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Abdallah Hassan : La presse traditionnelle retrouvera son prestige d’antan une fois ses problèmes financiers résolus

Chourouq Chimy, Mardi, 08 août 2017

Abdallah Hassan, secrétaire du tout nouvel Organisme national de la presse, revient sur la situation de cette industrie en Egypte. Il évoque notamment la liberté de la presse et parle des problèmes auxquels sont confrontés les journaux en Egypte.

Abdallah Hassan : La presse traditionnelle retrouvera son prestige d’antan une fois ses problèmes fi
Abdallah Hassan

Al-ahram hebdo : Comment voyez-vous l’avenir de la presse en Egypte, notamment les journaux étatiques ? Avez-vous des plans concrets pour moderniser ce secteur ?

Abdallah Hassan : Notre mission consiste d’abord à mener une réforme financière et administrative dans les journaux étatiques et mettre en place un plan visant à résoudre leurs problèmes accumulés depuis de longues années. Par exemple, les dettes de ces institu­tions s’élèvent à 19 milliards de L.E. Elles souffrent d’un énorme sureffectif, ce qui pèse lourd sur leurs budgets. La situation de ces institutions s’est nettement détériorée au cours de ces 6 dernières années et précisément depuis les événements de janvier 2011 et jusqu’à présent. La distribution et les revenus des publicités ont beaucoup baissé à cause de la situation économique. Du coup, les institu­tions de la presse publique souffrent de sérieux problèmes financiers. Et, pour faire face à cela, l’organisme s’est réuni à plusieurs reprises avec les présidents des conseils d’administra­tion des différents journaux gouvernementaux pour discuter des moyens de sortir de cette crise économique. Car tous ces journaux n’ar­rivent pas à payer les salaires de leurs employés et reçoivent des millions de L.E. de la part de l’Etat afin de verser les salaires et répondre à leurs obligations financières.

— Vous avez évoqué la question des dettes de ces institutions. Comment résoudre ce problème ?

— Un comité ministériel a été créé sous la présidence du Dr Hala Al-Saïd, ministre de la Planification, et Karam Gabr, président de l’Organisme national de la presse. Ce comité comprend un groupe d’experts et d’écono­mistes qui doivent examiner les problèmes financiers et administratifs des organes de presse étatique et chercher les solutions adé­quates. Car il est inacceptable que l’Etat verse des millions de L.E. simplement pour le paie­ment des salaires ! Par ailleurs, le comité a examiné, lors de trois réunions tenues la semaine dernière, les détails de ces dettes et les actifs possédés par ces institutions. On cherche maintenant à exploiter ces biens dans des projets d’investissement qui peuvent engendrer des bénéfices.

— Certaines voix appellent à la privati­sation de ces institutions, estimant que c’est le seul moyen de résoudre les difficul­tés financières de manière définitive. Qu’en pensez-vous ?

— Je ne pense pas du tout que la presse gouvernementale, la télévision ou la radio puissent être privatisées. Elles représentent les principaux outils de l’Etat pour sensibili­ser les citoyens. Ce qu’il faut, c’est réformer ces institutions pour qu’elles mènent à bien leur travail. Et surtout, venir à bout des diffi­cultés financières. Dans ce contexte, il convient de rappeler que les institutions jour­nalistiques égyptiennes comme Al-Ahram, Al-Akhbar et Al-Gomhouriya possèdent des biens qui valent des milliards de livres (ter­rains, immobilier, universités, agences publi­citaires, imprimeries). En exploitant au mieux ces actifs, les journaux étatiques pourront avoir une autonomie financière et n’auront plus besoin du soutien financier de l’Etat. C’était d’ailleurs le cas jusqu’en 2010. Par exemple, cette même année, le budget annuel de la Fondation Al-Ahram atteignait un mil­liard et 600 millions de L.E. avec des profits atteignant 450 millions de L.E. Mais malheu­reusement, cette prestigieuse institution connaît aujourd’hui de nombreux problèmes financiers.

— Vous avez évoqué le rôle important de ces institutions et, justement, lors de la récente Conférence sur la jeunesse, le pré­sident Abdel-Fattah Al-Sissi a parlé d’une « stratégie médiatique unifiée » pour lutter contre les tentatives visant à faire échouer l’Etat. Quelle est cette stratégie ?

— Après la dernière Conférence sur la jeu­nesse tenue il y a deux semaines à Alexandrie, l’organisme a réuni tous les PDG et les rédac­teurs en chef à assister à une réunion. Et lors de cette réunion, on a discuté des instructions du président Sissi, ainsi que du rôle des médias durant la prochaine période en ce qui concerne la lutte contre les tentatives de faire échouer l’Etat. Les participants ont mis l’ac­cent sur l’importance de sensibiliser les citoyens, notamment aux importants projets réalisés au cours les deux dernières années dans tous les domaines.

— Il existe un problème majeur qui touche à la fois aux difficultés financières et à l’existence même des journaux, celui de la baisse de la distribution. Comment y faire face ?

— Justement, on a tenu cette semaine une réunion avec l’ensemble des présidents des conseils d’administration et des rédacteurs en chef de ces journaux au siège du quotidien Al-Akhbar afin de discuter des moyens de relancer la distribution. On a discuté de la possibilité de créer de nouveaux centres de distribution des journaux gouvernementaux au Caire, mais aussi dans les villes nouvelles et dans les différents gouvernorats. Lors de cette réunion, les responsables de la distribu­tion des trois principaux journaux (ndrl : Al-Ahram, Al-Akhbar, Al-Gomhouriya) ont parlé de leurs problèmes. Et, on a décidé de mettre en place un mécanisme de distribution commun qui englobe ces trois journaux. Cette décision garantira la rapidité de la distribution ainsi que la réduction des dépenses. Les pré­sidents des trois institutions vont se réunir pour mettre en place un programme précis pour ce mécanisme.

