Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous des relations bilatérales entre Le Caire et Paris durant la phase de transition politique que traverse l’Egypte ?
S.E. M. Nicolas Galey : La France considère l’Egypte comme un pays très important sur le plan économique, nous en sommes le cinquième ou le sixième partenaire. Nous avons aussi une coopération bilatérale dans les domaines éducatif, scientifique, archéologique et culturel. Aujourd’hui, les dossiers économique et financier sont les plus urgents pour l’Egypte. Après dix-huit mois de transition, ces aspects redeviennent prioritaires, et pour que la transition soit parfaitement achevée, il faut un soutien économique qui puisse relancer l’activité et qui permettra d’apaiser des situations sociales créées par une longue période de ralentissement économique. Notre rôle, lorsqu’on parle de pays amis, c’est d’aider l’Egypte. Cela a été traduit lorsque Laurent Fabius, chef de la diplomatie française, a annoncé une subvention de 300 millions d’euros pour la troisième phase du métro.
— Est-ce que vous jugez que la situation en Egypte est devenue assez stable pour les investisseurs français qui y résident ?
— Effectivement, l’Egypte se remet sur les rails, et c’est important pour les partenaires étrangers, mais aussi pour les acteurs économiques égyptiens eux-mêmes. En Egypte, la plupart des grands groupes industriels financiers français sont présents, c’est un marché considérable et c’est une économie pleine d’avenir. De même, il y a le secteur du tourisme qui est très important, et Laurent Fabius a dit, lors de sa récente visite en Egypte, qu’il souhaitait que les touristes français aient repris le chemin de l’Egypte.
— Comment le président français François Hollande envisage-t-il travailler avec son homologue égyptien, lequel est issu des Frères musulmans ?
— Ce que la France a dit très clairement dès le début du Printemps arabe, c’est qu’il fallait soutenir les aspirations des peuples à la démocratie et à la liberté. Nous sommes très heureux que ce processus ait abouti en Egypte à la mise en place d’institutions démocratiques. Il reste évidemment l’adoption de la Constitution et la tenue des élections législatives. Il y a déjà eu l’étape majeure de l’élection présidentielle au suffrage universel qui a eu lieu. Nous avons salué cette étape qui a été franchie, et le président Hollande a sans tarder félicité son homologue égyptien. La France et l’Egypte, qui ont toujours très bien travaillé ensemble, continueront de travailler ensemble, ça ne fait aucun doute. Pour l’instant, les développements en Egypte nous poussent à être positifs.
— La France appréhende-t-elle des pratiques discriminatoires contre les minorités en Egypte ?
— Il y a les inquiétudes, la réalité et puis il y a les engagements qui sont pris par les autorités. Pour moi, la référence principale ce sont les engagements que le président Morsi a réitérés au ministre français, et selon lesquels l’Egypte de demain va traiter ses citoyens et ses citoyennes sans aucune considération d’origine, de religion ou de sexe. Entre les inquiétudes, qu’il faut entendre, la réalité et les engagements, pour l’instant nous nous attachons aux engagements.
— Que pensez-vous des actes de violence qui ont suivi la diffusion sur Internet d’un film anti-islam et la publication, la semaine suivante, de caricatures du prophète Mohamad dans une publication française ?
— Il y a eu une très forte indignation de la part de la nation musulmane et dans le monde à la suite de ces deux initiatives, ce qui est compréhensible. Je crois que le message des autorités françaises est très clair : Le ministre français des Affaires étrangères a dit à la fin de sa visite au Caire qu’il condamnait toute provocation. Par la suite, les autorités françaises, tout en rappelant le principe de la liberté d’expression, ont souligné qu’il appartenait aux personnes qui se sentaient offensées de saisir les tribunaux. Je sais qu’il y a des plaintes qui ont été déposées contre cette publication, et maintenant, il revient à la justice de trancher. Je dis après cette affaire que je rends hommage d’abord aux autorités égyptiennes qui ont pris toutes les dispositions pour qu’il n’y ait pas d’incidents concernant les intérêts français, mais aussi aux Egyptiens eux-mêmes pour leur réaction très digne envers cette affaire. Il y avait eu des manifestations à proximité de l’ambassade mais sans aucune atteinte ni aux personnes, ni aux bâtiments. Je trouve que tout cela a été fait d’une manière très digne et très maîtrisée. C’est un exercice de la liberté chèrement conquise pendant la révolution.
— Au niveau de la politique étrangère, l’Egypte et la France partagent la même position sur la crise syrienne, sauf que l’Egypte pense que l’Iran peut avoir un rôle dans le règlement de cette crise. Qu’en pensez-vous ?
— Si l’Iran veut jouer un rôle positif pour mettre fin à cette tragédie, il ne faut pas qu’il contribue à ce que cette tragédie se poursuive. L’Iran sait bien ce qu’il faut faire pour que l’appui et le soutien politique qui sont donnés aux autorités syriennes cessent. Le ministre Fabius a dit à son homologue au Caire que tout ce qui peut aider à mettre fin à une situation aussi dramatique que celle de la Syrie doit être saisi et tenté. Mais nous n’avons pas beaucoup d’illusion sur le rôle positif que peut jouer l’Iran dans ce domaine.
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