autres frères de qui il a appris l’assiduité et l’application. « Mes frères et moi sommes très proches. Tous sont des ingénieurs et un seul est ingénieur géologue. J’ai tant rêvé de faire des études en physique. Or, mes frères m’ont conseillé l’ingénierie, affirmant que c’est un domaine promettant un avenir plus sûr et prospère. De plus, j’avais déjà leurs notes de cours à ma disposition », raconte Hatim modestement, sans oublier de mentionner la spécialisation qu’il a de tout temps adorée : le génie électronique.
A l’Université du Caire, il était parmi les étudiants les plus distingués. Normal. Les sciences étaient depuis son âge tendre son domaine favori. Même les films qu’il préférait visionner et les romans qu’il tendait à lire étaient tous de science-fiction. « Plus qu’un art de l’imaginaire, la science-fiction est un genre qui tient compte du progrès scientifique et technique pour penser et anticiper la société de demain », défend-il ainsi le genre dont il est toujours un grand fan. La lecture aussi est un hobby qu’il a exercé depuis longtemps avec amour. « Je me souviens bien que lorsque j’étais en deuxième année préparatoire, j’ai découvert la bibliothèque abandonnée sur le toit du lycée. J’ai mis des jours à la nettoyer et à y mettre de l’ordre. Tout le monde était alors ébloui de cet effort et la bibliothèque était redevenue le lieu favori de tous les amateurs de livres ».
Sociable et studieux, le jeune homme a connu le succès à chaque initiative entreprise, petite ou grande. Or, cela ne l’a pas empêché de chercher le succès ailleurs. Sortir des sentiers battus est-il un raisonnement orienté ? « Une règle à retenir : une personne brillante l’est toujours n’importe où ; et une personne nulle l’est aussi partout », affirme-t-il sans hésitation. Et d’ajouter : « J’avais l’amour du voyage dans les veines. J’avais pris l’habitude de visiter mon père qui vivait à Londres, pendant l’été. En outre, j’avais déjà travaillé aux Pays-Bas et en Allemagne. De retour, j’ai été envahi par le sentiment d’avoir besoin de progresser scientifiquement, je me disais qu'il me manquait encore beaucoup de savoirs. Ainsi, la décision était prise : faire des études en physique, mon domaine préféré. En effet, cette décision était prise à bord de l’avion, à l’âge de 26 ans, en un vol en direction du Canada, pour visiter mes frères installés là-bas ».
A Calgary, Hatim Zaghloul rejoint son ancien rêve de faire des études en physique. Deux ans avant de soutenir sa thèse de doctorat, il est parvenu, avec son ancien collègue à l’Université du Caire, Michel Fattouche, qui a fait des études en génie informatique, à une technologie de communication sans fil à haute vitesse : WI-LAN offrant des solutions uniques et rentables basées sur deux technologies : Orthogonal Frequency Division Multiplexing (W-OFDM) et Multi-Code Direct Sequence Spread Spectrum (MC-DSSS). Ces technologies brevetées constituent le fondement des normes internationales proposées et sont au coeur des produits sans fil WI-LAN. « L’idée du WI-LAN m’est venue tout naturellement. Je travaillais au cours de mon doctorat sur l’électromagnétisme. En parallèle, je travaillais, depuis 1989, pour la société d’Alberta Government Telephones (AGT), devenu plus tard Telus, la deuxième, sinon la plus grande société de téléphones au Canada. Celle-ci a voulu être la première société à procéder à une transition de la première à la deuxième génération de réseau 2G ; donc un passage du digital au numérique : ce qui implique par la suite un changement au niveau de la vitesse de transfert des bases de données », explique-t-il sur le ton d’un professeur qui sait aborder en toute simplicité un sujet compliqué. « J’ai été choisi pour diriger un projet qui consistait à proposer un nouveau système compatible avec le numérique. Il y avait déjà 6 systèmes en place. J’ai choisi avec Michel Fattouche un système d’entre eux, mais, j’ai souligné dans un rapport que tous les systèmes en place étaient mauvais y compris celui qu’on avait choisi ».
Le rapport a été vivement critiqué. « On m’a dit : vous venez de terminer vos études en physique pour critiquer tous les systèmes en place ? Trouvez-nous un bon nouveau système, alors ! C’était une phrase lourde qui nous a pris la tête Fattouche et moi ». Fattouche a réussi à trouver un nouveau système, mais qui soulevait quelques problèmes. En peu de temps, Hatim a réussi à les résoudre, et voilà ! En 1992, leur innovation a été brevetée.
