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Wang Yi : L’Egypte et la Chine veulent porter leurs relations au rang de partenariat stratégique

Mardi, 14 janvier 2020

En visite au Caire, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, revient sur la coopéra­tion entre son pays et l'Egypte, qu'il juge fructueuse, et les dossiers régionaux.

Wang Yi,

Par Alaa Sabet,

Rédacteur en chef du quotidien Al-Ahram

Alaa Sabet: Quels sont les objec­tifs de votre visite en Egypte dans le cadre de cette première tournée à l’étranger en 2020 ?

Wang Yi: Cette visite s’inscrit dans le cadre de la volonté des deux pays de hisser leurs relations au niveau du partenariat stratégique. Je vais rencontrer le président Abdel-Fattah Al-Sissi ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, pour entamer un nouveau round du dialogue stratégique. Il s’agit d’échanger les points de vue et de coordonner les efforts au sujet des initiatives « La Ceinture et la Route » et « La vision de l’Egypte 2030 ». Nous examinerons également la coo­pération scientifique et la coordina­tion dans les dossiers régionaux et internationaux.

— L’année 2020 verra-t-elle davantage de coopération écono­mique et commerciale entre l’Egypte et la Chine ?

— La coopération économique et commerciale a connu un grand essor au cours des dernières années. Les échanges entre les deux pays ont dépassé le stade des 10 milliards de dollars pour la première fois en 2013 pour atteindre 13,8 milliards en 2018. C’est ainsi que la Chine est devenue le plus grand partenaire commercial de l’Egypte. La Chine adopte une politique d’ouverture sur l’étranger et coopère avec tous les pays pour bâtir une économie mondiale ouverte. Dans ce contexte, la Chine a organisé au cours des deux dernières années l’Exposition internationale sur l’ex­portation. L’Egypte était l’invitée d’honneur de la première édition. Dans la conjoncture actuelle, la Chine et l’Egypte refusent ouvertement le protectionnisme commercial, respec­tent strictement le système commer­cial pluriel et défendent le commerce libre.

La coopération entre les deux pays ne se limite pas aux échanges com­merciaux. Il y a une coopération dans les domaines de l’investissement, de l’énergie, de l’infrastructure et des finances et elle progresse à pas équili­brés. Le gouvernement chinois encourage les compagnies chinoises à participer aux méga-projets straté­giques égyptiens comme l’axe du Canal de Suez et la Nouvelle Capitale administrative.

Une soixantaine de compagnies chinoises travaillent dans la zone éco­nomique égypto-chinoise située dans la région de Suez, qui fournit un grand nombre d’emplois et augmente la production industrielle en Egypte vu qu’une grande partie de la produc­tion est exportée vers l’Europe et l’Afrique en mettant à profit la posi­tion géographique de l’Egypte au carrefour de trois continents.

Quant à la Compagnie nationale chinoise qui travaille sur le projet du quartier central des affaires de la Nouvelle Capitale administrative, elle jouit de l’estime des milieux égyp­tiens grâce à son potentiel et ses capacités techniques. La compagnie a recours dans le cadre de son travail à un grand nombre d’ouvriers égyp­tiens, et utilise des matières premières locales. D’autres projets où la Chine est partie prenante ont été achevés, alors que d’autres avancent à un rythme fort satisfaisant comme le projet du réseau national de transport, le métro de la cité du 10 du Ramadan, la station de Banban pour l’énergie solaire à Assouan et autres. Je suis confiant que d’autres compagnies chinoises prendront part au dévelop­pement économique de l’Egypte.

— Quels sont les domaines dans lesquels la Chine a l’intention d’in­vestir en Egypte ?

— Au cours des dernières années, et avec l’initiative « La Ceinture et la Route » , les deux pays ont réalisé des progrès remar­quables dans le domaine des inves­tissements. Les compagnies chinoises ont inves­ti plus de 7 milliards de dollars en Egypte, plus de 1 560 compagnies chinoises opèrent en Egypte offrant plus de 30000 emplois dans les domaines de l’éner­gie, de l’infrastructure, de l’agricul­ture et de l’industrie minérale. Donc, la Chine oeuvre en vue d’augmenter ses investissements, ce qui répond aux besoins de l’Egypte et à l’intérêt commun. L’initiative de « La Ceinture et la Route » est en parfaite confor­mité avec les priorités de « La vision de l’Egypte 2030 ». Les secteurs tech­nologiques naissants comme l’éner­gie renouvelable, les véhicules élec­triques, l’espace et les télécommuni­cations deviendront de nouveaux domaines de coopération bilatérale au cours des prochaines années.

— Quels sont les obstacles qui entravent l’expansion des investis­sements chinois en Egypte ?

— Les relations remarquables et l’amitié solide entre les deux pays ont créé une atmosphère propice aux affaires. Les deux pays déploient de grands efforts pour renforcer leur coopération dans le domaine de l’in­vestissement. D'une part, la Chine encourage les compagnies chinoises à investir en Egypte en respectant les lois égyptiennes et en assumant la responsabilité sociale requise. D’autre part, la partie égyptienne a beaucoup travaillé pour améliorer l’atmosphère de l’investissement en Egypte. Ce qui a accru la confiance des compagnies chinoises dans l’in­vestissement en Egypte.

De nombreux pays déploient des efforts pour déformer l’image des compa­gnies chinoises qui investissent en Afrique et entraver la coopération entre la Chine et les pays africains. Cependant, ces tentatives ont complètement échoué en Egypte. L’Egypte, son gouvernement et son peuple sont favorables à l’investissement des compagnies chinoises et portent une grande estime aux apports technolo­giques et aux emplois créés, espérant que la coopération scientifique sino-égyptienne contribuera davantage au développement économique du pays. En fait, la position égyptienne juste et positive a joué un grand rôle pour renforcer la confiance que vouent les compagnies chinoises au marché égyptien.

— L’Egypte et la Chine coopè­rent aux Nations-Unies et au Conseil de sécurité dans plusieurs dossiers. Quelle est la vision de la Chine concernant l’appel du prési­dent Abdel-Fattah Al-Sissi en faveur d’une réforme du Conseil de sécurité ?

— Les deux pays coopèrent sur plusieurs fronts que ce soit à l’Onu ou au sein des autres organisations inter­nationales et surtout le Conseil de sécurité. Concernant la réforme du Conseil de sécurité, le président Sissi avait appelé à la levée de l’injustice historique qui a été infligée à l’Afrique. Nous soutenons cette requête et croyons fermement au fait qu’une augmentation de la représen­tation des pays en développement, surtout l’Afrique, est l’unique moyen de réformer le Conseil de sécurité.

— Les compagnies chinoises auront-elles un rôle à jouer dans la reconstruction de la Syrie? Ou bien est-ce que Pékin préfère s’éloi­gner de cette région en ce moment pour des raisons politiques ?

— Depuis le déclenchement de la crise syrienne, la Chine a acheminé de l’aide humanitaire au peuple syrien et nous soutiendrons les efforts de reconstruc­tion. Notre seul objectif est que la Syrie retrouve sa stabilité et sa prospé­rité. Nous encoura­geons les pays impli­qués dans la crise syrienne à faire en sorte que l’intérêt du peuple syrien passe en premier pour faire régner la sta­bilité et le développe­ment en Syrie, mais également dans la région.

— Quelle est la position de la Chine vis-à-vis de la tension en Méditerranée et la violation par la Turquie de la souveraineté libyenne ?

— Pékin considère que la solution politique est la seule issue pour le dossier libyen. Nous soutenons le processus de paix sous le commande­ment de l’Onu, mais ce processus doit être conduit par le peuple libyen. La priorité doit être accordée à l’intérêt du peuple libyen qui a droit à la paix, à la stabilité. Il est indispensable de revenir au dialogue et aux négocia­tions. La Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, a toujours favorisé la solution pacifique en Libye que ce soit lors de la Conférence de Paris ou de Palerme. Pékin continue à communiquer avec les différentes parties libyennes pour les amener à un consensus. Nous nous attendons à des efforts positifs et constructifs avec la partie égyptienne sur le dossier libyen et celui de la Méditerranée.

— La Chine est l’un des pays qui soutiennent les droits fondamen­taux du peuple palestinien. Que pensez-vous du fameux deal du siècle dont les détails n’ont toujours pas été annoncés par Donald Trump ?

— Le processus de paix au Proche-Orient a dévié de son cours normal. Nous pensons que si la cause palesti­nienne n’est pas résolue de manière juste, il n’y aura pas de paix perma­nente au Moyen-Orient. Cette affaire, vieille de 70 ans, a causé une souf­france extrême au peuple palestinien. Les deux peuples voisins, palestinien et israélien, doivent sortir de la spirale de la violence et de la contre-vio­lence. Il faut trouver une solution à travers les négociations. La cause palestinienne est une cause politique et elle ne peut être réglée que politi­quement. Pékin trouve que la solution adéquate est celle des deux Etats et du principe de la terre contre la paix. Nous continuerons à défendre les droits des Palestiniens et à soutenir la création d’un Etat palestinien indé­pendant et souverain dans les lignes de juin 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale.

— Plusieurs rapports ont évoqué récemment les politiques intransi­geantes du gouvernement chinois à l’égard de la minorité musulmane des Ouïghours dans les camps de Xinjiang. Qu’en dites-vous ?

— La région de Xinjiang fait partie des 5 régions autonomes en Chine. 25 millions de personnes de différentes ethnies y vivent en toute harmonie. Les musulmans, dont le nombre est en augmen­tation, représentent 60% de l’ensemble des habitants de Xinjiang. La Chine applique l’au­tonomie dans les régions à forte densité et habitée par plusieurs ethnies. Les droits légi­times des ethnies mino­ritaires sont protégés par la loi. Xinjiang garantit la liberté de culte et de religion à toutes les ethnies. Les différentes ethnies jouissent des mêmes droits politiques, économiques, sociaux et culturels.

Il y a 24400 mosquées à Xinjiang ainsi qu’un institut des sciences isla­miques et plus de 100 associations musulmanes.

Depuis la création de la Chine, il y a 7 décennies, la région a réalisé un essor économique. Le volume de son économie s’élevait à 791 millions de yuans en 1952 et à 103 trillions de yuans en 2018. Selon les récentes statistiques, Xinjiang a connu des actes terroristes entre 1990 et 2016 et a tiré profit des expériences mon­diales pour les contrer. Cette région a franchi des pas sérieux pour arrêter l’effusion de sang et mettre fin à l’ex­trémisme. Des centres de formation technique ont été mis en place. Le bilan est positif, et aucun acte terro­riste n’a eu lieu depuis 3 ans. Les différentes ethnies vivent une stabilité économique et obtiennent des assis­tances gouvernementales. En octobre 2019, plus de 60 pays dont 30 isla­miques ont annoncé leur soutien à la politique de la Chine au Xinjiang dans un discours devant l’Assemblée générale de l’Onu.

Certains médias occidentaux se détournent des réalités et fabriquent de toutes pièces des mensonges afin de porter atteinte aux mesures prises par la région de Xinjiang dans la lutte antiterroriste. Leur objectif est de semer la zizanie pour empoisonner les relations entre Pékin et les Etats islamiques. Mais nous avons confiance que le peuple égyptien et d’autres peuples musulmans s’atta­cheront à leurs positions objectives et ne seront point induits en erreur par ces rapports mal intentionnés.

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