Al-Ahram Hebdo : Le gouvernement peut-il modifier le budget de l’Etat, débattu il y a quelques mois par le Conseil consultatif et qui devait entrer en vigueur début juillet ?
Achraf Al-Araby : Tout devrait être clair d’ici une semaine ou deux. Le groupe économique et le gouvernement se réunissent cette semaine pour réévaluer la situation dans le cadre des objectifs que nous voulons atteindre au cours de la période transitoire. Il est possible que le budget reste tel qu’il est, vu l’effort déployé pour le formuler, mais je n’exclus pas la possibilité d’y apporter des modifications.
— Certains économistes prônent un budget expansionniste caractérisé par une hausse des investissements publics alors que d’autres estiment que la priorité doit être la réduction du déficit budgétaire. Quelle est votre position ?
— Je suis pour un budget expansionniste en temps de crise, afin de relancer l’activité économique. Je suis convaincu que le rôle essentiel dans ce domaine doit être mené par le secteur privé, mais dans les conditions actuelles, le gouvernement doit intervenir. Nous avons besoin non seulement d’augmenter les investissements publics, mais aussi de s’assurer qu’ils sont efficaces et qu’ils sont véritablement réalisés. Car parfois les investissements mentionnés dans le budget ne sont pas mis en place pour une raison ou pour une autre, généralement liée à l’instabilité politique. On a besoin d’investir dans le secteur de la construction qui demande une main-d’oeuvre importante, pour lutter contre le chômage. Mais ce point est encore à discuter au sein du gouvernement.
— Mais les emplois créés dans le secteur de la construction sont temporaires et précaires. Pourquoi ne pas investir dans le secteur industriel ?
— Le gouvernement peut investir indirectement dans ce secteur à travers les entreprises publiques (ndlr : hors budget de l’Etat). Les investissements publics doivent plutôt se faire dans des domaines qui préparent le terrain aux investissements privés. L’infrastructure en Egypte, comme tout le monde peut le constater, souffre d’un manque d’investissement.
— Pourquoi avez-vous annoncé que le prêt du FMI serait reporté jusqu’à ce qu’un gouvernement élu soit en place ?
— J’étais et je resterai en faveur du prêt du FMI, vu que sa conclusion sera un certificat affirmant que l’économie égyptienne est sur le bon chemin. Mais certains médias n’ont pas été précis en rapportant mes propos. Ce que j’ai dit c’est que le moment n’est pas favorable pour entamer un nouveau cycle de discussions avec le FMI. Il faudrait plutôt attendre que la communauté internationale comprenne mieux les changements politiques qui ont lieu en Egypte. En tout cas, sans ou avec le prêt du FMI, on a besoin d’une feuille de route politique et économique pour avoir un plan qui réponde aux problèmes de l’érosion des réserves monétaires, de la hausse du chômage et de l’inflation, de l’augmentation du déficit budgétaire, et qui encourage le flux des investissements.
— Les gouvernements successifs parlent de l’importance d’une baisse des subventions à l’énergie — subventions qui ravagent le budget — mais ils n’ont jamais présenté de plan pour protéger les plus pauvres contre la hausse des prix qui suivra inéluctablement la réduction de ces subventions. Comment allez-vous faire pour marier baisse des subventions et justice sociale ?
— Les subventions à l’énergie ne jouent pas de rôle efficace pour réduire la pauvreté. Le système actuel enracine les disparités sociales. L’idée n’est pas de couper les subventions, mais de les restructurer pour qu’elles bénéficient aux plus démunis. Ces sommes devront être dépensées sur l’éducation, un facteur-clé pour assurer une égalité des opportunités. On a aussi besoin de moderniser le réseau de transport public, de développer les bidonvilles et de fournir des projets de logement aux pauvres. Bref, il faut un nouveau contrat social qui relance celui établi entre le gouvernement et le peuple avant la révolution et selon lequel le peuple bénéficie des subventions. En revanche, le gouvernement n’est pas inquiet au sujet de la corruption et du manque d’efficacité. Cet état ne peut plus durer.
— Vous avez participé à différents gouvernements après la révolution. Que pensez-vous du gouvernement actuel ?
— Je suis très optimiste. Je crois que le groupe économique est très fort et intellectuellement cohérent. Son objectif est d’associer justice sociale et croissance économique. Le gouvernement précédent ne jouissait pas de cette harmonie.
— Avez-vous pensé à démissionner lors du précédent gouvernement ?
— Je n’ai jamais pensé à démissionner. Je l’aurais fait si j’avais senti que je faisais des choses allant à l’encontre de mes convictions, mais ça n’a jamais été le cas. C’est un honneur pour moi de servir mon pays à un moment aussi critique. L’économie est le domaine où je sais comment être utile .
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