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Guéhad Greicha : Je rêve d’être comme mon idole Gamal Al-Ghandour

Amr Moheb, Mardi, 03 avril 2018

L’arbitre égyptien Guéhad Greicha revient sur sa sélection parmi les 36 arbitres retenus par la FIFA pour la Coupe du monde 2018. Il trouve que c’est le fruit de 20 ans de travail sérieux. Entretien.

Guéhad Greicha

Al-Ahram Hebdo : Vous venez d’être nommé par le comité des arbitres de la FIFA pour arbitrer en Coupe du monde 2018. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Guéhad Greicha : Sans doute être parmi les meilleurs 36 arbitres de football au monde est un grand honneur, pas seulement pour moi, mais aussi pour mon pays l’Egypte et pour l’arbitrage égyptien. C’est le fruit de mon travail sérieux pen­dant plus de 20 ans. Ce choix de la FIFA est une grande responsabilité pour moi, car je dois bien me pré­parer et me concentrer pour que je puisse bien représenter mon pays. Au Mondial, mon nom sera l’ar­bitre « égyptien » Guéhad Greicha, c’est-à-dire ma nationalité égyp­tienne va précéder mon prénom et mon nom.

Alors, je dois faire de mon mieux pour bien représenter mon pays. Par ailleurs, je suis ravi d’arbitrer à la Coupe du monde, c’est l’un des plus grands rêves de ma vie. L’arbitrage pour moi est une passion et non pas une profes­sion. Je ne gagne pas ma vie seule­ment de l’arbitrage, je travaille dans le secteur du pétrole et je touche un bon salaire qui me per­met de bien vivre moi et ma famille. Alors, j’exerce l’arbitrage pas pour l’argent, mais pour le plaisir d’être arbitre de football.

— Vous avez dit que votre dési­gnation pour la Coupe du monde est le fruit d’un travail de 20 ans …

— Oui, plus précisément, 21 ans. J’ai joué au football avec les juniors de Ghazl Al-Mahalla puis au club Osmassone (D2) avant de décider, à l’âge de 21 ans, de mettre fin à ma carrière de footbal­leur et de devenir arbitre. J’ai commencé l’arbitrage en 1997. J’ai commencé à arbitrer les matchs de la D1 en 2005. Mon premier match en D1 était à la saison 2005-2006 entre Moqaouloun et Haras Al-Hodoud, et j’ai fait un bon match.

Le comi­té d’arbitrage à cette époque m’a alors confié d’autres matchs au championnat. Je suis devenu arbitre international en 2008 et, suite à des problèmes avec le comité d’arbitrage de la Fédération Egyptienne de Football (EFA) à cette époque, qui ne voulait pas me donner la chance d’arbitrer, j’ai dû rester à la maison sans arbi­trer et j’étais sur le point d’arrêter ma carrière d’arbitre. J’ai changé d’avis avec l’arrivée de Essam Seyam à la tête du comité d’arbi­trage de l’EFA. Seyam avait une grande confiance en mes capacités d’arbitre. Sous sa direction, j’ai commencé à arbitrer de nouveau. J’ai arbitré des matchs entre les grands clubs du championnat comme Zamalek et Masri, Ismaïli et Ahli, Ismaïli et Zamalek, et beaucoup d’autres matchs décisifs et importants au championnat. Etant donné que Seyam était membre au comité des arbitres de la Confédération Africaine de Football (CAF), il m’a bien intro­duit à la CAF en 2001, et j’ai commencé à être désigné pour les matchs des compétitions afri­caines.

