Al-Ahram Hebdo : Le Caire et Téhéran ont convenu cette semaine de la nécessité d’une « solution politique » pour mettre fin à la violence et permettre une réconciliation politique. Qu’en pensez-vous ?
Bachar Abboud : Le président égyptien, Mohamad Morsi, est en faveur d’une solution politique, alors que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, estime qu’une victoire de l’opposition est une « menace régionale ». Nous, l’opposition syrienne, nous ne faisons confiance ni à Téhéran, ni à sa prétendue volonté de parvenir à une solution politique en Syrie. Nous considérons l’Iran comme un ennemi au peuple syrien. Pour ce qui est de la position égyptienne, nous y voyons un véritable recul et nous nous demandons quelles en sont les raisons.
Quant à la solution politique, elle ne peut se faire que par le biais de la communauté internationale à qui incombe la responsabilité du sang qui coule en Syrie.
— Vous évoquez la responsabilité de la communauté internationale, cela veut-il dire que vous approuvez une intervention étrangère ?
— Si vous parlez d’une intervention militaire étrangère, bien sûr que je m’y oppose, de même qu’une grande partie de l’opposition. En revanche, j’approuve le fait d’armer l’Armée syrienne libre pour l’aider à venir à bout du régime de Bachar Al-Assad.
— Que pensez-vous du rôle arabe, notamment de celui des pays du Golfe, dans cette crise ?
— Tout est question d’intérêts. Chaque pays a ses propres intérêts, ce qui a empêché de parvenir à une position arabe commune au sujet de la Syrie. Certains pays ne veulent pas que notre révolution réussisse de peur de la contagion. D’autres désirent que la crise traîne en longueur pour affaiblir le futur Etat syrien et pouvoir mieux le maîtriser. Et une troisième catégorie maintient le flou. Quoi qu’il en soit, les pays arabes n’ont ni le poids militaire ni politique pour assumer la responsabilité d’une telle révolution. Ils ne sont pas prêts à endosser les conséquences de la chute d’un régime qui détient encore de nombreuses cartes avec lesquelles il peut jouer. La décision de renverser le régime d’Assad nécessite le soutien de l’ensemble de la communauté internationale.
— Avez-vous des informations certaines sur l’utilisation d’armes chimiques ?
— Oui, nous avons des preuves que le régime a utilisé des armes chimiques contre le peuple syrien et nous les avons présentées aux différentes organisations internationales concernées. D’ailleurs, les services de renseignements américains l’ont récemment confirmé. Le régime actuel est prêt non seulement à utiliser des armes chimiques, mais aussi à détruire tout le pays, pour se maintenir. La question est désormais : jusqu’à quand la passivité de la communauté internationale face aux crimes du régime d’Assad ?
— D’aucuns estiment que la révolution syrienne est d’origine confessionnelle (sunnite), qu’en pensez-vous ?
— Pas du tout. Ce n’est ni un soulèvement d’une majorité contre une minorité, ni un soulèvement des pauvres. C’est une révolution pour la liberté et la dignité, contre un régime totalitaire et dictatorial en place depuis un demi-siècle. Et c’est la répression de toutes ces années qui a abouti à cette explosion.
— N’y a-t-il donc pas de confessionnalisme en Syrie ?
— Il existe en Syrie de nombreuses confessions qui ont de tout temps cohabité en paix. Il n’y a jamais eu de luttes confessionnelles ou de guerre civile. Mais, c’est depuis l’arrivée de Hafez Al-Assad au pouvoir qu’on a commencé à entendre parler de confessionnalisme. D’ailleurs, même les alaouites (confession de Bachar) ont été pris au piège et sont devenus les otages du régime.
— Justement, en tant qu’alaouite, quelle est la position des alaouites par rapport aux événements actuels ?
— Tout d’abord, je suis alaouite mais je me considère avant tout Syrien et Arabe. Ensuite, il faut savoir que durant tout le « règne Assad », père et fils, les alaouites ont été mis à l’écart du reste du peuple syrien. Ce qui a empêché les membres de cette confession, au début de la révolution, d’avoir une position claire et unanime. Cela dit, nous avons organisé en mars dernier une conférence ici au Caire pour montrer que nous sommes un seul peuple et écarter les velléités de nous pousser vers un conflit confessionnel.
— Certains évoquent tout de même le risque d’un éclatement de la Syrie ...
— C’est l’option finale du régime actuel, à défaut de se maintenir. Et ce, en collaboration avec Téhéran qui rêve toujours d’élargir son hégémonie dans la région .
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