Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la sécurité de la navigation maritime dans la mer Rouge, notamment après les attaques récentes menées par les Houthis contre des pétroliers saoudiens ?
Nasr Salem : La mer Rouge est une voie de passage fondamentale pour le trafic commercial international. Et il faut savoir tout d’abord que les grandes puissances mondiales, dont les marchandises passent par la mer Rouge, ne permettent ni de porter atteinte à la sécurité de ce passage ni de le fermer. Ensuite, concernant les actes iraniens, c’est une façon d’exercer des pressions à la fois sur l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. Ces actes se sont intensifiés avec l’approche de l’application des sanctions américaines contre Téhéran. Les Houthis ciblent de temps à autre des navires des pays de la coalition arabe ou des navires américains, une tentative de provoquer des nuisances sans pour autant parvenir à affecter la navigation maritime en mer Rouge.
— Donc pensez-vous que la sécurité de la mer Rouge ne soit pas menacée ?
— Oui, sûrement. Ces attaques actuelles ne sont pas du tout à même de menacer la navigation maritime en mer Rouge. Il faut savoir que le détroit de Bab Al-Mandab est très bien contrôlé et les roquettes des Houthis sont tirées bien loin de celui-ci. Donc, la navigation dans la mer Rouge ne sera jamais bloquée. Même les dommages causés aux pétroliers qui y passent ne sont pas si graves de manière à les détruire complètement ou même à les faire couler. Il s’agit seulement d’actes pour perturber la scène plutôt que de menaces réelles. A mon avis, la coalition arabe doit prendre des mesures plus positives pour libérer le port de Hodeida des mains des Houthis soutenus par l’Iran.
— Mais comment voyez-vous les menaces de l’Iran de bloquer les exportations pétrolières via les détroits d’Hormuz et de Bab Al-Mandab ?
— Il s’agit de menaces uniquement. L’Iran ne pourra fermer aucun de ces détroits. D’une part, car Bab Al-Mandab est loin du contrôle de Téhéran. Et d’autre part, concernant le détroit d’Hormuz, comme je le disais, les grandes forces internationales, notamment les Etats-Unis, la Chine et les grands pays européens, en cas de menace, ont la capacité d’occuper le détroit pour protéger leurs intérêts. Cela dit, si l’Iran pense à le bloquer, ce serait une déclaration de guerre contre tous ces pays. Je ne pense pas que l’Iran soit prêt à mener un acte pareil, il est bien conscient qu’il en sortirait le seul perdant.
— Pour ce qui est de l’Egypte, quelle est sa stratégie pour sécuriser ses intérêts vitaux en mer Rouge, notamment la navigation maritime dans le Canal de Suez ?
— Sans aucun doute, la flotte sud est capable de sécuriser les intérêts vitaux de l’Egypte dans la mer Rouge et le détroit de Bab Al-Mandab, qui contrôle l’accès sud du Canal de Suez. La grande preuve : Pour la première fois, le Canal de Suez a enregistré cette semaine un chiffre record. 64 navires avaient traversé le canal transportant des cargaisons estimées au total de 4,4 millions de tonnes, alors que la moyenne de trafic dans le canal est estimée à 3 millions de tonnes. Si le canal n’était pas suffisamment sécurisé, il n’aurait pas pu enregistrer de tels chiffres. Il est évident que les Houthis visent particulièrement les navires saoudiens.
— Vous avez dit que la coalition arabe doit prendre des mesures plus positives pour libérer la ville de Hodeida. De quelles mesures parlez-vous ?
— Les forces de la coalition arabe doivent reprendre et au plus vite le contrôle du port de Hodeida, suivant la même stratégie qu’elles avaient adoptée en reprenant l’aéroport de cette ville en juin dernier. Surtout que ces rebelles ne représentent pas une force principale qui a une stratégie de défense déterminée, mais ils possèdent une force très modeste par rapport à la coalition arabe. Cette dernière possède tous les moyens, des destroyers maritimes et des forces aériennes écrasantes et des plus sophistiquées qui peuvent attaquer les zones montagneuses qui protègent ces rebelles. Du point de vue militaire, la coalition peut facilement gagner la bataille de Hodeida.
— Quels scénarios envisagez-vous alors ?
— On peut parler de quatre scénarios. Premièrement, la situation resterait telle qu’elle, et on pourrait témoigner de temps à autre des attaques contre des pétroliers notamment saoudiens. Un deuxième scénario qui est celle de l’escalade au cas où l’Iran mettrait en exécution ses menaces de fermer le détroit d’Hormuz. Il s’agit en ce moment d’une action hostile et d’une déclaration de guerre qui nécessite une intervention internationale de grande envergure. Le troisième scénario, qui est le pire des scénarios, c’est que l’Iran, pour mettre en place ce blocage, pourrait poser des mines maritimes flottantes dans le détroit d’Hormuz. Enfin, le quatrième qui est le plus paisible vise à retrouver un règlement politique entre les parties en conflit au Yémen et une entente régionale plus large pour mettre fin à toutes les menaces qui pourraient perturber les eaux de la mer Rouge.
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