Mardi, 10 décembre 2024
Al-Ahram Hebdo > L'invité >

Achraf Al-Araby : « En temps de crise, il faut un budget expansionniste »

Marwa Hussein, Dimanche, 21 juillet 2013

Achraf Al-Araby, nouveau ministre de la Planification, était déjà à ce poste avant d’être démis de ses fonctions par Mohamad Morsi il y a deux mois. Il veut préparer le terrain aux investissements privés et favoriser l’éducation à travers une réorganisation des subventions.

Eco

Al-Ahram Hebdo : Le gou­vernement peut-il modi­fier le budget de l’Etat, débattu il y a quelques mois par le Conseil consultatif et qui devait entrer en vigueur début juillet ?

Achraf Al-Araby : Tout devrait être clair d’ici une semaine ou deux. Le groupe économique et le gouver­nement se réunissent cette semaine pour réévaluer la situation dans le cadre des objectifs que nous voulons atteindre au cours de la période tran­sitoire. Il est possible que le budget reste tel qu’il est, vu l’effort déployé pour le formuler, mais je n’exclus pas la possibilité d’y apporter des modifications.

— Certains économistes prô­nent un budget expansionniste caractérisé par une hausse des investissements publics alors que d’autres estiment que la priorité doit être la réduction du déficit budgétaire. Quelle est votre posi­tion ?

— Je suis pour un budget expan­sionniste en temps de crise, afin de relancer l’activité économique. Je suis convaincu que le rôle essentiel dans ce domaine doit être mené par le secteur privé, mais dans les condi­tions actuelles, le gouvernement doit intervenir. Nous avons besoin non seulement d’augmenter les investissements publics, mais aussi de s’assurer qu’ils sont efficaces et qu’ils sont véritablement réalisés. Car parfois les investissements men­tionnés dans le budget ne sont pas mis en place pour une raison ou pour une autre, généralement liée à l’instabilité politique. On a besoin d’investir dans le secteur de la construction qui demande une main-d’oeuvre importante, pour lutter contre le chômage. Mais ce point est encore à discuter au sein du gouver­nement.

— Mais les emplois créés dans le secteur de la construction sont temporaires et précaires. Pourquoi ne pas investir dans le secteur industriel ?

— Le gouvernement peut investir indirectement dans ce secteur à tra­vers les entreprises publiques (ndlr : hors budget de l’Etat). Les investis­sements publics doivent plutôt se faire dans des domaines qui prépa­rent le terrain aux investissements privés. L’infrastructure en Egypte, comme tout le monde peut le consta­ter, souffre d’un manque d’investis­sement.

— Pourquoi avez-vous annoncé que le prêt du FMI serait reporté jusqu’à ce qu’un gouvernement élu soit en place ?

— J’étais et je resterai en faveur du prêt du FMI, vu que sa conclu­sion sera un certificat affirmant que l’économie égyptienne est sur le bon chemin. Mais certains médias n’ont pas été précis en rapportant mes propos. Ce que j’ai dit c’est que le moment n’est pas favorable pour entamer un nouveau cycle de dis­cussions avec le FMI. Il faudrait plutôt attendre que la communauté internationale com­prenne mieux les changements poli­tiques qui ont lieu en Egypte. En tout cas, sans ou avec le prêt du FMI, on a besoin d’une feuille de route politique et économique pour avoir un plan qui réponde aux pro­blèmes de l’érosion des réserves moné­taires, de la hausse du chômage et de l’inflation, de l’augmentation du déficit budgétaire, et qui encourage le flux des investissements.

— Les gouvernements successifs parlent de l’importance d’une baisse des subventions à l’éner­gie — subventions qui ravagent le budget — mais ils n’ont jamais présenté de plan pour protéger les plus pauvres contre la hausse des prix qui suivra inéluctablement la réduction de ces subventions. Comment allez-vous faire pour marier baisse des subventions et justice sociale ?

— Les subventions à l’énergie ne jouent pas de rôle efficace pour réduire la pauvreté. Le système actuel enracine les disparités sociales. L’idée n’est pas de couper les subventions, mais de les restruc­turer pour qu’elles bénéficient aux plus démunis. Ces sommes devront être dépensées sur l’éducation, un facteur-clé pour assurer une égalité des opportunités. On a aussi besoin de moderniser le réseau de transport public, de développer les bidon­villes et de fournir des projets de logement aux pauvres. Bref, il faut un nouveau contrat social qui relance celui établi entre le gouverne­ment et le peuple avant la révolution et selon lequel le peuple bénéficie des subventions. En revanche, le gou­vernement n’est pas inquiet au sujet de la corruption et du manque d’efficaci­té. Cet état ne peut plus durer.

— Vous avez participé à diffé­rents gouvernements après la révolution. Que pensez-vous du gouvernement actuel ?

— Je suis très optimiste. Je crois que le groupe économique est très fort et intellectuellement cohérent. Son objectif est d’associer justice sociale et croissance économique. Le gouvernement précédent ne jouissait pas de cette harmonie.

— Avez-vous pensé à démission­ner lors du précédent gouverne­ment ?

— Je n’ai jamais pensé à démis­sionner. Je l’aurais fait si j’avais senti que je faisais des choses allant à l’encontre de mes convictions, mais ça n’a jamais été le cas. C’est un honneur pour moi de servir mon pays à un moment aussi critique. L’économie est le domaine où je sais comment être utile .

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique