Al-Ahram Hebdo : A l’appel du président de la République, les préparatifs sont en cours pour la tenue d’une première conférence sur les affaires publiques. En quoi cela consiste-t-il exactement ?
Choukri Al-Guindi : Cette conférence prévue en janvier 2020 représente un pas très important en termes de renouvellement du discours religieux. Elle devrait discuter de toutes les affaires publiques (politique, économie, culture, etc.) d’un point de vue religieux. Des oulémas d’Al-Azhar et du ministère des Waqfs, des représentants des ministères de l’Education, de l’Enseignement supérieur, de l’Intérieur et de la Culture, ainsi que des parlementaires, des experts, des intellectuels et des personnalités publiques y participeront. La conférence vise à contrer les idées extrémistes et à permettre une compréhension correcte des principes de la religion. Les recommandations qui en sortiront constitueront une sorte de feuille de route définissant une stratégie générale des rapports des citoyens dans la vie de tous les jours et des rapports entre les différentes institutions, le tout dans le cadre de la religion. Les premières sessions de dialogue national, préparant à cette conférence, seront lancées à partir de la semaine prochaine. C’est un pas important en faveur de la réforme du discours religieux.
— En quoi consiste la réforme du discours religieux envisagée et quelle est son importance ?
— La réforme du discours consiste à lier les textes religieux aux nouvelles données de l’époque, à corriger les fausses interprétations de ces textes et ceci sans certes toucher aux principes fondamentaux de l’islam. L’importance de cette réforme relève de l’instrumentalisation de ces fausses interprétations par les groupes terroristes pour justifier leurs crimes et leurrer les jeunes au nom de djihad, et ceci à l’encontre des principes de l’islam, un message de paix pour toute l’humanité garantissant la liberté de culte et de croyance.
— Mais certains craignent que cette réforme ne porte atteinte aux principes fondamentaux de la religion ...
— Ce sont des craintes infondées que véhiculent les courants extrémistes pour mobiliser l’opinion publique contre tout renouvellement du discours religieux. Il n’est en aucun cas question de saper les fondements de la religion que représentent le Coran et la Sunna. En revanche, il n’est pas logique de se référer à des avis religieux remontant à plus de 1 000 ans et qui ont été émis pour des circonstances complètement différentes.
— Des pas ont été déjà pris par les institutions religieuses en vue de cette réforme. Où en sommes-nous ?
— Il faut avouer que les institutions religieuses ont réussi à réaliser d’importants pas. Il suffit qu’aujourd’hui, Al-Azhar et le ministère des Waqfs ont pu étendre leur contrôle sur les mosquées et empêcher les extrémistes de monter les instrumentaliser comme auparavant pour répandre leurs idéologies radicales. Tous les imams sont aujourd’hui des « azharites » et dépendant du ministère des Waqfs.
— Quel rôle joue la commission des affaires religieuses au parlement ?
— Notre rôle a été principalement au niveau des législations servant à cette réforme de discours religieux. On a élaboré une loi réglementant l’émission de fatwas (avis religieux) et précisant qui sont les personnes autorisées à le faire, une autre régularisant l’apparition médiatique des hommes religieux, une troisième sur l’organisation du travail à l’intérieur de Dar Al-Iftaa. De plus, un projet de loi sur l’organisation du travail auprès de l’autorité des Waqfs est en cours de préparation. Tout cela permet de limiter la propagation des faux concepts religieux.
— Quelles sont les prochaines étapes à suivre pour accélérer cette réforme ?
— Il est temps de s’attaquer aux écoles, de revoir les programmes scolaires et d’en éloigner tous les textes pouvant avoir un sens de près ou de loin proche de la notion de la violence. Il faut aussi absolument travailler à lancer la nouvelle chaîne de télévision d’Al-Azhar, et y diffuser des séminaires hebdomadaires, réunissant des hommes religieux, musulmans ou chrétiens, des intellectuels et des penseurs, des hommes de médias ou autres discutant d’une affaire sociale et y exposant les différents points de vue, afin de créer chez les spectateurs le principe de discussion et d’acceptation des différents avis. En parallèle, l’Observatoire d'Al-Azhar, à travers Internet, oeuvre pour la lutte contre l’extrémisme notamment en travaillant à la correction de l’image de l’islam à l’étranger.
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