Suite à ma bonne perfor­mance, j’ai été choisi par l’Union arabe de football pour arbitrer la finale de la Coupe arabe en 2012 entre l’Arabie saoudite et la Libye, puis j’ai arbitré 4 éditions consé­cutives de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2012, 2013, 2015 et 2017. J’ai arbitré la der­nière finale de la Ligue des Champions d’Afrique en 2014 entre le Wydad marocain, et Enyimba le nigérian, puis la finale de la Ligue des Champions d’Afrique en 2015 entre Mazembe du RC Congo et l’USMA d’Algé­rie, puis au cours de la même année, j’ai été désigné par la FIFA pour arbitrer la Coupe du monde des moins de 17 ans au Chili. J’ai arbitré en 2016 la super Coupe d’Afrique entre le club Sud-africain de Sun Downs et Mazembe, puis le match retour de la demi-finale de la Coupe de la confédéra­tion africaine entre le Club afri­cain de la Tunisie et le Super Sport United d’Afrique du Sud. J’ai arbitré aussi le match des quarts de finale des Jeux Olympique (JO) de Rio de Janeiro en 2016, puis la FIFA m’a désigné de nouveau pour arbitrer à une nouvelle Coupe du monde, celle des moins de 20 ans en Corée du Sud.

— Qui est votre idole dans le domaine de l’arbitrage ?

— Tout au long de l’Histoire, 4 arbitres égyptiens seulement ont arbitré des matchs en Coupe du monde : Ali Qandil au Mondial de 1966 en Angleterre et de 1970 au Mexique, Moustapha Kamel Mahmoud en Allemagne en 1974, puis, après une longue absence, Gamal Al-Ghandour en France 1998 et en Corée du Sud/Japon 2002, et finalement Essam Abdel-Fattah en Allemagne 2006.

Mon idole dans le domaine de l’arbitrage est Gamal Al-Ghandour. Lorsque j’ai commencé l’arbitrage en 1997 et j’étais arbitre en D3, j’ai vu Al-Ghandour arbitrer à la Coupe du monde 1998 et j’ai rêvé de deve­nir un jour comme lui. C’est un modèle à suivre pour tous les arbitres : sa performance, son atti­tude sur le terrain, sa confiance en lui-même et sa forte personnalité.

Sur le plan personnel, il est modeste, gentil et a une grande expérience en tant qu’ancien arbitre ou comme l’un des grands instructeurs d’arbi­trage. En plus, c’est lui qui m’a donné l’occasion de devenir arbitre en D1 puis arbitre international, lorsqu’il était président du comité des arbitres à l’EFA. Je rêve d’être comme mon idole Gamal Al-Ghandour. Sur le plan mondial, mon idole est l’ancien arbitre inter­national et l’actuel président du comité d’arbitrage à la FIFA, l’Ita­lien Pierluigi Collina. Pour moi, c’est l’un des meilleurs arbitres de l’histoire du football.

— Comment voyez-vous votre désignation par la FIFA pour la Coupe du monde, mais aussi par la CAF, vous et d’autres arbitres égyptiens, alors que ces derniers sont sévèrement critiqués en Egypte par les médias et les diri­geants des clubs ?

— Sans doute, la FIFA ou la CAF ne font pas de compliments, ni pour moi, ni pour les autres arbitres égyptiens. Si les arbitres égyptiens sont désignés par les deux grandes organisations de football en Afrique et dans le monde (la CAF et la FIFA), cela prouve que les arbitres égyptiens sont parmi les meilleurs de notre continent et de notre région. Nul n’est prophète en son pays. Les arbitres égyptiens ont des pro­blèmes en arbitrant des matchs en Egypte, les arbitres espagnols ont aussi des problèmes en arbitrant des matchs en Espagne, et pour les Turcs, c’est la même chose en Turquie, etc. C’est un problème qui existe dans le monde entier et pas seulement en Egypte. Mais cela ne veut pas dire que les arbitres ne commettent pas de fautes.