Ensuite, c’est par pur hasard qu’il a eu accès au monde des affaires. Les deux chercheurs ont voulu vendre leur invention, mais en vain. « Un grand homme d’affaires qui s’intéressait aux inventions a souligné que notre innovation était bonne, mais personne n’achèterait une technologie sauf si elle est mise en application. Il nous a conseillé de fonder une entreprise. Celle-ci devrait par la suite créer des prototypes qui aideraient à la commercialisation de notre technologie. Il a demandé qu’on travaille avec lui pendant un an, en contre-échange de 5 millions de dollars chacun. Il nous a dupés, et plus encore, il n’a pas tenu ses promesses. Fattouche a hypothéqué sa maison pour financer l’entreprise, puis nos amis ont intervenu pour nous aider ». L’entreprise a été introduite à la Bourse de Toronto en mars 1998 et a atteint une capitalisation boursière de plus de 500 millions de dollars, selon la presse canadienne. En 2000, Hatim Zaghloul a été choisi par Macleans, le plus important magazine sociopolitique canadien, parmi les hommes les plus influents du Canada, avec entre autres l’ambassadeur canadien aux Etats-Unis, le célèbre journaliste de l’ABC news Peter Jennings … « On m’a choisi car j’avais fondé une entreprise qui a réussi à s’imposer sur le marché de la technologie de pointe », souligne-t-il.
Pourtant, les difficultés ne manquaient pas. Manque d’argent, solitude, etc. Il fallait aussi savoir comment agir, sans lâcher prise. Au Canada, il n’a jamais connu d’actes de ségrégation. « A l’Université de Calgary, j’ai été aimé de tous car j’étais appliqué et j’aimais donner un coup de main à mes amis », souligne Hatim.
En dépit d’un emploi de temps assez surchargé au quotidien, il a tenu à créer un magazine qui s’intéresse aux affaires de la communauté arabo-musulmane à Calgary. « Quelque temps après, j’ai été nommé chef de la communauté arabo-musulmane de Calgary. Je devais non seulement prendre part aux questions liées à la communauté, mais aussi surveiller les mosquées. Je surveillais 65 % des mosquées au Canada et aux Etats-Unis ». Mais en tant que businessman, a-t-il vraiment le temps de participer à toutes ces activités ? « Il y a ce qu’on appelle la délégation de pouvoir : ceci dit, il y a d’autres personnes qui sont chargées de m’aider : mon rôle est plutôt de définir les objectifs à atteindre et les moyens d’y parvenir. Mon but principal était de refléter une image de l’islam, différente de la vision erronée des médias ». Toutefois, il n’avait jamais pensé qu’une insertion pareille dans la vie sociale et scientifique impacterait sa vie autant. « Le Service Canadien du Renseignement de Sécurité (SCRS) m’a averti à plusieurs reprises que le Mossad me poursuit de près … ».
Or, rien ne l’empêche de poursuivre son parcours, combinant science et business, les deux faces de la médaille. « Les peuples orientaux valorisent plus les biens immobiliers, les constructions. La valeur des idées est un concept qui manque dans nos sociétés. A titre d’exemple, l’investisseur qui détient le capital croit que celui qui possède l’idée n’est pas sur un pied d’égalité ».
La recette de son succès ? Elle est évidente et simple : « Il ne faut pas passer des heures sur Facebook et Twitter. Ces derniers ne sont pas des réseaux sociaux mais plutôt des moyens de distanciation sociale. Il ne faut pas non plus faire son travail à la dernière minute, mais plutôt respecter les dates-limites et essayer de finir sa mission avant les deadlines. Impossible de réussir sans persévérance, dévouement et organisation. Bref, Tout cela ne pourrait avoir lieu qu’à travers la sérénité. Celle-ci fait partie intégrante du bien-être. Et finalement, toutes les questions qui n’ont pas de réponses constituent des axes de recherche et de réflexion, il ne faut pas les abandonner … ».
Jalons
7 février 1957 : Naissance à Guiza, en Egypte.
1979 : Diplôme en génie électrique de l'Université du Caire.
1980 : Diplôme en mathématiques appliquées de l'Université de Aïn-Chams.
1981-1983 : Ingénieur en diagraphie des puits de pétrole à Schlumberger
Wireline Services.
1984-1989 : Maître-assistant à l’Université de Calgary.
1985 : Master en physique de l’Université de Calgary.
1988-1990 : Professeur de statistiques à l’Université d’Athabasca à Alberta,
au Canada.
1994 : Doctorat en physique de l’Université de Calgary.
1999 : Désigné par le magazine Canadian Computer Wholesaler comme
« Technically Excellent Canadian ».
2000 : Nommé parmi l’un des 10 Canadiens les plus influents,
par le magazine Macleans.
2016-jusqu’à présent : Fondateur et PDG de Innovatian, entreprise avant-gardiste dans la conception des réseaux de télécommunications décentralisés.
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