— Oui, mais la baisse de la distribution est aussi due à l’extension des sites Web et à leur accessibilité. Pensez-vous que l’ave­nir de la presse en papier soit en danger ?

— Pas du tout. Il n’est pas du tout vrai que la presse traditionnelle est menacée par la presse électronique. La presse traditionnelle va survivre encore de longues années, car la culture de la société égyptienne est encore liée à la lecture des journaux en papier. D’ailleurs, seuls 10 % des Egyptiens ont accès à la presse électronique. Lorsque la presse traditionnelle résoudra ses problèmes financiers, elle retrouvera son prestige d’an­tan grâce aux compétences de ses journa­listes.

— Face à tant de difficultés, comment la presse gouvernementale peut-elle garder son leadership ?

— Malgré tout, cette presse possède des compétences humaines de très haut niveau. Ces compétences lui permettront de récupérer prochainement son rôle de leadership, une fois les problèmes financiers résolus. Déjà, certains journaux, comme Al-Ahram, ont repris de l’avant, notamment en augmentant les recettes publicitaires tout en améliorant le contenu. Idem pour des journaux comme Al-Akhbar et Al-Gomhouriya. Des magazines comme Rose Al-Youssef et Hawaa ont aussi été témoins d’une très bonne progression. Il est sûr que les nouveaux visages qui ont pris la charge ont réussi à mettre leur empreinte dans ces journaux, ce qui augure d’un avenir meilleur. En même temps, l’organisme fait de son mieux pour résoudre ces problèmes finan­ciers et administratifs.

— Vous avez auparavant parlé du sou­tien financier de l’Etat aux groupes de presse gouvernementale. Comment, dans cet état des lieux, garantir l’indépendance de ces journaux ?

— Les journaux gouvernementaux font ce qu’ils peuvent pour sortir de cette crise et, en même temps, ils font face à une forte concur­rence de la part des journaux indépendants, des chaînes satellites et des sites électro­niques. Face à cela, ils doivent faire preuve de beaucoup de professionnalisme et d’indépen­dance pour préserver leur crédibilité auprès des lecteurs. En tant qu’ancien rédacteur en chef de l’agence de presse MENA et actuel premier secrétaire de l’Organisme national de la presse, je peux assurer que la presse natio­nale exerce son rôle avec une indépendance et une liberté totales.

— Loin des problèmes d’argent, com­ment jugez-vous la liberté de la presse en Egypte ?

— La presse égyptienne jouit d’une liberté totale sur tous les niveaux depuis une ving­taine d’années. Il n’y a aucune restriction à ce sujet. L’existence des journaux privés, des journaux d’opposition, ainsi que des chaînes satellites privées, qui parlent de tout, témoigne de cette liberté. Malgré certaines dérives, aucun journaliste n’a été arrêté pour délit d’opinion, aucun journal ni aucune chaîne n’ont été fermés.

— Mais il y a bien des journalistes empri­sonnés ...

— J’ai déjà dit qu’aucun journaliste n’a été arrêté pour délit d’opinion. Ceux qui sont incarcérés sont impliqués dans des procès cri­minels ou à cause de la violation de la loi. En tout cas, l’organisme ne peut pas intervenir dans des procès entre les mains de la justice.

— Votre organisme est en train de prépa­rer une loi qui permet la libre circulation des informations. Qu’en est-il ?

— L’organisme étudie actuellement ce projet de loi afin de le soumettre au parlement. Il s’agit de garantir aux journalistes d’accéder à l’information auprès des instances publiques. L’organisme insiste sur le droit des journalistes à obtenir les informations nécessaires dans les différents domaines, surtout ceux qui intéres­sent l’opinion publique à l’intérieur et à l’exté­rieur.

— Loin de la presse, comment évaluez-vous la situation politique aujourd’hui en Egypte et la crise avec le Qatar ?

— Je n’exagère pas en disant que depuis la destitution de Mohamad Morsi, le président Sissi fait de son mieux dans de nombreux domaines, et ce, malgré la vague du terrorisme qui frappe le Sinaï. On ne peut pas nier que l’armée et la police ont assumé leur entière responsabilité dans la lutte antiterroriste, au moment où ces actes terroristes ont négative­ment influencé le tourisme et l’investissement, et du coup, ont eu un mauvais impact sur l’éco­nomie. Mais malgré tous ces défis, il y a une certaine progression. L’Egypte a pu retrouver ses bonnes relations avec tous les pays arabes, ainsi qu’avec de nombreux pays africains et européens. La première visite du président Sissi aux Etats-Unis après l’élection de Donald Trump en témoigne.

Pour ce qui est de la crise avec le Qatar, il est évident que Doha met en oeuvre le plan des Etats-Unis, de la Turquie et de l’Iran en vue de ramener le chaos dans certains pays arabes, dont l’Egypte. L’Egypte a pu obtenir de nombreuses preuves selon lesquelles le Qatar soutient et finance les terroristes, en vue de mener des actes terroristes au Sinaï et au Caire. Et l’Egypte n’est pas le seul pays à en pâtir, c’est pourquoi ces quatre pays (Egypte, Arabie, Bahreïn, Emirats) avaient raison de rompre les relations avec Doha, car il est nécessaire de faire front uni pour empê­cher le Qatar de poursuivre sa politique de soutien au terrorisme. Pour ce, l’Egypte pour­suivra sa campagne au sein du Conseil de sécurité car le Qatar devrait à terme être jugé auprès de la Cour pénale internationale.

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