Pas un seul arbitre au monde qui ne fasse de fautes en arbitrant. Nous sommes des êtres humains et non pas des robots. J’ai appris à travers mes expériences avec la CAF et la FIFA que l’ar­bitre doit apprendre des fautes qu’il commet pour ne pas les répé­ter aux matchs suivants, c’est ainsi qu’un arbitre peut progresser. Dans le domaine de l’arbitrage, pas un seul arbitre qui devienne bon du jour au lendemain. Il doit progresser en accumulant les expériences et en mettant à profit les fautes qu’il commet et qu’il ne doit plus répéter. Par exemple, si je parle de moi-même, je n’aime pas que les gens me fassent des compliments, au contraire, j’aime les critiques pour connaître mes fautes, et je ne me fâche pas des gens qui me critiquent, mais j’aime connaître les causes de leurs cri­tiques et de leurs remarques pour les étudier et les prendre en consi­dération dans les matchs suivants.

— Vous avez déjà avoué avoir commis des fautes en arbitrant des matchs du championnat, un match du club Ahli et une fois de Zamalek, et le président du club Zamalek vous a beaucoup criti­qué …

— Oui, je trouve que ce n’est pas une honte qu’un arbitre avoue avoir commis une faute ou d’avoir pris une mauvaise décision. Nous sommes des êtres humains et non pas des machines. Quant aux cri­tiques du président du club de Zamalek, je trouve que c’est normal qu’il me critique, car il cherche l’intérêt de son club. C’est vrai que j’ai commis une faute en ne sifflant pas un penalty pour Zamalek contre Masr Lil Maqassa, et cette faute a abouti à la défaite de Zamalek, mais je ne l’ai pas fait exprès. Je n’avais pas de chance dans ce match, car ni moi, ni l’arbitre assistant de ce match étions capables de voir que le défenseur avait touché le ballon de la main. Puis, j’ai appris des médias que le président de Zamalek voulait que son club se retirait du cham­pionnat à cause de cette faute et j’ai appris qu’il m’avait sévèrement attaqué dans les médias.

— Et vous n’avez pas voulu répondre …

— Non, je me suis éloigné des médias et je ne regardais plus la télévision pour ne pas écouter les critiques qui m’ont été faites. Tout ce que j’ai essayé de faire durant cette période était de ne pas perdre confiance et de me bien entraîner, car j’avais un match à la Coupe de la CAF au Nigeria la semaine sui­vante. Je suis parvenu à me sortir de ce problème, j’ai fait un très grand match la semaine suivante en Ligue des Champions d’Afrique et les médias africains ont beaucoup parlé de ma performance.

La crise du match de Zamalek et Masr lil Maqassa m’a rendu plus fort, et depuis ce match, mon niveau tech­nique s’améliore d’un match à l’autre, ce sont les experts de l’arbi­trage à la CAF et à la FIFA qui me le disent, lorsque je les rencontre durant les séminaires et les matchs. Ces responsables de la CAF et de la FIFA disent la vérité et n’ont pas besoin de mentir pour me flatter ou bien pour me rendre satisfait.

— Revenons à la Coupe du monde, quel match aimeriez-vous arbitrer en Russie 2018 ?

— Vraiment, je ne m’intéresse pas à cette question, mais le plus important pour moi est de savoir comment je vais arbitrer. Ce qui m’intéresse c’est de bien arbitrer sans commettre de fautes, d’arbi­trer plusieurs matchs et de laisser un beau souvenir. Chaque match est comme une demande de visa pour arbitrer un autre match au Mondial. Le visa peut être accepté ou refusé. J’ai 42 ans, l’âge de la retraite des arbitres est 45 ans, mais la FIFA permet aux bons arbitres d’arbitrer une année de plus, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 46 ans. Mon rêve est d’arbitrer aussi à la Coupe du monde 2022, à l’âge de 46 ans, avant de mettre fin à ma carrière d’arbitre.

— Enfin, quels sont vos pro­nostics pour l’équipe nationale égyptienne en Coupe du monde ?

— Je ne veux pas faire de pro­nostics, mais je souhaite que l’équipe d’Egypte et moi-même fassions une bonne performance en Russie 2018 pour rendre le peuple égyptien satisfait.

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